Covid-19 : comment sont prises les décisions dans les pays décentralisés, comme l'Allemagne, l'Italie ou l'Espagne ?
Dans le Club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se fait ou se passe ailleurs dans le monde. L'Italie, l'Allemagne et l'Espagne sont trois pays décentralisés. Dans ce contexte, quelles instances décident de la manière dont il faut gérer la crise sanitaire ?
En France, les mesures sanitaires liées à l'épidémie de Covid-19 évoluent au rythme des conseils de défense, qui se réunissent quasiment chaque semaine autour du président de la République et du Premier ministre. Comment les décisions se prennent-elles dans les États moins centralisés ? Coup d'œil chez nos voisins européens, en Allemagne, en Espagne et en Italie.
En Allemagne, la chancelière a plutôt un rôle d'arbitre
L’Allemagne s’apprête à prolonger jusqu’au 28 mars les mesures de restrictions pour lutter contre la pandémie. Mais ce n’est pas la chancelière Angela Merkel qui l'a décidé, puisqu'elle ne peut pas faire du centralisme dans un État fédéral.
Elle tient une position de négociatrice ou parfois d’arbitre, pour rechercher un point d’équilibre avec les dirigeants des 16 Länder, les régions allemandes. Ces dirigeants, que l'on appelle des ministres-présidents, déterminent les politiques de santé, d’éducation et de culture. Dans une crise sanitaire, ils occupent donc une place centrale. Et c’est lors d’un mini-sommet comme celui de mercredi après-midi qu’ils discutent tous ensemble, avec la chancelière, des mesures à prendre.
Ces mini-sommets sont réguliers depuis le début de la pandémie. Ils se tiennent en général toutes les deux ou trois semaines, et il en ressort des orientations, davantage que des décisions. Chaque région est libre de les appliquer ou non. Cette décision se prend dans les jours qui suivent les mini-sommets, lorsque les 16 parlements régionaux discutent à leur tour. C’est ainsi qu'à Berlin, des libraires sont ouvertes mais pas les fleuristes, à l’inverse de la Bavière, qui rouvre ses instituts de beauté avant les autres régions. Chaque État y va de son initiative. Le fédéralisme ne fait qu’ajouter une impression brouillonne à ce qu’Angela Merkel rêverait d’appeler une "stratégie" de déconfinement.
En Espagne, de grosses différences suivant les régions
Le modèle décentralisé, promu par la Constitution de 1978, a révélé ses limites en Espagne pendant la crise sanitaire. On peut même parler de "cacophonie". Fin octobre, le chef du gouvernement espagnol, Pedro Sánchez, décrétait un nouvel état d’urgence sanitaire et imposait quelques critères généraux, comme un couvre-feu nocturne, tout en laissant la gestion sanitaire aux régions. Chacune a donc adopté progressivement les mesures qu’elle a jugées nécessaires. En matière de restauration, par exemple, les établissements ferment actuellement à 18 heures en Andalousie, à 16h30 en Catalogne et à 23 heures à Madrid.
Cela a provoqué des tensions sur le plan politique, qui sont permanentes depuis le début de la pandémie. Certaines régions, surtout celles gouvernées par le Parti populaire, n’ont cessé de critiquer la gestion du chef socialiste du gouvernement. La plus virulente reste la présidente madrilène, qui dans un premier temps a accusé Sánchez de trop d’interventionnisme, alors que depuis des mois, elle lui reprochait d’être aux abonnés absents.
Les tensions sont aussi monnaie courante entre les différentes régions. Et cela devrait empirer dans les prochains jours à cause de la Semaine sainte, l’une des fêtes les plus importantes en Espagne. Certaines régions envisagent de maintenir des confinements périmétriques pour limiter les déplacements et éviter une quatrième vague de Covid, alors que d’autres sont beaucoup plus laxistes. Le président de Cantabrie a, quant à lui, demandé à Sánchez d’adopter une position commune dans tout le pays, pour que toutes les régions disposent enfin des mêmes mesures.
En Italie, des couleurs en fonction du niveau de restrictions
L'Italie avait été le premier pays européen à adopter un confinement national, il y a tout juste un an, pour affronter la première vague de Covid-19. Une expérience qu’elle ne veut pas réitérer, pour ne pas aggraver la santé de son économie, qui fait face à la pire récession de la zone euro.
Un système de trois couleurs a été instauré pour distinguer les régions en fonction des risques face au Covid : jaune (modéré), orange (intermédiaire) et rouge (élevé). Une zone blanche a été ajoutée ce lundi 1er mars, qui indique qu'une réouverture presque totale est autorisée. Cela ne concerne que la Sardaigne pour le moment. Dans les zones jaunes, les bars, les restaurants ainsi que les musées sont ouverts jusqu’à 18 heures. À l’inverse, dans les zones rouges, le confinement est strict avec des autorisations nécessaires pour pouvoir se déplacer et des commerces qui sont fermés.
La campagne de vaccination est aussi inégale en fonction des régions. La gestion du système de santé est traditionnellement confiée aux régions, ce qui a donné lieu à de fortes disparités entre celles du nord, plus riches et mieux organisées, et celles du sud. Cela a créé des polémiques et des cafouillages entre l'État central et les régions.
Le nouveau chef du gouvernement Mario Draghi a décidé de reprendre la main et de mettre de l’ordre. Il a limogé le gestionnaire en charge de la campagne de vaccination pour le remplacer par un militaire. Le général Figliuolo, "le plus grand expert italien de la logistique des forces armées", sera chargé d’accélérer le rythme. Il doit atteindre l’objectif de 300 000 vaccinations quotidiennes, contre 100 000 actuellement. Enfin, le gouvernement va coordonner les plans régionaux de vaccination en centralisant l’approvisionnement et la distribution des doses de manière égale pour toutes les régions. C’est ce que Mario Draghi avait demandé à ses partenaires européens : "Une action coordonnée, rapide et transparente" pour vaincre le coronavirus.
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