Droit à l'avortement : le Canada et l'Espagne souhaitent sanctuariser ce droit
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction le Canada et l'Espagne pour voir quelle est leur politique concernant le droit à l'avortement.
La Cour suprême américaine réfléchit à faire reculer drastiquement le droit à l'avortement aux États-Unis. D'après le site d'information Politico, la plus haute juridiction du pays a rédigé une décision qui renverserait le fameux arrêt Roe contre Wade, qui a fait de l'avortement un droit constitutionnel en 1973. Ce revirement, s'il entrait en vigueur, serait une victoire pour les États conservateurs qui multiplient les restrictions contre l'IVG. Et cela suscite de l'émotion au Canada et en Espagne.
Au Canada, on s'inquiète de l'effet contagion de cette remise en cause de l'IVG
Le Canada s'inquiète vis-à-vis de cette remise en cause du droit à l'avortement de l'autre côté de la frontière. On a l'habitude de dire que lorsque les Etats-Unis toussent, le Canada s'enrhume. Les Canadiens s'interrogent donc sur un possible effet contagion chez eux d'une telle remise en cause. D'autant que l'avortement a été décriminalisé en 1988 par un arrêt de la Cour Suprême du Canada, mais que ce droit ne fait pas l'objet d'une loi particulière. Le Premier ministre libéral Justin Trudeau s'est donc engagé il y a quelques jours à envisager de légiférer sur la question pour sanctuariser ce droit. "On sait malheureusement avec ce qu'on voit chez nos voisins du sud mais aussi avec ce qu'on voit dans les débats au sein du parti conservateur du Canada que nous avons besoin d'assurer qu'il y ait des protections pour que jamais on ne voit ce recul", a-t-il déclaré.
Pas de recul, même si le vrai problème posé aux Canadiennes est aujourd'hui celui de l'accès à l'avortement, très compliqué encore dans certaines provinces qui disposent de peu de cliniques ou d'hôpitaux pratiquant cette intervention. Reste que le Canada pourrait devenir une terre d'accueil pour les Américaines possiblement privées dans leurs états respectifs, de ce droit.
Mais ce droit à l'avortement fait-il encore l'objet de débats dans le pays ? Si l'on en croit les sondages, il est majoritairement plébiscité par les Canadiens. Néanmoins Justin Trudeau soupçonne les Conservateurs, c'est-à-dire la droite canadienne, de vouloir profiter de l'occasion pour redonner de la voix. Ils comptent en leur sein de nombreux électeurs notamment dans l'ouest du pays et des élus qui ne se cachent pas d'être anti-avortement. Mais leurs principaux dirigeants aujourd'hui s'en défendent et affirment que le débat au Canada est clos.
En Espagne, le gouvernement veut renforcer le droit à l'IVG
En Espagne, le gouvernement de gauche emmené par le socialiste Pedro Sánchez présente, mardi 17 mai, un projet de loi pour renforcer le droit à l'IVG. C'est ce qu'on appelle la nouvelle loi sur l'avortement. Il s'agit d'un projet de loi qui sera donc adopté en Conseil des ministres avant d'être soumis et voté au Parlement. Rappelons que l'IVG a été dépénalisé en Espagne en 1985 mais les femmes sont toujours confrontées à de nombreux obstacles lorsqu'elles veulent avorter dans ce pays.
En premier lieu : à cause d'une majorité de médecins dans le secteur public qui invoquent leur clause de conscience pour refuser de pratiquer les avortements. Sans parler des fortes pressions des associations d'opposants, à l'image de celles exercées par le parti d'extrême-droite Vox. "Vous faites partie d'une Internationale réactionnaire qui, comme aux États-Unis, veut interdire le droit des femmes de décider de leur propre corps, a déclaré la ministre de l'Egalité et numéro deux de Podemos, Irene Montero, mercredi 11 mai, s'adressant à la porte-parole de Vox au Congrès des Députés pour défendre le droit à l'avortement. Eh bien, le gouvernement espagnol va présenter devant ce Congrès une loi pour garantir que toutes les femmes qui veulent interrompre volontairement leur grossesse puissent le faire, en toute sécurité, et dans les centres publics." Actuellement, environ 80% des IVG sont réalisés dans le secteur privé en Espagne. Ce projet de loi veut donc garantir que toutes les femmes puissent avorter dans un centre de santé public et le plus près possible de chez elles.
Dans ce projet de loi, une autre mesure phare soulève la polémique : la possibilité pour les mineures, dès 16 ans, d'avorter sans l'autorisation de leurs parents. Cette mesure était déjà incluse dans la loi sur l'avortement socialiste de 2010, mais elle avait déjà provoqué une levée de boucliers chez les conservateurs. Elle a finalement été abrogée en 2015 par le gouvernement du Parti Populaire de Mariano Rajoy. Aujourd'hui encore cette mesure suscite beaucoup de critiques. "Je ne laisserais jamais une fille de cet âge avoir un bébé parce qu'elle n'a que 16 ans et que c'est encore une enfant, confie María Espada, grand-mère de deux adolescentes. Par contre, j'aimerais que ses parents soient informés."
Les débats au Parlement s'annoncent houleux d'autant qu'au-delà de l'avortement, ce projet de loi inclus une série de mesures en faveur des droits des femmes, notamment "un congé menstruel" pour les travailleuses qui souffrent de règles très douloureuses. Une première en Europe.
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