Démographie : la baisse dramatique de natalité au Japon et en Corée du Sud

Que se passe-t-il au Japon et en Corée du Sud ? Malgré les mesures des gouvernements, rien ne semble endiguer la natalité en chute libre dans ces deux pays. Nos correspondants sur place racontent.
Article rédigé par franceinfo - Karyn Nishimura, Celio Fioretti
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Le passage sous la barre des 800 000 naissances annuelles au Japon est arrivé dix ans plus tôt que dans les prévisions. Photo d'illustration (KEIZO MORI / MAXPPP)

Le gouvernement japonais a annoncé cette semaine les statistiques des naissances, et les chiffres sont très mauvais. La dénatalité est déjà un phénomène ancien sur l’archipel, mais cela va de mal en pis. Quant à la Corée du Sud, le pays a annoncé, mercredi 28 février, avoir battu son propre record du plus faible taux de natalité au monde avec seulement 0,72 enfant par femme.

Japon, un record battu chaque année depuis 8 ans

Au Japon, la dénatalité s’aggrave et atteint même des niveaux qui dépassent largement les prévisions les plus pessimistes. Seulement 758 600 naissances ont été enregistrées en 2023 au Japon. Le record de faiblesse est battu tous les ans depuis 8 ans. Pire, les démographes pensaient que le passage sous les 800 000 naissances annuelles se ferait seulement vers 2032, eh bien non, il a eu lieu 10 ans plus tôt.

Un porte-parole du gouvernement japonais, en conférence de presse, a réagi ainsi : "L’évolution de la dénatalité constitue une situation critique. Les six prochaines années nous offrent la dernière chance pour inverser, ou non, la tendance avant la décennie 2030, alerte-t-il. Élever les revenus des jeunes, réformer la structure et la façon de penser de la société, soutenir sans faille les foyers avec enfants sont les piliers de notre politique, d’une envergure sans précédent pour lutter contre cette dénatalité." Ce phénomène qui dure quand même depuis plus de 40 ans relèveraient d'un problème économique d'après ses paroles, les couples n’ayant pas assez d’argent pour élever des enfants. 

Pas seulement un problème économique

Pourtant des aides ont été amplifiées au fil des ans, et n’ont rien changé. La dénatalité est un tel problème installé dans la durée que le nombre de femmes à même de procréer s’est lui aussi fortement réduit.

De plus, le mariage est un préalable au Japon. Or, une partie des jeunes ne peuvent pas se marier parce qu’ils ne sont pas un bon parti, faute de ressources. Une autre partie fait sciemment le choix de rester seuls et bien des couples mariés décident de ne pas avoir d’enfants, même s’ils en ont les moyens, parce qu’ils veulent un autre mode de vie ou estime que le monde actuel n’offre pas des perspectives heureuses. Toutes ces raisons semblent être ignorées par le monde politique.

En Corée du Sud, 300 milliards de dollars déjà investis

En Corée du Sud, le problème est assez similaire. Avec seulement 0,72 enfant par femme, le pays devient de plus en plus vieux et ne parvient pas à renouveler sa population. La moyenne d'âge dans ce pays de 51 millions d'habitants est de 44 ans, mais elle pourrait grandement augmenter dans les prochaines années. En 2070, il est estimé que la moitié des Sud-Coréens auront plus de 65 ans. Trente ans plus tard, en 2100, la population sud-coréenne sera divisée par deux. La crise démographique se fait déjà sentir, notamment sur le système de retraite, qui ne disposera bientôt plus d'assez d'actifs pour financer les retraités. L'économie, elle aussi anticipe déjà une récession à mesure que la population coréenne ne pourra plus travailler. 

Cette crise démographique est une vraie urgence nationale et le gouvernement a mis la main au porte-monnaie pour tenter d'endiguer ce déclin. En 20 ans, près de 300 milliards de dollars ont été investis dans différents programmes. Aides au logement, chèques mensuels, taxis gratuits, exemptions de service militaire pour les pères de famille nombreuse... le gouvernement multiplie les incitations aux naissances. Certaines entreprises s'y mettent aussi. Un géant du BTP propose désormais une prime de 70 000 dollars chaque fois qu'un employé a un enfant.

Pour s'occuper des petits, le gouvernement prévoit également de faire venir des nounous étrangères, dans des conditions toutefois décriées, car elles toucheront moins que le salaire minimum. L'immigration et la main d'œuvre étrangère semblent aussi être des portes de sortie pour le pays, mais pour l'instant la Corée limite fortement l'arrivée de travailleurs étrangers sur son sol.

Une société à réinventer

Malgré les mesures du gouvernement, la Corée du Sud ne cesse de faire de moins en moins d'enfants. Il faut dire que le problème est bien plus profond qu'une simple prime accordée aux jeunes parents. Pour beaucoup, c'est la société coréenne elle-même qui ne permet pas la venue d'un enfant. En plus d'un marché immobilier excessivement cher, le pays pâtit d'une difficulté à allier vie de famille et vie professionnelle, avec une semaine de travail à 52 heures. La pression sociale est importante et le coût de l'éducation ajoute encore des raisons au découragement général. 

Les femmes sud-coréennes pointent aussi du doigt la profonde inégalité entre les hommes et les femmes. Les tâches ménagères restent principalement l'affaire des mères de famille. Au travail, ces dernières sont d'ailleurs poussées vers la sortie de leurs entreprises dès la venue d'un enfant, rendant tout rêve de carrière impossible. Une vie difficile que beaucoup ne souhaitent pas infliger à leur enfant. Si la Corée du Sud souhaite inverser sa courbe démographique, c'est la société toute entière qui est à réinventer.

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