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Le sort des animaux en captivité préoccupe au-delà de l’Hexagone : débat et initiatives en Thaïlande, en Espagne et en Islande

Dans Le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir tout ce qui se fait ou se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, nous nous intéressons au sort des animaux en captivité, alors que la ministre française de la Transition écologique a présenté une série de mesures pour le bien-être de la "faune sauvage captive".

Article rédigé par franceinfo - Carol Isoux, Mathieu de Taillac et Jérémie Richard, édités par Ludovic Pauchant
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Un éléphant, en Thaïlande. (H.BERBAR / MAXPPP)

La présentation d'animaux sauvages dans les cirques itinérants va être progressivement interdite en France, ainsi que la reproduction et l'introduction de nouveaux orques et dauphins dans les trois delphinariums du pays, a annoncé la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili. Il n'y a pourtant pas qu'en France où le sort de la faune sauvage captive préoccupe, et des initiatives voient le jour, par exemple en Thaïlande, en Espagne et en Islande.

En Thaïlande, le sort de l’éléphant coincé entre prise de conscience et tradition millénaire

En Thaïlande, c’est surtout l’industrie de l’éléphant qui pose problème puisque des centaines de camps touristiques y proposent toujours des balades à dos d’animal. On note une prise de conscience récente sous l’impulsion d’ONG étrangères notamment : plusieurs rapports dénonçant la cruauté sur les animaux ont fait bouger les choses, si bien qu’aujourd’hui on assiste à l’émergence de nombreux parcs écotouristiques où les touristes peuvent venir observer les éléphants, les nourrir ou même se baigner mais pas les monter. Ce n’est pas un problème évident à gérer parce que la cohabitation de l’homme et de l’éléphant en Thaïlande c’est une tradition millénaire, une culture même, celle de ceux qu’on appelle les mahouts, des hommes qui de père en fils vivent avec les éléphants, soit pour les cours royales soit pour ramasser du bois en forêt. Aussi, renoncer à l’exploitation des éléphants revient à supprimer tout leur mode de vie.

La crise du coronavirus est en train de bouleverser complètement l’industrie : comme il n’y a aucun touriste, la situation est très difficile pour les camps et beaucoup d’éléphants sont repartis avec leurs mahouts dans des villages de forêt. Pour les militants, c’est l’occasion rêvée pour faire complètement cesser l’activité et que les hommes et les éléphants restent dans la forêt, mais les villageois n’ont pas les ressources pour nourrir les animaux. Un éléphant consomme en effet 200 à 300 kilos de nourriture par jour et quelque 150 litres d’eau. De nouvelles lois, qui limitent l’accès des villageois à la forêt, n’arrangent rien : il faudrait des investissements afin d’aménager ces zones en écovillages pour permettre la cohabitation des hommes et des éléphants.

L’Espagne rassemblée autour des animaux de cirque mais divisée sur les taureaux

Il n’y a pas de grande loi nationale sur la situation des animaux dans les cirques en Espagne et pourtant, on peut dire que 75% des Espagnols vivent sur un territoire où cette pratique est interdite. Là-bas, ce sont les maires et les communautés autonomes, les régions espagnoles, qui ont pris des mesures. Sur les dix-sept communautés autonomes, dix ont interdit l’utilisation des animaux sauvages dans les cirques. Et au niveau des villes, 500 ont adopté des arrêtés municipaux dans le même sens. Et pas des moindres. Madrid, Barcelone, Valence… et même 55 des 62 communes de plus de 100 000 habitants, selon le décompte d’Infocircos, une plate-forme qui regroupe plusieurs associations animalistes qui militent pour cette prohibition. L’arrivée au pouvoir, dans les mairies et les régions, de partis de gauche radicale, souvent associés à des formations écologistes, comme Equo, a accéléré les choses. Mais des régions comme la Galice ou Murcie, gouvernées par la droite, ont été parmi les premières à interdire les cirques avec animaux sauvages.

Il est difficile de parler d’animaux féroces d’Espagne sans parler des taureaux, qui ne sont pas exactement captifs quand ils vivent leur vie dans les champs mais dont le spectacle de la mort fait polémique. On compte une minorité d’Espagnols inconditionnels, une minorité d’opposants farouches et une grande majorité à qui cela ne fait ni chaud ni froid. Côté politique, la corrida a été interdite en Catalogne en 2010, comme une manière de se différencier d’une coutume très espagnole. Par ailleurs, des mairies dirigées par Podemos et ses alliés ont retiré les subventions municipales aux courses de taureaux. Et en sens inverse, il y a des régions qui ont déclaré la tauromachie "bien d’intérêt culturel". La vérité est qu’entre la pandémie qui empêche de remplir les arènes et la baisse de l’intérêt des spectateurs, la corrida est déjà dans une assez mauvaise posture en Espagne.

En Islande, un sanctuaire pour les bélugas

L'initiative d'un sanctuaire marin sur les îles Vestmann, un archipel au large de la côte sud islandaise, a émergé l’année dernière. Il s’agit d’un immense enclos de 32 000 m2 dans la baie de Klettsvík sur les îles Vestmann, terrain de jeu trois étoiles pour petite Grise et petite Blanche, le nom de ces deux bélugas qui ont traversé le globe pour retrouver une semi-liberté. Des filets cernent en effet le sanctuaire car il est peu probable que les baleines survivent seules dans leur habitat naturel après avoir été si longtemps dépendantes d’êtres humains. Car avant de parcourir un peu moins de 10 000 kilomètres dans des caissons étanches, elles évoluaient dans un aquarium de Shanghai depuis 2011. Leur adaptation à leur nouvelle vie islandaise a été plus longue que prévue mais elles ont enfin pu retrouver la mer cet été : d’abord dans des bassins au cœur de la baie avant de prendre un bain en totale liberté. C’est donc une aubaine touristique pour les petites îles Vestmann.

C’était d’ailleurs très clair dès les prémices de la création de ce sanctuaire puisque la municipalité clamait haut et fort que ce serait bénéfique pour le tourisme. Elle voulait sans doute surfer sur la vague Keiko, l’orque vedette de la trilogie Sauvez Willy, qui avait été relâchée au même endroit en 1998.

Des militants de défense des animaux ont souligné l’ironie du choix de l’Islande comme lieu d'accueil, le pays défiant ouvertement l’interdiction internationale de chasser les baleines bien qu’aucun cétacé n’ait cependant été tué depuis deux ans. Les eaux islandaises ne sont pas non plus l’habitat naturel des bélugas : d’après l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), ils vivent habituellement dans les mers plus froides du Groënland, du Svalbard ou encore de la Russie, même si quelques vagabonds ont déjà été observés auparavant près des côtes.

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