Crise en Ukraine : l'attitude vis-à-vis de l'Otan en Hongrie, Roumanie et Slovaquie
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qu'il se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction la Hongrie, Roumanie et Slovaquie pour savoir si ces pays sont prêts à servir de base arrière de l’Otan en cas d’invasion de l’Ukraine par la Russie ?
Le secrétaire d'État américain Antony Blinken a déclaré mardi 1er février à son homologue russe Sergueï Lavrov que le moment était venu de retirer les soldats
russes déployés à la frontière avec l'Ukraine si Moscou ne comptait pas lancer une attaque. La Russie, de son côté, dément toute velléité agressive mais conditionne le processus de désescalade à des garanties pour sa sécurité, notamment que l'Ukraine ne soit jamais membre de l'Otan. Valadimir Putine espère néanmoins que l'Occident et la Russie pourront trouver "une solution" à leur crise, mais accuse Washington d'utiliser l'Ukraine comme un instrument pour entraîner Moscou dans un "conflit armé". Quelle attitude adopter face à la Russie ? La question divise, particulièrement dans les pays qui ont, dans le passé, fait partie du bloc soviétique. Tour d'horizon.
En Hongrie, les adversaires de Viktor Orban dénoncent sa proximité avec Moscou
Le Premier ministre Viktor Orban se rend mardi à Moscou pour rencontrer Vladimir Poutine. Cette visite n'est pas axée sur la situation Ukrainienne. Le but de la rencontre est même d'acheter du gaz russe et d'évoquer la modernisation de la centrale nucléaire hongroise, confiée au géant russe Rosatom. Néanmoins l'opposition hongroise n'apprécie pas ce déplacement jugeant qu'aller serrer la main de Vladimir Poutine, en ce moment, c’est lui laisser croire que les membres de l’Otan ne sont pas unis face à lui. De manière générale, les adversaires de Viktor Orban dénoncent sa proximité avec Moscou, et la signature de contrats défavorables à la Hongrie. Par exemple, Budapest a acheté très cher des vieilles rames de métro russes, pas climatisées, et qui font un bruit d’enfer. Orban a accueilli une banque russe à Budapest. Une banque dirigée par un ancien membre du KGB, soupçonnée d’être un nid d’espions en plein cœur de l’Europe. Pour l’opposition hongroise, Orban est le cheval de Troie de Poutine en Europe.
En réalité, Viktor Orban mène un double jeu. Il a toujours dit que la Hongrie était un membre actif de l’Otan. Et il tient parole. Les avions militaires hongrois participent régulièrement à des exercices en Estonie. Ils aident ce petit pays balte à repousser les incursions des avions russes. Et la Hongrie s’est engagée à mettre ses aéroports militaires à la disposition de l’Otan. Mais visiblement Orban n’a pas vraiment envie d’accueillir des troupes de l’Otan sur son sol. Peut-être justement pour ne pas provoquer Vladimir Poutine avec lequel il a de si bonnes relations.
En Slovaquie, un nouvel accord de partenariat avec les États-Unis actuellement sur la table
Comme l'Ukraine, la Slovaquie possède une frontière commune avec la Russie. Pour le gouvernement slovaque, il est naturel de s’engager aux côtés des États-Unis, de l’Otan et de l’Union européenne. Le ministre de la Défense slovaque devrait signer cette semaine un nouvel accord de partenariat stratégique avec les États-Unis, élément de base de la coopération militaire entre Bratislava et Washington qui pourrait permettre à l’armée américaine d’utiliser notamment deux aéroports dans ce petit pays d’Europe centrale.
La présidente slovaque, Zuzana Caputova, a défendu cet accord en le faisant annoter et préciser que la souveraineté du pays ne saurait être remise en cause.
Du côté de l’opposition et de l’ancien Premier ministre Robert Fico, cet accord est critiqué et certains dénoncent la possibilité d’avoir des bases de soldats américains sur le sol slovaque, de plus en plus proches du territoire russe.
Pour défendre sa position, l'opposition s'appuie sur les derniers sondages d’opinion. Ces sondages semblent montrer que beaucoup de Slovaques jugent les États-Unis et l’Otan responsables de la tension actuelle entre l’Ukraine et la Russie. L’actuel Premier ministre slovaque Eduard Heger estime que l’opinion publique est manipulée par son prédécesseur et il vient de publier une tribune pour critiquer "ceux qui veulent éloigner la Slovaquie de l’Otan et de l’UE".
"S’il faut renforcer les capacités militaires même à notre frontière orientale, alors bien sûr nous le ferons, parce que l’Otan, poursuit le chef du gouvernement, est régi par le principe du un pour tous et tous pour un." La Slovaquie a récemment acheté des F16 américains, son aviation restait la seule de l’Otan à voler encore avec des vieux MiG russes.
En Roumanie, l'armée française est attendue
Emmanuel Macron l'a déjà annoncé : des troupes françaises sont en phase de préparation pour se positionner dans ce pays frontalier de l’Ukraine. Quelques centaines d'hommes pourraient être déployés, dès lors que l'Otan en fera la demande. La Roumanie, comme la Pologne, est un pays frontalier de l’Ukraine avec 600 km de contact au nord et à l’est. Côté mer Noire, la péninsule de Crimée, annexée par la Russie en 2014, est à moins de 500 km. Mais le choix stratégique du moment est dû à la présence sur le sol roumain d’un très important bouclier anti-missile de l’Alliance Nord-Atlantique.
Ce dispositif de défense installé en 2016 indispose les Russes, qui demandent, ni plus ni moins que le retrait total des forces de l’Otan de Roumanie. Il faut savoir que la Roumanie et l'Union soviétique se sont disputé des territoires à plusieurs reprises par le passé, comme la Moldavie voisine, qui a envisagé un temps le rattachement à la Roumanie, avant de finalement choisir l'indépendance après l'effondrement de l'URSS.
Le président roumain Klaus Iohannis a essuyé quelques critiques pour avoir laissé Emmanuel Macron parler en premier, mais pour le reste, le choix des Français est très bien perçu en Roumanie. "Nous sommes bien sûr très contents", a déclaré le ministre roumain de la Défense au diapason de la grande majorité des analystes, pour qui cette annonce est un geste de fermeté, de détermination mais aussi d’amitié de la part de la France.
Il ne faut pas oublier que c’est la France qui a parrainée la Roumanie pour son entrée dans l’Otan en 2004 et c’est toujours la France qui a le plus fortement œuvré pour l’arrivée de la Roumanie au sein de l’Union européenne. D’ailleurs, l’image de l’Europe s’est sensiblement améliorée en Roumanie, pays longtemps tourné vers les États-Unis : 72% de la population pense aujourd'hui que la Roumanie doit rester au sein de l’UE.
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