Enquête franceinfo
"On nous vend du rêve" : comment des lycéens, déboussolés par Parcoursup, se font escroquer par des écoles privées

Certains lycéens, déroutés par la plateforme d'orientation vers l'enseignement supérieur, se tournent vers des formations plus ou moins sérieuses.
Article rédigé par Noémie Bonnin
Radio France
Publié
Temps de lecture : 4 min
La plateforme Parcoursup est ouverte jusqu'au 14 mars 2024. (DAVID ADEMAS / OUEST-FRANCE / MAXPPP)

Parcoursup est une source de gros stress pour les jeunes et leurs parents qui s'y perdent parfois, dans ce qui peut apparaître comme une jungle. La plateforme a ouvert mercredi 17 janvier aux lycéens de Terminale pour qu'ils s'inscrivent aux formations de l'enseignement supérieur, jusqu’au 14 mars. Mais certains préfèrent se tourner vers des écoles privées, en-dehors de Parcoursup. Ces officines se multiplient à grande vitesse.

Mais toutes ces formations sont loin d'être sérieuses et certains étudiants se font avoir, comme Martin. En 2021, ce passionné d’informatique trouve une école, Campus Academy à Aix-en-Provence, qui lui propose une formation qui le fait rêver, dans un beau cadre. Mais en cours de deuxième année, les problèmes arrivent : "Nous n'avons plus eu de wifi, plus de chauffage, plus d'électricité et au fil des mois, les professeurs partaient parce qu'ils n'étaient pas payés", raconte Martin. 

"Tout était beau, tout était parfait. On nous vend du rêve."

Martin, étudiant dont l'école privée a fermé pendant sa scolarité

à franceinfo

En février, l’annonce de la direction tombe : l’école met la clé sous la porte et laisse 130 étudiants sur le carreau. Il s’agit en fait du réseau d’écoles privées fondées par Michel Ohayon, un homme d’affaires bien connu dans de multiples autres dossiers d’entreprises en faillite, comme Camaïeu, Go Sport ou encore Gap. Les étudiants sont dépités : "On se retrouve avec un crédit pour payer une école qui coûte entre 6 800 et 9 000 euros l'année, des loyers à payer et pas de diplôme, détaille Martin. On ne pensait pas qu'il y avait de risque. C'était le rêve américain. À aucun moment je pensais que ça allait arriver. Une école qui ferme, pour moi, c'est irréaliste." Dans cette affaire, plusieurs étudiants ont porté plainte et la procédure judiciaire est en cours.

Manque de transparence

Cette situation extrême d’une école qui fait faillite n’arrive heureusement pas tous les jours, mais les étudiants peuvent être confrontés à d’autres types de problèmes, notamment dans la lisibilité des promesses, alors que l’enseignement supérieur privé a explosé ces dernières années. Il y a 25 ans, cela représentait 5 ou 6% des étudiants, aujourd’hui c’est plus de 26%.

Certaines écoles privées jouent littéralement sur les mots et proposent des "mastères", qui n’ont rien à voir avec le diplôme reconnu de "master". D’autres délivrent des diplômes non reconnus par l'État. Il n'est donc pas simple pour les familles de s'y retrouver, entre les diplômes, les titres, les grades ou encore les visas. La répression des fraudes a d’ailleurs enquêté en 2023 : sur les 80 établissements contrôlés, un sur trois est épinglé pour des "pratiques commerciales trompeuses" et plus de la moitié pour des "anomalies sur la réglementation". La médiatrice de l’Éducation nationale a récemment dénoncé ce manque de transparence.

En fait, ces nouveaux établissements sont détenus pour beaucoup par des groupes à but lucratif, ou des fonds de pension qui réclament des retours rapides sur investissements. Ces nouveaux venus font aussi de l'ombre aux grandes écoles de commerces et d'ingénieurs, publiques ou privées, mais reconnues par l'État (comme la Skema Business School, l'Essec, ou encore le Centre de formation des journalistes, le CFJ).

Bientôt un label pour faire le tri ?

Ces grandes écoles dénoncent régulièrement ces dérives. "C'est une concurrence déloyale, affirme Laurent Champaney, le président de la Conférence des grandes écoles, dans le sens où nous, les établissements publics ou non lucratifs, on s'engage sur la qualité. Cela fait, pour nous, des modèles économiques qui sont tendus. Et à côté de ça, on voit des opérateurs qui n'ont aucune contrainte, qui font ce qu'ils veulent, à grand renfort de marketing parce qu'ils ont un modèle économique très rentable. Ils s'adressent à un public un peu captif, qu'ils détournent de formations plus sérieuses et de meilleure qualité", déplore-t-il. La Conférence des grandes écoles réclame une plus grande régulation de la part de l’État.

La Fédération qui regroupe les écoles privées hors contrat est consciente de cet enjeu de lisibilité. Elle vient de sortir sa propre plateforme, "Parcours privé", qui est une sorte de Parcoursup du privé. Avec tout de même une grande différence : c’est uniquement un site d’information et non pas d’inscription. Alain Léon, vice-président de "Parcours privé", parle de concurrence tout à fait loyale avec le reste des écoles, même s’il existe quelques abus. "Comme dans toute activité, on pourra toujours trouver des acteurs qui ne respectent pas les règles, qui sont effectivement dans une communication qui n'est pas suffisamment claire, admet-il. De là à systématiser et à en faire une généralité pour tout ce qui est enseignement privé professionnalisant, je pense que c'est extrêmement abusif", ajoute-t-il.

De son côté, le ministère de l’Enseignement supérieur travaille depuis plus d’un an sur un label, pour faire le tri entre les écoles qui sont sérieuses et celles qui ne le sont pas. La difficulté est de trouver les bons critères qui permettent de faire ce tri. Des tests sont en train d'être effectués auprès de quelques familles, avec l'objectif que ce label soit prêt pour le lancement de Parcoursup 2025.

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