Guerre en Ukraine : le déblocage de l'aide européenne et américaine soumis au chantage des Hongrois et des partisans de Trump

À l'occasion de la visite de Volodymyr Zelensky à Davos, plusieurs dirigeants européens alertent sur le fait qu'il ne faudrait plus compter sur les États-Unis pour soutenir l’Ukraine. Ils espèrent un déblocage du veto hongrois sur l'aide européenne.
Article rédigé par Sébastien Paour, Pierre Benazet
Radio France
Publié Mis à jour
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Volodymyr Zelensky rencontrant le roi Philippe de Belgique au Forum économique mondial de Davos, le 16 janvier 2024. (HANDOUT / UKRAINIAN PRESIDENTIAL PRESS SER/AFP)

Les leaders européens ont des raisons de s’inquiéter sur le désengagement des États-Unis vis-à-vis de l'Ukraine. Si l'on se réfère au discours des Républicains d'outre-Atlantique, l'Europe pourrait bien se retrouver seule. La dernière enveloppe d’aide américaine à l’Ukraine est partie le 27 décembre, mais le porte-parole du conseil de sécurité de la Maison Blanche, John Kirby, a dit clairement il y a quelques jours qu’il n’y en avait pas d’autre en préparation.

Alors qu'une enveloppe de 50 milliards d'euros est coincée dans les caisses européennes à cause de l'opposition hongroise, cela fait plusieurs mois que Joe Biden demande au Congrès de débloquer une nouvelle tranche d’aide. Le président américain parle d'un paquet de 100 milliards de dollars, qui comprend à la fois une aide à Kiev, à hauteur de 61 milliards de dollars, mais aussi des sommes pour Israël et pour la politique migratoire là-bas aux États-Unis.

Les Républicains préféreraient investir massivement sur la frontière avec le Mexique

Depuis le début de l’invasion russe, il y a deux ans, 44 milliards d’aide militaire ont déjà été débloqués. Lorsque Volodymyr Zelensky est revenu à Washington avant Noël, le président américain lui a assuré que l’Amérique resterait aux côtés de l’Ukraine. Et le chef de la diplomatie, Antony Blinken, l'a répété lors de sa rencontre avec le président ukrainien, mardi 16 janvier à Davos. Le problème, c’est que les Républicains du Congrès refusent de signer un nouveau chèque s’il n’y a pas corollairement des mesures drastiques accompagnées de fonds pour la frontière mexicaine. Les plus extrêmes, proches de Donald Trump, militent même pour fermer le robinet américain.

Avec Donald Trump, plus que jamais favori pour décrocher l’investiture républicaine pour la présidentielle de novembre, personne ne se sait jamais à quoi s’attendre. Il est capable de tout, et surtout de changer d’avis sans prévenir. Mais à l’écouter, on a pour l'instant l’impression que le soutien américain à l’Ukraine pourrait être sérieusement entamé s’il revenait dans le bureau ovale. Dans son discours actuel, s'il dit qu'avec lui, "Poutine n’aurait jamais envahi l’Ukraine", il assure que s'il revenait au pouvoir, il mettra "fin au conflit en 24 heures". Il ne dit pas comment il s’y prendrait, mais on peut envisager le pire. Il n'est pas sûr que les États-Unis resteraient dans l’Otan et, sur ce point, il dit que cela dépendra de la manière dont Washington sera traité.

À Bruxelles, on tente de faire plier Viktor Orbán

À Bruxelles, la conséquence de cette situation est qu’un financement européen est plus que jamais nécessaire. Mais l’UE est empêtrée dans des tiraillements internes avec la Hongrie qui menacent la poursuite de l’aide à l’Ukraine. Les Européens sont toujours dans l’impasse depuis l’achoppement des négociations au sommet de décembre 2023. L'objectif reste le même et la présidente de la Commission l’a confirmé à Strasbourg devant le Parlement mardi : l’aide européenne à l’Ukraine doit être gravée dans le marbre, c’est-à-dire dans le budget pluriannuel de l’Union. Pour cela, l'UE veut inscrire une enveloppe de 50 milliards pour l’Ukraine dans le budget commun des quatre ans à venir. Les Ukrainiens ont besoin d’un financement "prévisible pour 2024 et au-delà", martèle Ursula von der Leyen, ce qui est aussi la position de l’essentiel des capitales de l’UE.

Le problème reste l'opposition de Budapest. Le premier ministre Viktor Orbán ne semble pas avoir l’intention de se laisser fléchir, malgré le déblocage par la Commission de 10 milliards d’euros d’aide à la Hongrie. Cette concession financière reste un coup d’épée dans l’eau, car si Viktor Orbán admet aujourd’hui qu’il faut aider l’Ukraine, ce qui est déjà un pas, il n’a pas modifié ses lignes rouges. Pour lui, l’aide financière à l’Ukraine ne doit pas nuire au budget de l’UE et doit donc rester en dehors. Sa proposition est donc de couper en quatre l’enveloppe et d’attribuer chaque année 12,5 milliards à l’Ukraine.
 
Les autres pays membres de l’UE n'acceptent pas cette idée. Ils veulent que l’aide européenne apparaisse comme une aide dans la durée, pour envoyer un message politique clair en direction du Kremlin. D’autre part, une enveloppe annuelle leur fait craindre un chantage annuel de la Hongrie. La question sera donc sur la table du sommet extraordinaire de l’UE, le 1er février, et un déblocage du veto hongrois sera la préoccupation majeure. Un dégel des relations entre Budapest et Kiev pourrait aider et un entretien est prévu le 29 janvier entre les ministres des Affaires étrangères des deux pays concernés. Il s'agira de préparer une rencontre Orbán-Zelensky.

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