Covid-19 : le télétravail est-il la règle en Espagne et au Royaume-Uni ?
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. En Espagne, le télétravail n'est pas toujours ancré dans la culture des entreprises, alors qu'il est simplement recommandé au Royaume-Uni.
En France, le gouvernement demande aux employeurs de fixer, à partir du lundi 3 janvier et pour "trois semaines, un nombre minimal de trois jours de télétravail par semaine pour les postes qui le permettent". Et lorsque c'est possible, "ce nombre peut être porté à quatre jours par semaine". À l'étranger, le télétravail est-il aussi généralisé ?
En Espagne, la culture du présentéisme
En Espagne, il n'y a pas d'obligation, les grandes entreprises le pratiquent un peu, les petites beaucoup moins. La loi a été réformée pour faciliter le télétravail mais dans la pratique, ce n'est pas encore très répandu. On peut franchement parler d'échec. Un échec collectif, des politiques, des entreprises, des syndicats aussi probablement. La proportion d'actifs espagnols qui travaillaient au moins la moitié de leur temps à distance, trois jours par semaine par exemple, était au troisième trimestre 2021 de 8%, selon les chiffres d'un observatoire qui dépend du ministère de l'Économie. Mais le pire, c'est que cette part de télétravail est en chute constante. Elle était de 16% au deuxième trimestre 2020, le double, donc, du taux actuel, de 11% au premier trimestre 2021 et de 9% au deuxième trimestre.
À cet échec, il n'y a pas une grande cause identifiée. Le journal El Confidencial s'est longuement penché sur le sujet, en interviewant acteurs économiques et experts. Parmi les pistes de réflexion, il y a ce qu'on appelle la culture du présentéisme : il faut être assis sur sa chaise au bureau pour se faire bien voir par le chef, même si on serait plus productif chez soi. Il y a aussi la taille des entreprises. L'Espagne est, avec l'Italie et Malte, l'un des pays européens où il y a le plus de micro-entreprises, de moins de dix salariés. Précisément celles qui ont le plus de mal à installer le télétravail. Et puis la régulation n'est pas du tout contraignante. La loi mise en place en février 2021 ne parle que d'encourager le télétravail… et le gouvernement a rappelé qu'il ne s'agissait en aucun cas d'une obligation, ni pour l'employé, ni pour l'employeur.
À défaut de faciliter le télétravail des Espagnols, le pays veut attirer le télétravail des étrangers. C'est ce qu'on appelle les nomades numériques que différentes régions veulent attirer. Il y a d'abord eu des initiatives individuelles. Des communes sur le littoral, Benidorm, Barcelone, des régions insulaires ou ensoleillées, les Canaries, l'Andalousie, ont lancé des campagnes sur le sujet. Ça permet de remplir les hôtels ou les appartements touristiques. Et puis il y a trois semaines, le gouvernement central a fait voter une loi sur les start-up qui inclut tout un volet spécifique. "Le projet de loi met en place une procédure simplifiée pour l'obtention des visas et des permis de séjour pour raison de télétravail de travailleurs hautement qualifiés, déclare la ministre de l'Économie Nadia Calviño. Ils pourront aussi bénéficier du régime d'impôts sur le revenu des non résidents pendant un maximum de cinq ans. Il s'agit de mesures importantes pour attirer dans notre pays les nomades numériques."
Des avantages fiscaux donc, et une bureaucratie simplifiée. À noter que les Espagnols expatriés depuis cinq ans peuvent aussi bénéficier de ces avantages s'ils rentrent au pays établir leur activité.
Au Royaume-Uni, pas d'obligation mais une recommandation
Le télétravail est de retour au Royaume-Uni depuis décembre dernier, pour freiner le "raz-de-marée du variant Omicron" selon Boris Johnson. Le "home working" en anglais n'est pas obligatoire et il ne l'a jamais été. Mais le ton du Premier ministre a changé depuis le premier confinement. En 2020, le message était clair : travaillez à la maison sauf impossibilité. Aujourd'hui, le message est flou : travaillez à la maison si vous le pouvez, allez au travail si vous le devez. Le gouvernement se contente de recommander à ceux qui doivent aller au travail de se tester régulièrement mais n'en fait pas une obligation. Le Pays de Galles fait figure d'exception au Royaume-Uni, où le télétravail est obligatoire. Les entreprises risquent une amende de 1 000 livres, et les employés, 60 livres.
L'annonce du retour du télétravail a été plutôt bien reçue par le public et les salariés. Même chose pour les politiques, même si certains ne sont pas privés de railler le gouvernement qui a autorisé les fêtes de Noël entre amis et collègues, comme le veut la tradition. Les députés conservateurs, par principe hostiles aux restrictions, se sont plus rebellés contre le pass sanitaire que le télétravail. Le gouvernement se veut rassurant et clame que le Royaume-Uni a l'un des systèmes les moins restrictifs d'Europe. Du côté des entreprises, elles s'adaptent. La plupart ne ferment pas leurs locaux pour permettre aux salariés d'accéder à leur outil de travail. Mais il suffit de se balader dans la City pour constater que les bureaux sont vides, de nombreux magasins et restaurants sont fermés et que les salles de sport sont à la peine.
Le gouvernement réfléchissait déjà à la question du télétravail avant la pandémie, mais bien sûr les circonstances ont précipité les choses. En septembre, le gouvernement a décidé qu'un salarié pouvait demander à son employeur de télétravailler dès son embauche. Alors qu'avant, il fallait rester au moins 6 mois dans une boîte avant de présenter une telle demande. En 2020, un peu plus d'un tiers des travailleurs ont expérimenté le télétravail, selon une étude britannique.
Plusieurs tendances positives sont à noter : plus de la moitié des femmes estiment que leur carrière sont boostées, les salariés les plus âgés sont prêts à décaler leur retraite, et les entreprises mettent l'accent sur le bien-être de leurs employés. Enfin, pour terminer sur une note légère : en septembre, les Britanniques, de retour au bureau les mardis, mercredis et jeudis, ont fait du jeudi soir le "Thirsty Thursday" (jeudi assoiffé). C'est désormais le jeudi et non plus le vendredi, que l'on se retrouve, le soir, autour d'une pinte au pub.
Commentaires
Connectez-vous à votre compte franceinfo pour participer à la conversation.