Lithium : la production en Argentine et en Bolivie a besoin d'investissements étrangers pour monter en puissance
En Argentine, dans un contexte politique et économique instable, le gouvernement mise gros sur cet or blanc qui pourrait aider à redresser la situation. Pourtant, les investisseurs attendent encore une stabilisation du pays pour être rassurés. Quant à la Bolivie, qui possède les plus grandes ressources de lithium au monde, la volonté d'exploiter ce métal de manière souveraine a été déçue et le gouvernement est en train de changer de stratégie.
En Argentine, le président Milei cherche à monter en puissance pour développer le secteur
En Argentine, les arguments pour attirer les investisseurs reposent d'abord sur l’énorme potentiel de ses ressources naturelles. L’Argentine possède 20% des réserves mondiales avec 3 millions de tonnes de lithium. Les gisements actuels se trouvent dans le nord-ouest du pays. C’est là que le lithium est exploité puis exporté principalement en Asie, aux États-Unis ou au Canada. Par ailleurs, les coûts sont relativement bas en raison de la méthode d’extraction par évaporation. Une méthode bien moins chère que la méthode traditionnelle d'extraction des roches comme en Australie par exemple.
Pour Javier Milei, il ne faut pas s’en tenir à l’extraction de la matière première, mais avancer vers l’industrialisation, avec la fabrication de composants ou de batteries pour générer de la valeur ajoutée. Mais pour cela, il faut de l’argent. C’est pourquoi Milei multiplie les déplacements à l’étranger pour se réunir avec d’éventuels intéressés. Le meilleur exemple serait Elon Musk, le multimilliardaire propriétaire de Tesla, l’un des leaders de la construction de voitures électriques, avec qui Milei s’est réuni au Texas en avril dernier.
Le manque d'infrastructures doublé d'instabilité économique inquiète les investisseurs
Pour offrir aux investisseurs des conditions favorables, le gouvernement a déposé un projet de loi de dérégulation économique, appelé "Loi de Bases", qui comporte un chapitre spécial sur les investissements de plus de 200 millions de dollars. Le texte propose notamment une baisse des impôts sur les revenus, une plus grande liberté d’importation et la fin du contrôle monétaire sur l’investissement. Le projet a déjà été approuvé par les députés et doit être débattu la semaine prochaine au Sénat.
La résistance face aux projets d’exploitation et de production de lithium vient surtout des écologistes. Dans le nord du pays, par exemple, la justice vient de suspendre l’activité minière pour non-respect des normes environnementales. Pour extraire le lithium, un barrage a été construit, générant une sécheresse dans la zone, ce qui affecte les habitants et l’écosystème. Les investisseurs, quant à eux, sont prudents d’abord, à cause du manque d’infrastructure dans le nord-ouest du pays et parce que malgré les efforts du président ultralibéral pour transmettre au monde un message de future prospérité économique, les résultats de son plan économique restent incertains. L’Argentine est un pays aujourd’hui qui n’offre ni prévisibilité, ni compétitivité, ni stabilité fiscale.
En Bolivie, le modèle d'une grande entreprise nationale s'essouffle
En Bolivie, depuis 2008 et le lancement du projet autour de ce métal, l’idée des différents gouvernements était simple : de l’extraction du lithium jusqu’à la production de batteries, tout serait réalisé par une entreprise publique bolivienne. L’objectif était de faire profiter la Bolivie et la population des revenus du lithium, plutôt que de confier l'extraction de cette ressource à des multinationales étrangères.
Mais l’année dernière, la Bolivie avait déjà signé des accords avec deux entreprises chinoises et une entreprise russe pour qu’elles viennent exploiter le lithium. Et la semaine dernière, ce sont 21 entreprises étrangères qui ont été autorisées à travailler sur le sol bolivien. La principale raison d'un tel revirement est le manque de résultats économiques du projet. Par exemple, en 2022, la Bolivie a exporté pour 38 millions de dollars de carbonate de lithium. C’est 17 fois moins que l’Argentine et 200 fois moins que le voisin chilien. En 2016, le vice-président bolivien avait déclaré que "d’ici à 2020, la Bolivie sera l’Arabie saoudite de la commercialisation du lithium". Le pays andin en est encore très loin.
Des investissements nécessaires pour que la production décolle
Avec l’arrivée prochaine de ces entreprises internationales, l’État reconnaît en partie l'échec de cette stratégie 100% bolivienne. Gonzalo Mondaca, chercheur spécialisé dans l’extraction de lithium en Bolivie, met en avant le constat suivant : "L’État bolivien n’a plus assez d’argent et s’est rendu compte que développer ses propres connaissances et technologies prendrait des décennies. Donc, il a besoin d’acteurs internationaux qui investissent de l’argent."
La Bolivie compte donc adopter un modèle d’exploitation privé similaire au Chili et à l’Argentine, avec néanmoins certaines différences. Tout d'abord, l'État bolivien affirme que les entreprises internationales devront respecter des conditions qui maintiendront une certaine souveraineté de la Bolivie sur le lithium - même si pour le moment, on ne sait pas quelles sont ces conditions. Ensuite, l’entreprise publique bolivienne chargée du lithium continue de fonctionner et de mener des projets. C’est peut-être là la plus grande différence avec l’Argentine et le Chili, car il n’existe pas d’entreprise publique du lithium dans ces deux pays.
Avec l’arrivée de ces entreprises internationales, le chercheur rappelle qu'il faut rester patient avant que la production de lithium en Bolivie décolle. Ces entreprises arrivent pour faire de la recherche et de l’exploration. Il se passera encore plusieurs années avant qu’elles exploitent du lithium bolivien à échelle industrielle.
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