Strip-teaseuses et droit du travail aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande

Les strip-teaseuses de Washington sont enfin protégées par le droit du travail alors que les strip-teaseuses néo-zélandaises se battent, elles aussi, pour leurs droits.
Article rédigé par Sébastien Paour - Grégory Plesse
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le métier de strip-teaseuse est encore peu réglementé aux États-Unis et en Nouvelle-Zélande. Photo d'illustration. (VIERIU ADRIAN / MOMENT RF / GETTY IMAGES)

Aux États-Unis, les strip-teaseuses ont remporté tout récemment une importante victoire pour protéger leurs conditions de travail, puisque dans l'État de Washington, au nord-ouest du pays, elles bénéficient désormais d'une loi qui les protège.

Une lutte syndicale de longue haleine qui ne se cantonne pas aux États-Unis. À l'autre bout du monde aussi, en Nouvelle-Zélande, les strip-teaseuses ont manifesté au mois de février 2024 sous les fenêtres du Parlement, à Wellington, et remis une pétition aux députés.

États-Unis : Les montants versés aux clubs sont plafonnés

L’État de Washington vient de voter une loi qui protège les strip-teaseuses. La sénatrice démocrate qui portait le projet se félicite dans un communiqué. Elle était aux côtés de l'organisation de défense "Strippers Are Workers". "Les strip-teaseuses sont des travailleuses" depuis six ans, "et elles devraient bénéficier des mêmes droits et protections que toute autre main-d'œuvre", écrit-elle. Le texte est donc promulgué depuis lundi 25 mars. Il concerne 11 établissements dans cet État du nord-ouest américain. Et c’est une vraie avancée pour une profession qui n’est pas tellement réglementée.

Cette loi oblige les employés des établissements à être formés à la prévention du harcèlement sexuel, à la gestion des conflits et aux premiers secours. Elle impose également la présence d'agents de sécurité dans les clubs, des codes dans les vestiaires et des boutons d'alertes dans les endroits où les travailleuses peuvent se retrouver seules avec des clients. Le texte prévoit enfin de plafonner les frais que les strip-teaseuses, qui sont souvent traitées comme des autoentrepreneuses, doivent payer pour l'utilisation du club. Ils sont plafonnés à 150 dollars ou 30% du revenu d’une danseuse par nuit, sachant qu’on retient le montant le moins élevé.

Un mouvement global aux États-Unis

Pour financer ce nouveau cadre, l'État de Washington va autoriser les clubs à vendre de l'alcool, ce qui leur était interdit jusqu'ici. C’est seulement le deuxième État américain à adopter une loi qui protège les travailleurs du divertissement pour adultes. Seul l’Illinois l’avait fait avant, en 2019. Mais il y a un mouvement global aux États-Unis pour faire reconnaître les droits des strip-teaseuses. Avec deux exemples l'an dernier : les travailleuses d'un bar de Los Angeles et celles d'un établissement de Portland ont obtenu le droit de se syndiquer.

Nouvelle-Zélande : des revendications pour tous les travailleurs indépendants

En Nouvelle-Zélande, les strip-teaseuses veulent rééquilibrer en leur faveur le rapport de force avec leurs employeurs, à savoir les propriétaires de clubs de strip-tease. Pour ce faire, elles veulent, contrairement à leurs collègues américaines, conserver leur statut de travailleuses indépendantes, mais tout en ayant la possibilité de négocier collectivement, par le biais d'un syndicat. Parallèlement, elles demandent également aux législateurs d'interdire, ou à tout le moins de limiter certaines pratiques imposées par les propriétaires de clubs, qu'elles considèrent comme abusives.

Par exemple, elles souhaitent limiter à 20% le montant des pourboires qu'elles doivent leur reverser et à 35% la commission qu'ils prélèvent sur les revenus qu'elles génèrent, alors qu'actuellement, ces derniers récupèrent en moyenne 50%. Elles voudraient également interdire aux clubs la possibilité de leur infliger des amendes, souvent très lourdes et pour des motifs plutôt discutables, comme ne pas se présenter au travail, même quand c'est pour une raison valable, par exemple un arrêt maladie. Elles ont reçu le soutien de quelques députés d'opposition, en revanche, la ministre du Travail les a invitées, en cas de problème, à se tourner vers l'équivalent néo-zélandais des prud'hommes. Ce combat, les strip-teaseuses néo-zélandaises ne le mènent pas seulement pour défendre leur profession, mais aussi pour défendre les droits de tous les autoentrepreneurs, quel que soit leur secteur d'activité.

Les strip-teaseuses veulent que la loi du Hobbit soit appliquée

Cette protection pourrait venir d'une loi déjà en vigueur, qu'on appelle la loi du Hobbit. Elle date de 2010, au moment où le tournage du film du même nom était sur le point de commencer. Mais face aux revendications des intermittents du spectacle sur leurs conditions de travail, la Warner, qui produisait le film, a tout simplement menacé de remballer ses caméras et d'aller tourner son film ailleurs. Un ultimatum qui a poussé le gouvernement d'alors à modifier en urgence le Code du travail pour préciser que les intermittents du spectacle ne sont pas des employés, mais des autoentrepreneurs, et qu'ils n'ont donc droit ni de mener des négociations collectives, ni à certains avantages, comme les congés payés ou les arrêts maladies.

Les fans de la saga diront que c'est donc plutôt la loi de Sauron que du Hobbit, mais cette injustice flagrante a finalement été corrigée il y a cinq ans. En effet, en 2019, cette loi du Hobbit a été modifiée, pour préciser que malgré leur statut d'autoentrepreneur, les intermittents pouvaient négocier collectivement leurs conditions de travail. C'est un privilège dont ils sont actuellement les seuls à bénéficier et que les strip-teaseuses de Nouvelle-Zélande voudraient non seulement voir appliquer à leur profession, mais aussi à tous les autres travailleurs indépendants.

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