Faut-il réécrire les règles budgétaires européennes comme le demande Manuel Valls ?
Dans son meeting de rentrée lundi soir à Colomiers, Manuel Valls s’en est pris aux "règles européennes" et au fameux Pacte de stabilité qui limite à 3% le déficit public. Et dans la voix du Premier ministre, c’est très nouveau.
Manuel Valls, dans son parcours personnel, appartient à une sensibilité de la gauche qui a toujours considéré que les comptes publiques devient être tenus et que l’Etat ne pouvait distribuer l’argent qu’il n’avait pas. Bref, une forme de sérieux budgétaire en phase avec les règles européennes et les exigences de l’euro telle que la France a contribué à les définir avec ses partenaires. L’entendre lundi soir s’en prendre à ces mêmes règles, tout comme Arnaud Montebourg, demandant à la famille sociale-démocrate européenne de peser pour changer le pacte de stabilité, c’est effectivement nouveau, c’est même inédit. Et cela bien sûr cela pose question. Pourquoi aujourd’hui ? Pourquoi ce revirement de Manuel Valls ?
Sans doute d’abord parce que nous sommes en campagne, et qu’une partie de la gauche reproche justement au président Hollande de ne pas avoir réussi à réorienter les règles budgétaires de l’Europe comme il l’avait pourtant promis avant l’élection de 2012.
Est-ce que Valls n’a pas raison, est-ce que ces règles budgétaires ne sont pas problématiques ?
Ces règles budgétaires et notamment le fameux critère qui limite à 3% le déficit public est bien sûr discutable, contestable, surtout dans les périodes de graves crises économiques comme celle que l’Europe a traversé à partir de 2008. La plupart des économistes conviennent d’ailleurs que ce zèle budgétaire, en exigeant la mise en œuvre simultanée dans plusieurs pays de violentes politiques d’austérité, a ajouté la crise à la crise, en tout cas dans une première phase. Comme si la zone euro s’était auto-asphyxiée.
La France affiche l’une des plus mauvaises performances de la zone euro
Là, c’est beaucoup plus discutable. D’abord la France n’a jamais appliqué ces règles budgétaires de manière stricte, elle a à trois reprises, demandé et obtenu, des délais de grâce pour tenter de se rapprocher du plafond des 3% de déficit, une tolérance comme aucun des partenaires de la France n’en a jamais bénéficiée. Chirac, Sarkozy, puis François Hollande ont procédé ainsi, sans vraiment toujours tenir parole. Donc cet assouplissement des règles que demande aujourd’hui Manuel Valls, la France en a déjà largement profité. Bruxelles a d’ailleurs changé de doctrine depuis et n’exige plus le respect à la lettre de ces critères. Tout est désormais affaire d’interprétation. Mais, au final, cela se paie, c’est parce que la France ne respecte toujours pas les 3% de déficit depuis 2008 qu’elle a perdu tant d’influence à Bruxelles. Presque tous nos partenaires sont aujourd’hui revenus dans les clous et la France affiche l’une des plus mauvaises performances de la zone euro. Il faudra attendre la fin 2017 pour que le déficit repasse chez nous sous la barre des 3%, si bien sûr, la France et donc le gouvernement de Manuel Valls tiennent cette fois sa promesse. Réécrire les règles, oui, les compléter certainement, mais la France va avoir bien du mal à trouver des alliés prêts à la suivre dans cette tâche herculéenne.
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