Guerre en Ukraine : la crainte de l'extension du conflit en Suède et en Pologne

La Suède annonce son plus gros plan d’aide militaire à Kiev depuis le début de la guerre, et la Pologne rappelle qu’elle est prête à mettre à disposition des soldats. L'un comme l'autre redoutent une victoire de la Russie.
Article rédigé par franceinfo - Carlotta Morteo et Martin Chabal
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Temps de lecture : 8min
Le président ukrainien Volodymyr Zelensky et le Premier ministre suédois Ulf Kristersson à Stockholm, le 31 mai 2024, lors d'un sommet sur la sécurité et la défense. (FREDRIK SANDBERG / TT NEWS AGENCY / AFP)

Le soutien pour Kiev ne flanche pas dans les pays du nord de l'Europe, comme en Suède. Le président ukrainien Volodymyr Zelensky était à Stockholm vendredi 31 mai 2024 pour signer un accord de sécurité bilatéral avec la Norvège, l'Islande et la Suède. Le pays vient de s'engager à livrer l'équivalent de 6,5 milliards d’euros d’aide militaire sur les trois prochaines années. Les pays nordiques redoutent une victoire de Vladimir Poutine et une extension du conflit en mer Baltique, où déjà la Russie opère en zone grise, teste et provoque ses voisins.

La Pologne, le plus grand soutien de Kiev depuis le début de la guerre, espère continuer à aider son voisin à repousser la Russie. Lors de la dernière réunion de l’OTAN à Prague, vendredi 31 mai, la Pologne a rappelé qu’elle était prête à mettre à disposition des soldats polonais, en cas d’un éventuel envoi de troupes de l’OTAN. Le pays redoute également une victoire du Kremlin et annonce un plan de renforcement de la frontière avec la Biélorussie et l’enclave russe de Kaliningrad, de près de 2,4 milliards d’euros, qui devrait être prêt pour 2028.

Suède : 6,5 milliards d'euros d’aide militaire

La Suède, qui depuis 200 ans, par principe, ne vendait pas d'armes à un pays en guerre, est aujourd’hui l’un des pays les plus généreux. Elle vient de s'engager à livrer un seizième paquet d'aide militaire à l'Ukraine. Le plus gros depuis le début de la guerre et l’équivalent de 6,5 milliards d’euros d’aide militaire sur les trois prochaines années. C’est une très grosse enveloppe, qui doit aider Kiev à planifier sa défense dans la durée, elle inclut le don d’un avion-radar de reconnaissance et de missiles air-air destinés aux futurs avions de chasse F-16 que devrait recevoir l’Ukraine prochainement.

En revanche, au grand dam de Volodymyr Zelensky, la Suède ne fournira pas de Gripen, fleuron de l’armée de l’air suédoise, ces petits chasseurs polyvalents, faciles à entretenir, capables de se poser à peu près n’importe où. L’Ukraine les demande, mais les autres pays de la coalition auraient demandé à la Suède d’attendre. Quoi qu'il en soit, la Suède, et tous ces voisins nordiques d’ailleurs, sont d'accord pour que leurs armes soient utilisées par l’Ukraine pour frapper la Russie, il n’y a pas de débat là-dessus.  

La Suède, la Finlande, le Danemark, la Norvège, tous les pays nordiques sont désormais membres de l'OTAN. Comme ne manque jamais de leur rappeler le président Volodymyr Zelensky quand il est en visite, la crainte des pays nordiques, c’est que si la Russie gagne en Ukraine, elle pourrait étendre la guerre. Et étendre la guerre, cela signifie attaquer les petits pays baltes (l’Estonie, la Lituanie, la Lettonie ou la Finlande). Tous les pays nordiques se retrouveraient alors, de fait, aspirés dans un conflit régional, puisque la mer Baltique deviendrait une zone de confrontation et que des troupes de l’OTAN transiteraient sur leur territoire. C’est ce scénario du pire qu’ils veulent à tout prix éviter, c’est pour cela qu’ils ont fait de la victoire de l’Ukraine une question existentielle.

