Europe : l’Union européenne remet en route son industrie de défense
Pour la Commission européenne, l'urgence est de sortir d'une situation passée, où 30 ans de désinvestissement ont ralenti la capacité industrielle de la Défense. Depuis la chute de l’Union soviétique, les Européens ont vécu dans les "dividendes de la paix" et se sont retrouvés quelque peu dépourvus quand il a fallu fournir armes et munitions à l’Ukraine, notamment pour reconstituer les stocks. Dans son plan industriel à long terme proposé mardi 5 mars, l'UE veut donc financer et coordonner une production d'armes et de munitions sur le territoire, afin de se renforcer et de limiter les approvisionnements hors-Europe.
Au sein de l'Union, il y a longtemps eu un tiraillement entre les pays neutres, les membres de l’Otan, les partisans d’une vraie défense européenne et ceux qui estimaient suffisante la garantie de sécurité des États-Unis. Il y a dix ans, les pays membres de l’Otan ont décidé de porter à 2% de leur PIB leurs dépenses de défense, mais ce taux n'a pas été beaucoup respecté jusque-là. Depuis la guerre en Ukraine, deux pays ont abandonné leur neutralité, la Suède et la Finlande, et depuis les déclarations de Donald Trump, la garantie de sécurité des États-Unis semble moins fiable.
Garantir des commandes aux industriels européens et moins se fournir ailleurs
En conséquence, la Commission veut relancer l’industrie européenne de l'armement. Elle est loin de tourner au ralenti mais ils faut augmenter ses capacités. Depuis la guerre, l’Union a déclenché deux outils, l’un pour des acquisitions conjointes d’armement via les marchés publics, l’autre pour soutenir la production de munitions. Mais pour aller plus loin, il faut garantir aux industriels de l’armement que les commandes seront au rendez-vous pour les décennies à venir. Et cela passera par un financement commun.Depuis l'invasion russe de l'Ukraine,
68% de l'armement acheté vient des États-Unis. L’objectif est que les Européens soient en mesure d’acquérir la moitié des armements nécessaires auprès de leur propre industrie d’ici 2030. Un fonds sera mis en place pour garantir des prêts aux industriels, en particulier les PME. De la même façon, la Commission propose que la Banque européenne d’investissement facilite l’accès aux financements pour le secteur de la défense. Il faut permettre aux sites industriels de maintenir en permanence un état de production de munitions ou de systèmes d’armement.En Pologne, le nouveau gouvernement achète des avions suédois et investit dans la production de blindés
Depuis le début de la guerre en Ukraine, la Pologne multiplie les contrats d’armements pour moderniser son armée. Le gouvernement des ultras conservateurs et nationalistes du PiS a dépensé des milliards d’euros dans des armes, principalement américaines et coréennes. Mais depuis les élections en fin d’année dernière, et l’arrivée de la nouvelle coalition pro-européenne au pouvoir, les lignes semblent avoir bougé.
Le nouveau ministre de la Défense polonais rencontrait d’ailleurs hier son homologue suédois.
Ils ont annoncé qu’un contrat avait été signé pour livrer des avions de reconnaissance suédois à Varsovie. L’occasion pour le ministre de la Défense polonais, Władysław Kosiniak-Kamysz, de montrer son attachement au projet de l’Union européenne pour une industrie européenne de défense. S’il a bien précisé que la Pologne restait très attachée à l’Otan et à son grand allié américain, il a soutenu que l’Europe devait aussi avoir plus de poids. La semaine dernière, Varsovie a signé un contrat avec une entreprise polonaise pour près de 300 véhicules de transport blindés. Et preuve de son attachement à l’UE, il a fustigé le gouvernement précédent qui avait rompu un contrat avec Airbus pour des hélicoptères de combat.
La Pologne se munit en parallèle d'armes ultra-modernes américaines
Pourtant, la Pologne continue de signer des contrats avec les États-Unis. Le nouveau gouvernement n’enterre pas son allié américain pour autant. En parallèle du contrat avec l'entreprise polonaise la semaine dernière, elle a trouvé un accord avec les Américains pour la livraison de systèmes de défense aérienne. La Pologne devrait débourser près de 2,5 milliards de dollars pour ces armes ultramodernes. Elle deviendrait ainsi le premier pays au monde, autre que les États-Unis, à utiliser ces systèmes de défense aérienne. Il faut dire que face à la menace d’une invasion russe, la Pologne se démène pour moderniser son armée. Et l’industrie américaine paraît très fiable sur le terrain et fait ses preuves en Ukraine.
Certains experts de la défense polonaise ont d’ailleurs critiqué les avions suédois qu’elle vient d’acheter, les traitants "d’avions de reconnaissance pour les pauvres…", parce qu’un peu dépassés. Alors si le nouveau gouvernement assure vouloir changer de cap et passer de plus en plus par des entreprises européennes, face à l’urgence de la situation et une hypothétique invasion russe, elle continue de se fournir en armes modernes un peu partout, et surtout aux États-Unis.
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