Le décryptage éco. BASF : nouveau scandale fiscal en Europe
On a appris, lundi 7 novembre, qu’un géant industriel allemand, le groupe chimiste BASF, avait réussi à alléger sa facture fiscale de près d’un milliard d’euros en cinq ans. Et tout ça semble légal.
Jusqu'ici, on ne parlait pour l’essentiel que d’entreprises américaines - Amazon, Apple ou Google - qui toutes étaient dans le collimateur de Bruxelles pour ne pas avoir payé d'impôts correspondant à leurs activités réelles sur le continent. Et ces entreprises se défendaient en disant en substance : "nous pratiquons l’optimisation fiscale mais nous respectons toutes vos lois en vigueur, nous ne faisons rien d’illégal et d’ailleurs de grands groupes européens font exactement la même chose."
Sauf que jusqu’à lundi 7 novembre Bruxelles n’en avait pas la preuve. Et là on peut remercier le groupe des Verts, et notamment l’ancienne juge et député européenne Eva Joly, qui a enquêté et réussi avec un expert privé américain à démonter un système très complexe et d’une grande opacité. Dans leur rapport, que s’est procuré Le Monde, on découvre que le groupe BASF, un vieux groupe industriel allemand très puissant, qui emploie 112 000 salariés, présent dans 80 pays avec plus de 70 milliards de chiffres d’affaires, et bien ce groupe a créé un écheveau de 29 filiales aux Pays-Bas, qui contrôlent une cascade d’actifs, plus de 70 sites industriels répartis dans 29 pays. Ce montage là, ultra-sophistiqué, lui permet d’échapper à une série d’impôts en Allemagne. Les Verts et leurs experts ont fait le calcul, il y a en a pour près d’un milliard de manque à gagner pour le fisc allemand. C’est du jamais vu.
Que peut faire Bruxelles ?
Cette affaire est un cas d’école, qui tombe très bien pour la Commission européenne : Bruxelles avait longtemps fermé les yeux sur ces pratiques, considérant que c’était le jeu de concurrence fiscale entre les Etats. Et bien c’est fini. Vous vous souvenez que la Commission veut faire payer à Apple une amende considérable de 13 milliards d’euros, une amende record destinée à frapper fort et surtout à marquer les esprits pour ramener à la raison les entreprises concernées. Mais Bruxelles veut désormais aussi changer les règles du jeu. Et c’est le commissaire français qui a présenté la semaine dernière, une réforme majeure sur la fiscalité des entreprises. C’est fondamental et le principe n’est pas si compliqué : il s’agit d’imposer un mode de calcul commun pour établir l’assiette de l’impôt sur les sociétés. Et si il y avait en Europe, pour toutes les entreprises, quelques soient les pays, un même mode de calcul de cette assiette de l'impôt sur les sociétés, sur une base transparente, chacun pourrait continuer à pratiquer le taux qu’il souhaite, mais chacun pourrait savoir exactement ce qui lui revient et il n’y aurait plus d’affaire comme celle de BASF ou d’Apple.
Cela a-t-il une chance d'aboutir ?
Certains pays comme l’Irlande ne sont pas d’accord pour le moment, ils estiment que c’est une atteinte à leur souveraineté nationale. Mais d’autres pays poussent : la France, l’Allemagne, l’Italie, l’Espagne, c’est à dire les plus grands pays de l’Union. Ce n’est pas gagné parce qu’en matière de fiscalité, il faut l’unanimité des membres pour faire adopter un tel texte. En fait, ce projet de directive jetterait les bases d’une union fiscale européenne, pour consolider l’Union économique et monétaire, c’est dire si l’enjeu est capital. Et la Commission sait que sur ce sujet, elle a le soutient massif de l’opinion publique et du parlement. Et ce n’est pas si souvent. Elle va donc pousser au maximum. Et l'affaire cette fois est bien engagée.
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