Départ de Thierry Breton de la Commission européenne : le risque d'affaiblissement de la France

Thierry Breton a remis lundi sa lettre de démission à Ursula von der Leyen, qu'il accuse de l'avoir "désavoué". Connu pour ses attaques contre les géants du web, il était aussi perçu comme quelqu'un défendant surtout les intérêts français, plutôt qu'européens.
Article rédigé par Fanny Guinochet
Radio France
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Temps de lecture : 2 min
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et le commissaire chargé du marché intérieur, Thierry Breton, à Bruxelles le 5 mars 2024. (OLIVIER HOSLET / EPA / MAXPPP)

Thierry Breton, commissaire européen au marché intérieur a claqué la porte de la Commission européenne, lundi 16 septembre, en remettant une lettre de démission plutôt acide à Ursula von der Leyen. Ses mauvaises relations avec la présidente de la Commission étaient notoires, et il se dit "désavoué" parce qu'elle a, dit-il, "demandé à la France de retirer son nom" de la liste des candidats à la Commission. L’Élysée, qui avait soutenu cette candidature fin juillet, a proposé dès lundi Stéphane Séjourné pour le remplacer comme commissaire européen.

Un poste stratégique pour notre économie

Il faut voir le périmètre exact du poste qui sera confié à la France en échange de la démission de Thierry Breton ; Paris est censé obtenir un portefeuille beaucoup plus large : une vice-présidence à la compétitivité et à la souveraineté, qui engloberait à la fois le commerce, la sécurité économique, les services financiers, l’innovation. Du moins sur le papier…

En réalité, cela ne signifie pas un renforcement de la position française à Bruxelles. Au contraire même, il ne faut pas s’y tromper. Derrière ce portefeuille, il y a un risque de recul de l’influence française en Europe, parce que Thierry Breton était un poids lourd, qui n’hésitait pas à s’opposer à la présidente de la Commission pour imposer les vues tricolores.

Par exemple, au sujet de la réindustrialisation, l’ancien commissaire a beaucoup œuvré pour réduire la dépendance de l’Union européenne envers l’Asie. Il a encouragé la création de giga-factories de semi-conducteurs, d’usines de batteries, notamment dans l’Hexagone. De même dans la défense, il s’est battu pour la montée en puissance des usines de production de munitions. Son successeur va-t-il réussir à peser sur les futurs investissements, pour qu’ils aient lieu dans en France plutôt qu'en Allemagne ou en Italie ? Pas sûr.

Ne pas se retrouver marginalisé

Un autre dossier important concerne les taxes à l’importation des voitures électriques chinoises en Europe. Là aussi, la France peut vite se retrouver marginalisée face à l’Espagne et à l'Allemagne qui ne sont pas enclines à taxer les voitures chinoises. Malgré la menace de représailles sur nos exportations en Chine de cognac ou de produits de luxe, la France est plutôt allante. Bruxelles reçoit, jeudi 19 septembre, le ministre du Commerce chinois et les 27 ont jusqu’à fin octobre pour valider le projet de la Commission. Ce sera un des premiers dossiers – et non des moindres - pour le prochain commissaire.

Ensuite, il y a tout le champ du numérique et de l’intelligence artificielle. Dans ces domaines, la France a été à l’origine des lois européennes pour réguler les grandes plateformes numériques. Il y a aussi la question du marché européen de l’électricité, où la France, qui mise sur le nucléaire, cherche aussi à faire entendre une voix singulière.

Sans oublier, le dernier sujet en date : les contrôles aux frontières terrestres, que Berlin a rétablis lundi et qui promettent de freiner nos échanges avec l’Allemagne, notre premier partenaire commercial. Sur tous ces dossiers, la France pourrait y perdre, et perdre gros, tant ce poste de commissaire a des conséquences directes sur le quotidien des Français...

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