Provocation et menaces en mer Baltique

Militairement, la situation semble plutôt calme en mer Baltique d’autant qu’une partie des forces russes de la région a été envoyée sur le front ukrainien et que l’OTAN a fortement augmenté sa présence en mer. Mais la Baltique, c’est un espace où la Russie opère en zone grise, teste ses voisins et provoque par des menaces hybrides, c’est ce que pensent les Nordiques.

Il y a eu l’explosion des gazoducs, les soupçons d’espionnage d’infrastructures sous-marines et pétrolières, des histoires de brouillage de GPS. Et dernière en date, il y a deux semaines, cette information selon laquelle la Russie envisagerait de modifier unilatéralement ses frontières maritimes autour de Saint-Pétersbourg et Kaliningrad. Une information démentie par Moscou. Deux jours plus tard, l’armée russe retirait, en pleine nuit, une cinquantaine de bouées de navigation du fleuve qui marque la frontière entre l’Estonie et la Russie. Ce genre de choses inquiète les Nordiques, ils répondent généralement avec retenue, par crainte du dérapage et donc d’une potentielle escalade de tensions en mer Baltique.

La Pologne prête à mettre des soldats à disposition

Et pourquoi pas avec des armes polonaises ? Le chef de la diplomatie, Radosław Sikorski, a confirmé qu’il n’avait donné aucune restriction à l’Ukraine sur l’utilisation de ses armes. Si le grand allié américain l’autorise, la Pologne n’y voit donc aucune contre-indication. Mais la Pologne veut aller plus loin pour repousser la Russie de Vladimir Poutine, qu'elle redoute tant. Lors de la dernière réunion de l’OTAN à Prague, vendredi, la Pologne a d’abord rappelé qu’elle était prête à mettre à disposition des soldats polonais, en cas d’un éventuel envoi de troupes de l’OTAN.

Mais la nouveauté, c’est aussi qu’elle envisage de former une unité ukrainienne sur son territoire, parce que si les pays membres de l’Union européenne se demandent s’il faut ou non envoyer des formateurs directement sur le terrain, la Pologne va le faire sur ses terres. Elle envisage donc de composer une unité ukrainienne avec les hommes en âge de conscription. Mais il n’y pas vraiment de détails là-dessus. On ne sait pas si ce sont des réfugiés qui sont arrivés après le début de la guerre. On ne sait pas non plus qui s’engagera dans cette unité, car ce n’est pour l’instant qu’un projet.

Un plan de renforcement des frontières

La Pologne continue d’aider l’Ukraine, mais elle se prépare aussi de son côté. En ce moment, le dicton qui correspond le mieux à la Pologne est "si tu veux la paix, prépare la guerre". Le pays craint forcément d’être le prochain sur la liste de Vladimir Poutine, si l’Ukraine venait à tomber. Alors que le pays fait face à de plus en plus de tentatives de sabotages russes sur son territoire, Varsovie s’active. La semaine dernière, la Pologne a dévoilé les détails de son plan de renforcement de la frontière avec la Biélorussie et l’enclave russe de Kaliningrad. Elle prévoit des champs de mines, des bunkers, des obstacles antichars, de la surveillance par satellite, bref, tout l’attirail pour tenter de dégoûter l’armée russe et de les empêcher d’envahir la Pologne. C'est un énorme plan d’investissement de près de 2,4 milliards d’euros qui devrait être prêt pour 2028.

D’ici là, la Pologne milite au sein de l’Union européenne pour investir dans une défense moderne et créer une vraie coopération militaire européenne. C’est d’ailleurs l’un des seuls arguments de campagne, à une semaine des élections pour le Parlement européen : une Europe forte, qui protège les frontières à l’est et empêche la Russie de pointer le bout de ses fusils.

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