Le décryptage éco. D'où vient cette haine de la finance ?
Haro sur la finance ! Ce week-end a donné lieu à une attaque en règle contre les banques et les banquiers, aussi bien de la part de Marine Le Pen et de ses partisans, que de ceux de Jean-Luc Mélenchon. Le décryptage de Vincent Giret.
Il souffle un vent bien mauvais en cette fin de campagne. Vous vous souvenez du "Mon adversaire, c’est la finance", de François Hollande, en 2012, qui d’une certaine manière avait ouvert le bal. Marine Le Pen a repris lundi 1er mai l’attaque du candidat Hollande pour la retourner contre Emmanuel Macron : "L’adversaire du peuple français, c’est toujours le monde la finance et cette fois, il a un nom, il a un visage, et il a un parti, il présente sa candidature, il s’appelle Emmanuel Macron", a jeté la candidate du Front national lors de son meeting au Parc des Expositions de Villepinte. "Avec moi, dit-elle, le monde de la finance ne sera pas à l’Elysée."
Le député du Front national Gilbert Collard avait précédé sa candidate sur ce même terrain glissant et dans un registre plus trivial en déclarant, jeudi 27 avril, dans un reportage diffusé sur LCI que "les ouvriers [n’étaient] pas des putes comme les banquiers".
Les salariés du secteur disent "stop au bank bashing"
Et, à l’extrême gauche et chez certains soutiens de Jean-Luc Mélenchon, on n’était pas en reste, pour justifier l’abstention ou le vente blanc : "Il n’y a pas de hiérarchie dans l’inacceptable entre Le Pen et Macron. Entre la xénophobie et la soumission aux banques", affirme par exemple l’intellectuel Emmanuel Todd. Et il y a beaucoup d’autres attaques du même tonneau, stigmatisant, pour mieux le discréditer, le passage d’Emmanuel Macron par la banque Rothschild, pendant quatre ans sur ses presque 15 ans de vie professionnelle. Au point que les salariés de la banque ont vivement réagi. Fait rarissime, trois organisations syndicales, la CFDT, la CFTC et la CFE-CGC, se sont jointes à leurs employeurs et à la Fédération bancaire française pour publier un texte commun. Qui dit ceci : "La profession bancaire et ses 370 000 salariés se sent profondément blessée par ces propos injurieux qui portent atteinte à leur dignité professionnelle. Nous sommes fiers de travailler au sein de nos établissements et fiers de notre engagement aux services des Français et de l’économie française." Et ces salariés disent "stop au bank bashing".
Bien évidemment, la critique des banques n’est pas interdite et elle est même parfois salutaire. Chacun sait que certaines d’entre elles, aux Etats-Unis, ont eu une responsabilité majeure et historique dans le déclenchement de la crise financière mondiale de 2008, la plus grave depuis celle de 1929. Chacun a pu voir aussi que l’absence de régulation pouvait conduire au pire et mettre en danger notre économie.
Un parfum des années 1930
Mais il y a ces jours-ci un net durcissement de ton, des dérapages haineux qui vont bien au-delà de la tension qui règne en général entre les deux tours d’une élection présidentielle. Ces attaques contre Macron le banquier, Macron chez Rothschild, suscitent un certain malaise. Et certaines d’entre elles rappellent les attaques antisémites des années 1930 soutenues par l’extrême droite et relayées par une certaine extrême gauche. Et c’est un signe particulièrement inquiétant sur l'état de notre démocratie.
Il y a au moins deux réponses possibles à ces attaques. La première, c’est celle du philosophe André Comte-Sponville : "Soyons clair, dit-il, ou bien on interdit, on supprime les banques, ou dès lors qu'il y a des banques, on a le droit d'être banquier. Qu'est-ce que c'est que ce racisme absurde, qui juge de la valeur d'un homme au nom du métier qu'il exerce ?", se demande le philosophe. La seconde réponse est celle des économistes et elle martèle cette évidence : si tous les pays capitalistes ne sont pas des démocraties, il n’existe pas de démocratie hors du système capitaliste, avec ses banques, qui financent le développement de notre économie et ainsi notre prospérité. Enfin, il est une règle d’hygiène générale : se méfier des visions complotistes du monde qui nous reviennent en pleine figure comme un boomerang.
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