Élections européennes : la stratégie des partis au pouvoir en Italie et en Allemagne

En Italie, le scrutin est personnifié, il tourne autour de la Première ministre, Giorgia Meloni. En Allemagne, le chancelier, Olaf Scholz se fait beaucoup plus discret. Pour les deux chefs d'État, cette élection sera un test pour leur coalition et leur politique.
Article rédigé par Sébastien Baer, Bruno Duvic
Radio France
Publié
Temps de lecture : 8min
La Première ministre italienne Giorgia Meloni et le chancelier allemand Olaf Scholz, à Rome, en Italie, le 8 juin 2023. (DOMENICO CIPPITELLI / NURPHOTO / AFP)

En France, à deux jours des élections européennes, Emmanuel Macron s’est invité jeudi 6 juin 2024 dans les JT de 20 heures de TF1 et France 2. Une initiative qui ravive le débat et la polémique sur l’interventionnisme du camp présidentiel pour tenter de sauver la candidate du camp présidentiel, Valérie Hayer. Comment se comporte la majorité chez nos voisins ?

Le Club des correspondants fait une première escale en Italie, où la campagne a tourné très largement autour de Giorgia Meloni, la Première ministre, sa façon de gouverner et sa politique. D'ailleurs, elle est elle-même candidate, symboliquement, elle ne siégera pas à Strasbourg. Son parti est en tête des intentions de vote avec environ 6 points d'avance sur les sociaux-démocrates. Un scrutin vu comme un vote de confirmation ou non de la politique de la Première ministre, c'est le premier scrutin général depuis sa victoire en septembre 2022.

Puis, nous irons en Allemagne, où la stratégie de la majorité est différente. Si le chancelier Olaf Scholz apparaît sur certaines affiches de la candidate de son parti, il se fait plutôt discret. Pourtant, au sein du parti social-démocrate (SPD), l’inquiétude monte au fur et à mesure qu’approche le scrutin. Dans le meilleur des cas, le SPD terminera deuxième, derrière les conservateurs, mais il pourrait aussi se faire devancer par l’AfD, l’extrême-droite. Cette élection fait figure de test pour le chancelier. C’est le premier vrai baromètre national depuis l’arrivée au pouvoir, il y a deux ans et demi, des trois partis de la coalition.

Italie : "Écrivez Giorgia" sur le bulletin

Un détail révèle la personnalisation de cette campagne : un prénom. En Italie, il existe ce que l’on appelle le "vote préférentiel", en plus de voter pour une liste, vous pouvez distinguer trois candidats de cette liste en inscrivant leur nom et leur prénom sur le bulletin. Giorgia Meloni demande aux électeurs de n’écrire que son prénom : "Écrivez Giorgia". Une façon de personnaliser le scrutin et d’appuyer sur un aspect de sa personnalité qu’elle met en avant : la proximité.

Ces derniers jours de débats en particulier ont tourné autour d’elle, elle est omniprésente à la télévision. Une campagne nationale, non européenne, et vue comme un vote de confirmation ou non de la politique de la Première ministre, c'est le premier scrutin général depuis sa victoire en septembre 2022. Cette semaine, à quelques jours du scrutin, donc, elle a lancé une réforme du système de santé, pour réduire les délais d’attente interminables pour obtenir un rendez-vous médical. Et a été présentée un coup de pouce au pouvoir d’achat des familles les plus pauvres. Autant de spots électoraux de dernière minute, a dénoncé l’opposition, qui avait axé sa campagne justement sur les lacunes de la politique de Giorgia Meloni dans ces domaines : réduction des inégalités et dégradation du système de santé en Italie.  

