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Le décryptage éco. Alstom, un sauvetage éminemment politique

Manuel Valls l’a promis ce week-end : l'Etat sauvera Alstom à Belfort et passe commande de 15 rames de TGV destinées aux trains Intercités. Un sauvetage qui laisse les syndicats sceptiques dans ce dossier hautement politique.

Article rédigé par franceinfo, Lise Jolly
Radio France
Publié Mis à jour
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Ouvrier travaillant sur la fabrication des TGV  chez Alstom à Belfort. (SEBASTIEN BOZON / AFP)

Sceptique, il y a de quoi l’être : acheter des TGV dont la SNCF n’a pas besoin, les faire rouler sur les lignes Intercités régionales qui n’ont pas besoin non plus de trains aussi rapides (on parle de la liaison Bordeaux-Marseille), c’est une idée très curieuse. Ces TGV devront sans doute à terme être repris par la SNCF, déjà endettée à hauteur de 50 milliards d’euros, ce qui revient à ce que l’Etat creuse lui-même le trou de l’entreprise publique. Là aussi c’est curieux.

Dans ces conditions, on comprend le scepticisme des syndicats, même si cela garantit l’emploi pour deux ans. La direction envisage de transférer à Reichshoffen, en Alsace, en 2018, 400 des 480 postes de Belfort. Une décision à laquelle l’Etat, actionnaire minoritaire, ne peut pas s’opposer. La solution semble donc se trouver dans la poche et du contribuable français, et du voyageur SNCF : un demi-milliard d’euros sorti des caisses de l’Etat pour sauver Belfort.

Alstom ne peut-elle pas sauver elle-même son site historique ?

Altstom va plutôt bien, avec trois milliards de bénéfices l’an dernier. Elle décroche toujours des marchés à l’international. Mais Alstom a deux défauts, des sites trop spécialisés et une grande dépendance vis-à-vis des commandes publiques. Pour sauver Belfort, Alstom pourrait se lancer dans la fabrication de bus du futur dont la RATP a besoin, et pour lesquels l’entreprise possède la technologie de recharge de batterie.

Mais Alstom n’est pas toute seule, elle est aussi en concurrence avec Bombardier ou Siemens pour d’autres commandes publiques. Et elle est parfois plus chère qu’eux, c’est en tout cas l’avis même de la SNCF. L'âge d’or de l’équipement ferroviaire, où toutes les villes voulaient leur tramway, et les régions, leurs trains, est derrière nous. Alstom va devoir réfléchir sérieusement à sa stratégie industrielle, au cœur même de ce dossier.

 Hollande peut-il laisser tomber le site ?

La réponse est évidemment non. Le bilan du président en matière d’emploi n’est pas bon. Avoir un nouveau Florange sur les bras à quelques mois des présidentielles est impensable politiquement. D’autant que d’autres adversaires pourraient se targuer d’avoir su sauver Alstom en leur temps. Le ministre du Redressement productif, Arnaud Montebourg, intervenu dans le mariage Alstom-General Electric, mais surtout un certain Nicolas Sarkozy.

C’était en 2004, quand l’entreprise était au bord de la faillite et que, ministre du Budget de l’époque, il avait été jusqu’à croiser le fer avec Bruxelles pour sauver l’entreprise. C’est d’ailleurs à cet écueil que pourrait aussi se heurter le gouvernement, en achetant ces TGV : Bruxelles ne va-t-il pas considérer qu’il s’agit d’une aide déguisée de l’Etat ? Rien n’est moins sûr. En tout cas, l’affaire ne sera pas close aujourd’hui. Le prochain gouvernement retrouvera le dossier sur son bureau, sans que la question de la stratégie industrielle d'Alstom soit vraiment tranchée.

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