Sommet des Amériques : la question migratoire reste au cœur des discussions
Dans le Club des correspondants, franceinfo passe les frontières pour voir ce qui se passe ailleurs dans le monde. Aujourd'hui, direction la Colombie et le Mexique, où des milliers de migrants tentent chaque jour de rejoindre les États-Unis.
L'immigration est un des enjeux majeurs du neuvième Sommet des Amériques, qui s'ouvre lundi 6 juin à Los Angeles (États-Unis). Même si le président mexicain, Andrès Manuel Lopez Obrador a finalement annoncé boycotter ce rendez-vous, chaque année, des centaines de milliers de personnes tentent de rejoindre les États-Unis. Direction la Colombie et le Mexique, deux pays traversés par d'importants mouvements de population.
Entre la Colombie et le Panama : un passage extrêmement dangereux
La frontière entre la Colombie et le Panama n'est traversée par aucune route carrossable. Une jungle tropicale sépare les deux pays : le Darien. Il faut généralement entre cinq et dix jours pour la traverser, littéralement au péril de sa vie. Ce passage a donc longtemps été ignoré, mais il a explosé après la pandémie de Covid, et 133 000 personnes l'ont franchie l'an passé. La boue, les précipices, les cours d'eau, les animaux venimeux... les migrants relatent tous les mêmes difficultés.
"Le moment le plus difficile a été la rivière, quand il a fallu la descendre pour rejoindre un endroit appelé La Bandera", détaille Seven Tattoo, un artiste vénézuelien qui a traversé cette jungle pendant sept jours avec sa femme et son bébé de huit mois. "Nous nous sommes perdus pendant deux jours, pendant lesquels nous n'avions plus rien à manger. Heureusement, nous avons pu cuisiner des bananes plantains trouvées sur la route”.
Cinquante-et-un migrants sont officiellement morts dans cette jungle l'an passé. Mais à entendre les témoignages récurrents, à voir les images de cadavres abandonnés postées sur les réseaux sociaux, beaucoup pensent que le chiffre est bien plus important.
Et ce n'est pas tout, dans la zone pullulent aussi les bandes armées : “Nous avons été attaqués par un groupe de quatre personnes, ils nous ont pris tout ce que nous avions", rajoute le père de famille. "Nous avons préféré ne pas résister. Ils savent exactement ce qu'on a, ils violent aussi les femmes, alors il vaut mieux faire ce qu'ils disent, et pouvoir continuer son chemin”.
Médecins Sans Frontières assiste des dizaines de victimes de violences sexuelles chaque semaine. Là encore, on peut imaginer que toutes ne se signalent pas, car pour ces migrants, pas question de se retrouver bloqués au Panama à cause d'une procédure judiciaire. Dès qu'ils ont pu récupérer de l'argent grâce à un virement via Western Union, ils montent dans un bus pour aller jusqu'à la prochaine frontière, celle avec le Costa Rica.
Au Mexique, les migrants sont un instrument de pression avec les États-Unis
Une grande variété de nationalités se mélangent parmi les migrants qui se rassemblent à la frontière nord du Mexique. Des réfugiés, venus d'Amérique centrale, tentent en permanence d’échapper à la pauvreté autant qu’à la violence.
Certains d’entre eux ont aussi décidé de s’établir dans ce pays, au vu des difficultés pour entrer aux États-Unis. Ils viennent majoritairement du Guatemala, du Honduras et du Salvador et ils ont dépassé en nombre les Mexicains qui émigrent aux États-Unis. À ces groupes, s’ajoutent aussi un important contingent d’Haïtiens, mais aussi de Cubains et de Vénézuéliens. Pour tous ceux–là, il existe trois stratégies différentes pour traverser la frontière : soit ils s’inscrivent sur des listes d’attente pour être reçus légalement aux États-Unis et déposer une demande d’asile, ou alors ceux qui ont trop peur d’attendre au Mexique traversent dans des zones surveillées et se livrent immédiatement à la patrouille frontalière; et puis il y a les migrants qui tentent la traversée illégale par le désert. Les deux dernières options étant les plus risquées puisqu’elles débouchent généralement sur une expulsion immédiate.
La réaction du Mexique dépend généralement des exigences de Washington à l’égard du gouvernement mexicain. Depuis plusieurs années, le Mexique joue un rôle de contention migratoire à la demande des États-Unis. Par exemple, à la fin de l’année dernière, 20 000 soldats mexicains ont été déployés aux frontières sud et nord, avec le Guatemala et les États-Unis, pour freiner les passages de migrants. Dans certains cas, les caravanes de migrants centraméricains et haïtiens ont été violemment réprimées.
La migration est aussi devenue un instrument de pression de la part du Mexique pour obtenir de l’aide de Washington. Le gouvernement régule donc cette pression à sa convenance. Récemment, les autorités mexicaines ont lâché la bride et laissent les migrants voyager plus librement vers le nord. Un signe que le Mexique attend un geste de la part des États-Unis : que ce soit davantage de collaboration pour freiner le trafic d’armes vers le Mexique, ou bien des aides pour financer des programmes de développement en Amérique centrale. Cela provoque une situation chaotique dans les villes frontalières où les migrants vivent dans l’incertitude de ce qui les attend.
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