Le soutien de la France à des régimes contestés sur fond de lutte contre le terrorisme en Côte d'Ivoire, Égypte et Libye
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui la position de la france face à des régimes contestés ou peu démocratiques comme ceux de Côte d'Ivoire, d'Égypte ou de Lybie alliés dans la lutte contre le terrorisme.
La France ne laissera jamais personne menacer le Tchad, a déclaré vendredi 22 avril le président français Emmanuel Macron à N'Djamena où il assiste aux obsèques du président Idriss Déby. Le président tchadien, mort en début de semaine, a mené le pays d'une main de fer pendant 30 ans. Ce n'est pas le seul régime peu démocratique soutenu par la France qui compte sur ces alliés pour lutter contre le terrorisme. Direction la Côte d'Ivoire, l'Égypte et la Lybie.
En Côte d'Ivoire, Jean-Yves Le Drian présent lors de l'investiture d'Alassane Ouattara
En Afrique subsaharienne aussi, la France soutient des régimes peu recommandables, essentiellement dans les pays francophones, ses anciennes colonies. Emmanuel Macron affiche son entente avec plusieurs présidents tout d’abord pour des raisons sécuritaires. La France est engagée au Sahel avec les 5000 soldats de l’opération Barkhane. Et comme avec le Tchad, elle compte sur certains États pour empêcher la contagion djihadiste vers le golfe de Guinée quitte à fermer les yeux sur la situation intérieure.
C’est le cas de la Côte d’Ivoire, impliquée dans la lutte antiterroriste. Un allié qu’il ne faut pas trop froisser. Silence gêné d’Emmanuel Macron, lorsque le président Alassane Ouattara s’est présenté à un troisième mandat controversé l’an dernier. Pour autant, Jean-Yves Le Drian, le ministre des Affaires étrangères a assisté à son investiture. On retrouve une situation similaire au Togo. Ce petit pays côtier déploie un millier de soldats au Mali, le plus gros contingent de la mission onusienne après le Tchad. Le Togo où la famille Gnassingbé est au pouvoir depuis 54 ans mais cela n’a pas empêché le président d’être reçu à l’Élysée ce mois-ci et de signer des contrats.
Il y a aussi des intérêts économiques. Les entreprises françaises comme Castel, Bolloré ou Total sont omniprésentes. Elles investissent dans l’agroalimentaire, le transport, les énergies, l’audiovisuel, bref dans presque tous les secteurs. Au Gabon, d’où la France importe du bois et du manganèse, Emmanuel Macron a même renoué le dialogue avec le président Ali Bongo. Afin aussi de ne pas se laisser doubler par la Chine ou la Russie qui investissent de plus en plus en Afrique.
En Égypte, le maréchal al Sissi est un allié incontournable
En Égypte, le régime du président al Sissi est l’un des plus répressifs au monde. C’est aussi un allié privilégié de la France au Moyen Orient. Raison principale à cela, ce régime serait un gage de stabilité dans la région. C’est la partition à l’intérieur comme à l’extérieur du président égyptien: moi ou le chaos en quelque sorte.
Pour le quai d’Orsay, le maréchal al Sissi est un allié incontournable dans la lutte contre le terrorisme. Un rempart aux portes de la méditerranée. Puisque l’armée égyptienne mène une guerre permanente contre les groupes djihadistes présents dans le désert du Sinaï. Et puis autre argument de taille pour reléguer au second plan les droits humains, les contrats accordés aux multinationales tricolores. Notamment dans le domaine militaire.
La France est devenue au fil des années l’un des premiers fournisseurs d’armes à l’Égypte, et cela alors que l’utilisation de ce matériel contre des civils a été documenté. La France n’est cependant pas seule à soutenir le président al Sissi. "Les intérêts de l'industrie de l'armement et de l'énergie passent avant ceux du peuple égyptien, mais aussi des peuples éuropéens, regrette la mathématicienne et activiste Leila Soueif. Quand ils prétendent que c'est un gage de stabilité, c'est leur alibi et c'est un mensonge. Si al Sissi oeuvrait pour la stabilité, il s'attaquerait peut-être à la situation économique désatreuse des plus pauvres." Et au sujet de l’énergie évoqué par Leila Soueif. Le géant français Total vient d’obtenir en début d’année un nouveau permis d’exploration gazière dans les eaux égyptiennes.
En Libye, la France veut faire oublier son soutien au Maréchal Haftar
Même si la France l'a soutenu dans une bien moindre mesure que des pays comme la Russie ou l'Egypte, les Libyens, eux, ne l’oublient pas. Pourquoi la France a-t-elle soutenu l’homme fort de l’Est du pays qui a échoué à prendre le pouvoir ? Pour plusieurs raisons. D'abord, la France voulait retrouver un interlocuteur privilégié, après 10 ans de chaos. Et peu importe si celui-ci rempli tous les critères de l’autoritarisme. Elle souhaitait aussi retrouver un partenaire économique d'autant que la Libye est un pays riche en pétrole. Enfin, retrouver un interlocuteur pour - comme avec Kadhafi à l’époque – retenir les migrants en Libye également.
Le Maréchal était aux yeux de Paris l'homme qui pouvait lutter contre le terrorisme. Haftar a bien compris qu'il fallait jouer sur cette corde sensible. Il n'a cessé d'expliquer au monde entier qu’il était à la tête d’une véritable armée pour lutter contre Daesh. Alors que sa prétendue armée est en fait une addition de milices dont certaines salafistes. Et puis surtout, il n'a pas le monopole de la lutte contre le terrorisme.
A l’Ouest de la Libye, les troupes alliées au gouvernement de Tripoli soutenu par l'ONU ont combattu Daesh dans une guerre terrible. Daesh qui avait implanté son califat à Syrte. "La France a soutenu Haftar tout en disant officiellement soutenir son rival. Elle a joué sur les deux tableaux. La France a nourri la guerre civile", voilà les propos d'un jeune libyen qui résume ce que la population pense de l'attitude de Paris en Libye.
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