Les dangers de l’avortement clandestin au Maroc et au Brésil, où l'IVG demeure prohibée
Dans le club des correspondants, franceinfo s'intéresse à l'actualité vue de l'étranger. Aujourd'hui, la résistance des tabous liés à l'avortement qui mettent en danger la vie de nombreuses femmes au Maroc et au Brésil.
A l'heure où certains parlementaires souhaitent en France le voir inscrit dans la Constitution, le droit à l'avortement demeure, ailleurs dans le monde, un sujet parfois tabou. Les résistances, farouches, précipitent les femmes qui souhaitent avorter dans la clandestinité, mettant parfois en danger leur vie, comme au Brésil ou au Maroc.
Au Brésil, le nombre d’avortements clandestins ne faiblit pas
Alors que le Mexique, l’Argentine et la Colombie avancent sur le terrain de la légalisation de l’avortement, la marée verte comme on l’appelle, n’effleure pas le géant latino américain. Au Brésil, le thème même de l’avortement est de plus en plus tabou, alors que le nombre d’avortements clandestins, estimé à un million par an, lui ne faiblit pas.
Pourquoi le pays reste à ce point hermétique à cette question ? C’est un phénomène que les féministes brésiliennes ont bien du mal à expliquer mais il est clair que le Brésil est très conservateur sur ces questions, très religieux puisque plus de 90% des Brésiliens se disent pratiquant selon le dernier recensement en 2010, et la population serait globalement opposée à l’avortement. Si on compare avec d’autres pays : la marée verte n’existe pas ou très peu au Brésil.
Pendant la campagne présidentielle au Brésil, l’avortement est même utilisé par l’extrême droite comme un argument pour s’opposer à la gauche, alors que sa légalisation n’est pas dans le programme de Lula. En 2010 déjà, l’ancienne présidente Dilma Rousseff avait dû s’engager contre l’avortement dans une lettre alors que ses adversaires répétaient qu’elle allait le légaliser. Cette année, c’est la même chose : l’extrême droite et tous les pasteurs fondamentalistes qui soutiennent Jair Bolsonaro répètent dans les temples que Lula va légaliser l’avortement. Donc il est certain que cette cause ne va pas avancer de sitôt.
Le seul progrès est que les femmes avortent plus souvent avec des médicaments, dont le Misoprostol, ce qui diminue les risques pour les vies des femmes. Il n’est accessible que sur ordonnance mais des réseaux féministes se chargent de vous en procurer. Cela fonctionne bien dans les villes mais dans ce pays continent, de nombreuses jeunes filles à la campagne, n’ont aucun accès et deviennent de très jeunes mères, parfois à 15 ou 16 ans.
Le Maroc secoué par la mort d’une jeune fille de 15 ans après un avortement clandestin
Au Maroc, pays musulman où l’avortement est prohibé, la question de l’encadrement de l’IVG a été soulevée le mois dernier, après le décès d’une jeune fille de 15 ans après un avortement clandestin. Meriem, enceinte après un viol commis par un homme de 10 ans son ainé, est ainsi décédée d’une hémorragie lors d’une opération clandestine d’avortement dans la nuit du 6 au 7 septembre. Selon les premiers éléments de l’enquête, trois personnes étaient présentes ce soir-là : une sage-femme, la mère de Meriem et l’auteur présumé du viol.
Cette affaire est celle de trop pour les organisations de défense du droit à l’interruption volontaire de grossesse qui se mobilisent dans les médias et sur les réseaux sociaux pour demander la fin de cette interdiction. L’Association marocaine de la lutte contre l’avortement clandestin, l’Amlac, explique qu’entre six et huit cents avortements clandestins sont pratiqués chaque jour au Maroc et que derrière ce chiffre se cachent également des suicides, des jeunes femmes rejetées par leurs familles, des crimes d’honneur, des infanticides, ou encore des médecins emprisonnés, en bref c’est tout une cascade de conséquences que le Maroc n’avait pas l’habitude de regarder en face. Et l’histoire de Meriem a permis de remettre cette question au premier plan de l’actualité.
Un projet de réforme avait bien été demandé en 2015 par le roi Mohammed VI, mais il n’a jamais franchi la barrière du parlement. Jusqu’à aujourd’hui, la seule condition qui permet aux femmes de pratiquer l’avortement est "la mise en danger de la santé de la mère". Ce projet de loi visait à élargir ces conditions au viol et à l’inceste mais le texte, inclus dans une réforme controversée du Code pénal, n’a jamais vu le jour. Sept ans plus tard, les difficultés sont toujours les mêmes. Car si les islamistes du PJD ont laissé la place à une coalition plus libérale au sein du gouvernement, "ceux qui se sont mobilisés pour Meriem sont encore minoritaires" dans la population, explique le Dr Chraibi, le président de l’Amlac. Selon lui, la seule solution serait de faire de l’avortement une cause nationale de santé publique, celle de la santé des femmes. L’objectif de cette stratégie est de peser sur les consciences notamment des musulmans pour les convaincre, conclut le Dr Chraibi, "que l’avortement n’est pas à opposer à la religion".
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