Le décryptage éco. Climat : pourquoi Trump ne pourra pas revenir sur l’Accord de Paris
L’Amérique du Trump rejettera-elle l’accord de Paris sur le climat ? Donald Trump a signé un décret allant dans ce sens, mais son application ne sera pas aisée.
L’Amérique du Trump peut-elle revenir sur l’accord de Paris sur le climat ? La question est sur toutes les lèvres en Europe après la signature mardi 28 mars par Donald Trump d’un nouveau décret abrogeant l’essentiel de la réglementation mise en place par son prédécesseur, Barack Obama, pour lutter contre le réchauffement climatique.
L’inquiétude est grande dans les chancelleries et chez les ONG qui avaient mis ensemble beaucoup d’énergie pour faire aboutir l’Accord de Paris, ce premier engagement solennel de la quasi totalité des pays du monde à lutter contre le réchauffement climatique. Bien évidemment, qu’un pays comme les Etats-Unis se défile et renonce à ses engagements ouvrirait une crise et, surtout, permettrait à d’autres de s’engouffrer dans la brèche. Cela ruinerait ainsi l’espoir suscité par cet accord historique. Mais prenons garde de ne pas aller trop vite, de ne pas désespérer trop vite. Car il y a encore très loin de la coupe aux lèvres.
Des obstacles à la fois politiques et économiques
C’est en tout cas ce que pense un grand chef d’entreprise, très au fait de ces dossiers, Patrick Pouyanné, le PDG du groupe Total. Ecouter le patron du groupe Total sur le climat, est-ce bien raisonnable ? Mais oui, justement. D’abord parce que l’entreprise Total a pris elle aussi des engagements en matière de décarbonisation, de diversification et d’investissements importants dans les énergies propres. Ensuite parce que Total a défendu l’accord de Paris, mais aussi et surtout parce que Patrick Pouyanné, son PDG, connaît sans doute comme aucun autre Français tous les grands acteurs politiques et économiques de l’énergie dans le monde.
Le patron de Total nous dit tout à fait clairement que les Etats-Unis ne pourront pas sortir de l’Accord de Paris, que Trump, tout simplement, n’y parviendra pas pour des raisons à la fois politiques et économiques. Invité mercredi du Club de l’économie du Monde, Patrick Pouyanné rappelle d’abord qu’il y a dans la démocratie américaine de puissants contre-pouvoirs et qu’ils se dresseront, les uns après les autres, contre la mise en œuvre du fameux décret Trump. Il rappelle aussi, point important, que l’opinion américaine a beaucoup bougé ces deux dernières années et qu’une majorité d’Américains prend désormais au sérieux les dangers du réchauffement climatique. Ils reconnaissent enfin que ce réchauffement est bien le fait des activités humaines.
Le charbon n'est plus rentable
Mais ce n’est pas le plus décisif pour ce chef d’entreprise : pour Patrick Pouyanné, ce sont bien des réalités économiques qui vont s’opposer aux velléités américaines. Trump a pris son fameux décret au nom des créations d’emplois, supposées ou potentielles, dans le secteur du charbon, et au nom également de l’indépendance énergétique américaine. "Je ne connais pas aujourd’hui dans le monde un investisseur prêt à mettre de l’argent pour produire du charbon ou construire de nouvelles centrales à charbon, affirme le patron de Total. Tout simplement parce que le charbon n’est plus rentable."
"Il n’y a pas d’espace économique pour le charbon aux Etats-Unis", répète Patrick Pouyanné. La réalité économique, c’est que les Américains vivent depuis quelques années une révolution énergétique liée au gaz et au pétrole de schiste, qu’ils se sont découvert d’énormes quantité de gaz, les plus grandes réserves de la planète. Ce gaz donne aux Américains un avantage compétitif majeur. Il n’est d’ailleurs pas pour rien dans le rebond de l’économie américaine après la crise de 2008.
Ce gaz coûte l’équivalent aux Etats-Unis de moins d’un dollar du baril, soit presque rien. Et si Obama avait signé l’accord de Paris, ce n’était seulement pour ses convictions écologiques, mais aussi parce que l’ancien président savait que le gaz avait commencé à se substituer aux Etats-Unis à ce charbon qui est le plus nocif et le plus dangereux pour le climat.
Ne nous laissons pas trop impressionner par les postures politiques de Trump sur ce sujet, qui en cache un autre, plus redoutable, celui du protectionnisme et des barrières commerciales que le nouveau président veut dresser entre les Etats-Unis et le reste du monde. Et c’est sans aucun doute à méditer.
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