Colère des agriculteurs : le secteur est également en crise en Inde, en Espagne et au Maroc
Alors que le Salon de l'agriculture ouvre ses portes au public samedi 24 février, Porte de Versailles, à Paris, la colère des agriculteurs ne faiblit pas en France. En Inde, ces derniers bloquent une partie des accès à New Delhi et une grève générale agricole a été lancée le 22 février. En Espagne, la colère des agriculteurs et des éleveurs s'est traduite par une vague de contestation qui a démarré le 12 février 2023. Enfin, au Maroc, le manque de pluie et les chaleurs extrêmes font craindre des récoltes en berne.
En Inde, la colère gagne la capitale
Les agriculteurs du nord du pays ont lancé une marche vers New Delhi, depuis le 20 février et ils s'affrontent avec la police qui les retient à l'extérieur de la capitale. Ce mouvement n'est pas sans rappeler celui historique de 2020, où les agriculteurs indiens avaient campé pendant un an aux portes de New Delhi pour s'opposer à une réforme agricole.
Le gouvernement avait plié, et pour lever le siège, il avait aussi promis d’étudier la possibilité d’assurer un prix minimum garanti pour les principales récoltes du pays, comme le blé. Or, depuis 3 ans, il n’y a pas eu de suite à cette promesse, et comme les élections législatives ont lieu au mois d'avril 2024, les agriculteurs réclament l’application de cette mesure. Cette dernière existe dans certains États, mais pas au niveau national et cette extension est particulièrement demandée par les agriculteurs des régions fertiles du Nord, comme le Pendjab, où les récoltes sont abondantes et le prix est garanti. Mais les paysans de cette région se retrouvent concurrencés par les autres États plus pauvres et sans prix minimum, qui viennent y vendre leurs produits et cassent les prix.
Le gouvernement répond qu'il est impossible de déployer un tel système national rapidement, car cela aurait un impact énorme sur les prix alimentaires, et serait en plus difficile à appliquer dans des régions très différentes. Des négociations sont donc en cours depuis une semaine, mais ne semblent pas aboutir. Or, le mouvement peut se durcir, comme l'illustrent ces affrontements avec la police à 200 km de Delhi et prendre de l'ampleur, avec ces autres syndicats agricoles qui ont rejoint les manifestations dans tout le pays.
En Espagne, la mobilisation ne faiblit pas
Les agriculteurs sont mobilisés depuis le 12 février et cela s’est traduit par le blocage de nombreuses routes, autoroutes et infrastructures, des opérations escargot et des manifestations dans tout le territoire. Ils protestent notamment contre la concurrence déloyale des pays tiers, la bureaucratie excessive et la complexité des normes imposées par Bruxelles ou, encore, les prix trop bas auxquels ils doivent vendre leur production.
Les 3 principaux syndicats agricoles espagnols exigent une action urgente et coordonnée de la part des administrations, comme ils l’ont fait savoir le 21 février au ministre de l’Agriculture, de la Pêche et de l’Alimentation, Luis Planas, lors d'une réunion qu'il a trouvée positive. "Nous nous efforçons de répondre à ce problème. Le gouvernement espagnol a aujourd’hui mis sur la table un paquet très complet, comme toujours, ouvert au dialogue et au compromis, mais il s’agit d'un paquet de mesures très solides, explique Luis Planas. Je voudrais mentionner notamment la création de l’Agence nationale d’information et de contrôle des aliments. Du côté du gouvernement, nous allons continuer à travailler pour répondre à ces inquiétudes".
En tout, ce sont 18 mesures liées au droit de la chaîne alimentaire, à la simplification des règlements de la PAC et aux exportations en provenance de pays tiers, qui devront être abordées à Bruxelles. Quant à cette nouvelle Agence nationale pour le contrôle et l’inspection des aliments, elle devrait permettre d’améliorer le contrôle des prix.
Cependant, les syndicats espagnols ont indiqué qu'il était encore trop tôt pour qualifier la réunion de positive. Ils attendent que les mesures commencent à se concrétiser et c'est pour cette raison qu'ils vont maintenir le calendrier des mobilisations.
Au Maroc, le manque de pluie est chaque année de plus en plus sévère
Le Maroc a connu un épisode de chaleur en ce mois de février avec des températures allant jusqu’à 36 degrés à Agadir ou Essaouira. Or selon la formule de Théodore Steeg, au Maroc, "gouverner, c'est pleuvoir", puisque la pluviométrie a un impact direct sur le PIB du pays. Une année sans pluie, c'est une partie de la croissance qui s'évapore.
L'agriculture emploie un tiers de la population et elle représente 14% des exportations du pays. Autant dire que la sécheresse a des effets catastrophiques pour les agriculteurs et en particulier les céréaliers. Ils avaient pourtant anticipé la pénurie d'eau en réduisant de moitié les superficies semées, passant de 5 millions d'hectares semés habituellement à 2,3 millions d'hectares.
En plus de cette diminution des terres cultivées, les agriculteurs sont rationnés en eau à 5 000 tonnes par hectare. Ils pensent également à cesser de produire des céréales pour se concentrer sur les cultures maraîchères ou fruitières, qui ont pour le coût fait leur révolution. À grand renfort de subvention, les cultivateurs de fruits et des légumes sont passés à l'arrosage au goutte-à-goutte et ont remplacé le gaz par l'énergie solaire pour faire fonctionner leurs pompes d'irrigation. L'agriculture consomme 87% de la ressource en eau, mais tous les Marocains sont appelés à faire des efforts, puisque des restrictions ont été décrétées, comme la fermeture de hammams trois jours par semaine.
Résoudre l'équation du manque d'eau
Le pays est parsemé de barrages, mais ils sont aujourd'hui presque vides. Cependant, le pays est à la pointe de la technologie d'ensemencement des nuages, depuis les années 80, mais ça n'empêche pas la sécheresse.
Le royaume s'est donc lancé dans une politique de grands travaux, puisque sur tout le littoral, des usines de dessalement d'eau de mer sont en construction. Le gouvernement a également lancé la construction d'autoroutes de l'eau pour relier les régions entre elles. Le premier tronçon entre l'Oued Sebou et Rabat-Casablanca, vient d'être inauguré après seulement neuf mois de travaux.
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