Les incertitudes autour du plan de relance pour lutter contre la crise du Covid-19 en Allemagne, en Espagne et en Pologne
Dans le club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, le plan de relance européen pour soutenir les économies des États membres vu depuis la Pologne, l'Espagne et l'Allemagne.
Tous les pays n'ont pas encore ratifié le vaste plan de relance de 750 milliards d'euros pour lequel les dirigeants de l'Union européenne se sont mis d'accord en juillet dernier afin de lutter contre les effets de la crise du Covid-19. Des incertitudes se sont installées. À l'heure où le couple franco-allemand, à l'initiative du plan, présente mercredi 28 avril son plan à Bruxelles, la signature polonaise est paralysée par un parti eurosceptique de droite radicale, fermement opposé au plan. L'Espagne, elle, a validé le plan en conseil des ministres mais bien des points restent dans le flou.
En Pologne, la rébellion vient des rangs de la coalition au pouvoir
Aucune date n’est en vue pour l’instant en Pologne pour la ratification du plan de relance par le Parlement, signe des incertitudes autour du vote. La ratification est en effet bloquée par une rébellion du petit parti politique Pologne solidaire, un parti eurosceptique, de droite radicale, emmené par le sulfureux ministre de la Justice, Zbigniew Tadeusz Ziobro, qui n’a jamais caché sa forte opposition à ce plan de relance. Et surtout à la conditionnalité du versement des fonds au respect de l’État de droit, qui signifie pour le dirigeant de Pologne solidaire, accepter “le diktat de Bruxelles et Berlin”. Une plainte a d’ailleurs été déposée auprès de la Cour de justice de l’Union européenne par la Pologne et la Hongrie, dénonçant l’illégalité du mécanisme. La question qui se pose donc aujourd’hui en Pologne est la suivante : est-ce que le gouvernement polonais aura la majorité au Parlement pour ratifier ce plan de relance, si son partenaire de la coalition Pologne Solidaire met ses menaces à exécution ? Oui, si l’opposition décide elle de voter pour. Mais celle-ci veut poser ses conditions.
Mardi matin, la gauche a rencontré le Premier ministre pour présenter six demandes, notamment un plan d’aide pour les hôpitaux et la création d’un comité pour surveiller comment sont dépensés ces fonds par le gouvernement conservateur. En tout, la Pologne devrait recevoir 58 milliards d’euros grâce au plan de relance européen et ne pas voter en faveur serait donc suicidaire, selon le ministre des Finances. Ces tensions politiques déstabilisent encore un peu plus la coalition au pouvoir : les trois partis qui la composent sont en effet bien fragiles. L’homme fort du pays, Jaroslaw Kaczynski, a d’ailleurs prévenu que celle-ci pourrait éclater, en fonction des résultats de la ratification du plan de relance européen et que des élections anticipées pourraient avoir lieu, un scénario déjà évoqué ces derniers mois. Jusqu’ici, la coalition a tenu.
Paris et Berlin à l’unisson, sur fond de réticence allemande
Rien de plus normal pour ces deux pays à l’origine du plan de relance européen : le couple franco-allemand est à l’unisson. Quasiment un an après, l’initiative franco-allemande commence tout doucement à se concrétiser : avec 40 milliards pour la France et 23 milliards pour l’Allemagne, ce plan répartit l’argent en fonction des besoins et de l’intensité de la crise dans les États membres. Une opportunité pour d’abord soutenir les secteurs qui ont le plus souffert, c’est la partie que les Allemands appellent dans leur plan "la résilience" et puis l’autre partie de ce plan, c’est la relance qui se concrétise par de l’investissement pour être plus fort à l’avenir : cela va du développement de l’hydrogène au numérique, à la voiture électrique et à ce qui contribue à l’amélioration de l’environnement pour décarboner les économies.
La France et l’Allemagne, comme les autres États membres font donc parvenir cette semaine leur plan respectif à Bruxelles. Mais il faut rappeler que ce processus européen a d’abord subi du retard… à cause de l’Allemagne. On a senti la nervosité du côté de Bruxelles, dans les capitales européennes et jusqu'au sein du gouvernement à Berlin. Le plan a eu chaud : fin mars, la plus haute instance juridique d’Allemagne, la Cour constitutionnelle l'a ainsi d’abord rejeté avant de le valider il y a seulement une semaine. Comme souvent lorsqu'il s’agit de mécanismes européens supranationaux, les juges allemands y regardent à deux fois. Et même s’ils ont donné leur feu vert, ces derniers doivent encore se prononcer sur le fond et pourraient bloquer certains détails comme le projet d’achat d’obligations par la Banque centrale européenne. En l'état, ce plan de relance ressemble donc à un chemin de croix.
La plan est validé en Espagne, mais certains point restent flous
En Espagne, le plan de relance économique a été validé mardi matin en conseil des ministres : 140 milliards d'euros (entre subventions et crédits) seront ainsi alloués. Le plan contient 212 points, dont 110 investissements présentés il y a deux semaines par le président du gouvernement, Pedro Sanchez. Les grands axes sont connus depuis l’automne dernier : transition écologique, transformation digitale, éducation et formation, innovation. Le plan parle beaucoup de modernisation et de résilience. Et annonce la création de 800 000 emplois.
Dans le détail, on trouve par exemple 13 milliards pour l’investissement dans la voiture électrique, sept milliards pour la réhabilitation des logements, huit milliards pour la digitalisation des PME et le déploiement de la 5G. Le gouvernement a beaucoup parlé investissement, moins des réformes et pourtant c’est ce que demandaient les pays du nord de l'Europe, l’été dernier. Le flou subsiste : jusqu’ici Pedro Sanchez s’est contenté de donner des axes : réforme fiscale, réforme des retraites, réforme du système énergétique, réforme de la justice, sans donner pour autant davantage de précisions. Pedro Sanchez doit aussi ménager sa majorité composée avec la gauche radicale Podemos à une semaine des élections régionales de Madrid. Les économistes fustigent déjà un plan de récupération jugé trop timide, quand le patronat, lui, parle d’un plan très classique, avec des points à revoir. Le projet sera envoyé à Bruxelles ce vendredi. Et le gouvernement se dit confiant pour débloquer l’argent avant l’été.
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