L’immigration, un sujet de cette campagne

La dernière semaine de campagne, Giorgia Meloni a fait un saut en Albanie où deux centres pour migrants sous juridiction italienne et financés par l’Italie, doivent voir le jour dans les mois à venir. C’est le symbole de sa politique d’externalisation dans ce dossier, il s'agit de trouver des accords avec des pays en dehors de l’Union européenne, Albanie, Tunisie, pour dissuader les migrants d’arriver en Italie. Cela intéresse les partenaires européens et c’est vrai que les arrivées sont en forte baisse par rapport à l’an dernier, -60% avec des conséquences humaines dramatiques, disent les ONG, en particulier pour les candidats à l’exil retenus en Tunisie. Le slogan de campagne du parti de Giorgia Meloni c’est : "Avec Giorgia l’Italie change l’Europe". Sur ce thème, l’immigration, mais aussi pour accréditer l’idée que l’envoi en masse de députés de la droite nationaliste changerait le visage de l’Europe.

Le thème de la paix a également émergé. Et par paix, il faut traduire, non à l’envoi d’armes offensives en Ukraine. C’est le fil rouge de la campagne de la Ligue, le parti d’extrême droite, membre de la coalition au pouvoir, et de ceux qu’on appelle souvent les populistes de gauche, les 5 Étoiles.  
Mais ce qui fut l’un des grands sujets de débat au Parlement ces dernières années, l’écologie, a été largement absente de la campagne.

Allemagne : Le SPD va-t-il faire moins bien qu’en 2019 ?

À Berlin, en Allemagne, la situation n’est guère enviable pour la majorité, mais la stratégie est différente. Au sein du parti social-démocrate (SPD), l’inquiétude monte au fur et à mesure qu’approche le scrutin. En 2019, lors des précédentes éléctions européennes, la formation d’Olaf Scholz avait obtenu 15,8% des voix, cette fois, les sondages la créditent d’environ 15% des intentions de vote. Dans le meilleur des cas, le SPD terminera deuxième, derrière les conservateurs de la CDU/CSU, mais il pourrait tout aussi bien se retrouver en quatrième position, devancé par l’AfD, l’extrême-droite, et le parti écologiste qui sont au coude-à-coude. Comme en 2019, Katarina Barley, 55 ans, ancienne ministre, a été désignée tête de liste du SPD, mais elle souffre d’un déficit de popularité. Pourtant, son visage est partout en Allemagne sur les affiches et les réseaux sociaux sur lesquels elle apparaît parfois seule, avec ces slogans "Katarina la juste" ou encore "Katarina la courageuse". Sur d’autres affiches, elle est aux côtés du chancelier Olaf Scholz.

Le chancelier, dont la présence est relativement discrète dans la campagne, quelques meetings çà et là, comme la semaine dernière à Leipzig ou le dernier ce samedi, à Duisbourg, dans l’Ouest. Et Olaf Scholz fait campagne avec presque un thème unique : "Frieden sichern", garantir la paix, c’est le slogan qui revient le plus souvent sur les affiches. La paix, le mantra d’Olaf Scholz qui veut rassurer les Allemands pour qui la guerre en Ukraine et la sécurité des frontières figurent parmi les préoccupations majeures, devant le réchauffement climatique. Les autres thèmes de campagne abordés par Olaf Scholz sont davantage nationaux qu’européens : l’âge de la retraite, le salaire minimum. Et si le chancelier ne s’expose pas davantage, c’est parce qu’il sait que sa candidate n’aurait sans doute pas grand-chose à y gagner.

L'extrême droite en tête dans certains Länder

Les Européennes vont d’ailleurs faire figure d’élection-test pour le chancelier. C’est le premier vrai baromètre national depuis l’arrivée au pouvoir, il y a deux ans et demi, des trois partis de la coalition, après 16 ans de règne d’Angela Merkel. Le SPD, les Verts et les libéraux renvoient l’image d’un trio incapable de s’entendre, déchirés en permanence par des luttes intestines sur la stratégie économique, la politique climatique ou la règle du frein à l’endettement. Les élections fédérales n’auront lieu qu’à l’automne 2025, mais trois scrutins régionaux sont prévus avant, en septembre, en Saxe, en Thuringe et dans le Brandebourg, trois Länder de l’Est, où l'extrême droite fait la course en tête, bien loin devant les partis de la coalition d’Olaf Scholz.

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