La mode XXL : un défi de taille en France
Sylvie Metzelard, rédactrice en chef au magazine 60 Millions de consommateurs consacre un article de quatre pages au prêt-à-porter grandes tailles, une vraie galère pour les personnes dont la taille des vêtements dépasse le 46.
franceinfo : Déjà qu'est-ce qu'on considère être une grande taille en France ?
Sylvie Metzelard : On va dire, c'est tout ce qui dépasse le 46, où il devient compliqué de s’habiller en faisant ses achats en magasin. Ensuite, c’est exponentiel : plus la taille est grande, moins on a de choix.
Et ça concerne beaucoup de monde ?
Déjà, il faut savoir que près de 50% des Français sont en surpoids, et deux sur 10 sont obèses. Donc, on est loin des tailles mannequins. Plus de la moitié des Français s’habillent en 42 et plus.
Le nombre de personnes en surpoids augmente mais les rayons grandes tailles des magasins disparaissent, c'est paradoxal...
Oui, d’ailleurs cela nous a vraiment étonnés, au moment de notre enquête, tant on avait en mémoire la pub faite par des marques, sur leurs rayons grandes tailles. Par exemple, C&A a abandonné en janvier 2023 sa gamme du 48 au 60, et Violetta by Mango, lancée à grand renfort de pub, il y a quelques années, a aussi carrément disparu.
Ces marques avancent que c’est pour développer une offre plus inclusive. C’est-à-dire placer des grandes, voire de très grandes tailles, parmi les pièces de leurs collections, et ne plus faire de rayons dédiés qui pourraient être stigmatisants.
Ce n’est pas un peu hypocrite ça, cette notion d'inclusivité ?
Si bien sûr, car ces fameuses pièces grandes tailles n’existent qu’en très petit nombre, et en très peu de modèles.
Mais quand même, on n’est pas obèse quand on fait du 44 ? C’est une manière d'inciter l'acheteur à aller sur Internet pour trouver sa taille ?
Oui, en tout cas, dans les faits, c’est exactement ce qui se passe. On y trouve plus de choix, et les tailles grimpent plus haut. Par exemple, si vous ne trouvez que rarement des vêtements au-delà du XL chez H&M, vous pouvez trouver jusqu’au 62 et XXXXL en ligne.
Il y a en plus le problème du choix. Tous les modèles ne sont pas déclinés en grande taille ?
Oui, seules quelques pièces des collections sont déclinées en grandes tailles en boutiques. Des basiques la plupart du temps.
Et qui sont les premiers punis ? Les hommes ou les femmes ?
Les hommes ! Par exemple, La Halle, qui propose des grandes tailles pour les femmes, n’en proposent pas aux hommes, et Gemo, qui en proposait, a arrêté. Et quand on trouve des pièces pour les hommes, c’est généralement des t-shirts et sweat basiques, ou des survêtements. Même en ligne, il y a moins de choix que pour les femmes, on le voit pour H&M, par exemple.
Plus de grandes tailles dans les marques grand public, mais à l'inverse, est-ce qu'il y a des boutiques ou des sites qui surfent sur les tailles XXXL ou plus ?
Oui, bien sûr, vous avez du choix sur les plateformes de fast fashion : Shein, assos, pretty little things...
Mais le problème, c'est que c'est de mauvaise qualité ?
Oui, les tissus sont de piètre qualité, la plupart du temps, et se déforment. Les vêtements sont vite fichus. Les coupes sont souvent inadaptées, et quand on est fort, il faut renforcer certains endroits du vêtement, ce qui n’est pas fait, donc l’usure est rapide. Il faut vraiment adapter les coupes aux morphologies.
Mais pourquoi faire des vêtements aussi mal coupés ?
Adapter les coupes aux différentes morphologies coûte cher ; en plus, il faut des tissus de bonne qualité, des coutures renforcées…
Justement, les prix parlons-en, parce que non seulement une personne de forte taille peine à trouver des vêtements, mais en plus, ils sont parfois hors de prix ?
Oui, et pas uniquement sur les marques dites chères. Par exemple, chez La Redoute, au moment de notre enquête, on n’a pas trouvé de robes en grande taille; en dessous de 59,99 euros, alors que l’on avait 12 modèles jusqu’au 40, à moins de 25 euros, et 412 à moins de 50 euros !
Un autre exemple : Le Slip français propose des boxers XXXXL, à 40 euros pièce, vendue uniquement à l’unité, alors que jusqu’au XXL, on les vend par pack de 4, ce qui permet d’économiser 20 euros. Et si l’on veut du beau et de bonne qualité, il faut payer le prix fort. Même si de nouvelles marques arrivent sur le marché (Verseau, Atelier 312), chez Marina Rinaldi, une robe coûte entre 300 et 600 euros.
Est-ce que certaines marques de luxe ont choisi de prendre le contrepied de ce diktat du 36 ?
Oui, elles défilent toujours en 34-36, mais offrent des collections élargies ; c’est le cas de Dolce &Gabbana, qui taille désormais jusqu’au 60, ou Fendi qui propose 300 articles en 52. C’est très bien pour l’inclusivité, mais bon, pour le porte-monnaie, cela ne va pas aider les consommateurs en surpoids à se vêtir.
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