Le décryptage éco. Emmanuel Macron jette les bases d'une nouvelle sécurité sociale professionnelle
On connaît désormais dans le détail le programme d’Emmanuel Macron, et le candidat a présenté jeudi un changement complet des règles de notre modèle social
C’est l’avantage d’avoir enfin un document complet de 140 pages pour prendre la mesure des choix et de l’ambition d’un projet présidentiel. Et c’est en matière sociale que l’audace du projet d'Emmanuel Macron, présenté jeudi 2 mars, paraît la plus spectaculaire.
Tout part d’abord d’un diagnostic : Emmanuel Macron et ses équipes estiment que les logiques, les règles, les régulations historiques de notre modèle social sont aujourd’hui anachroniques, dépassées, inadaptées ou simplement inefficaces. On parle ici de notre système d’allocation chômage, de la retraite ou de la formation professionnelle. Ce modèle social avait été conçu au lendemain de la seconde guerre, pour une économie de reconstruction, de rattrapage, de croissance forte et de plein emploi. C’était le temps béni des trente glorieuses.
Ces régulations sont depuis bien longtemps déjà en bout de cycle alors que le chômage de masse persiste et que le travail lui-même est désormais l’objet de mutations profondes, notamment avec la révolution numérique et l’effritement du salariat. Les protections d’hier ne peuvent pas être celles d’aujourd’hui ou de demain.
Emmanuel Macron a rappelé jeudi qu’en matière de retraite, les jeunes générations avaient le sentiment, à tort ou à raison, d’être dans l’incertitude totale, sans savoir si le temps venu, elles bénéficieraient de pensions honorables. C’est cela qui fabrique de la défiance.
Elargissement des garanties, et changement de gouvernance
Pour y répondre, le candidat d’En Marche ! jette les bases d’une nouvelle sécurité sociale professionnelle. Prenons l’exemple du chômage : le projet Macron ouvre d’abord le système, élargit des droits à ceux qui n’en bénéficiaient pas, ou pas vraiment : les indépendants, les agriculteurs, les entrepreneurs, ceux qui prennent des risques, pour tenter de répondre justement à de nouvelles situations sociales et professionnelles.
Mais en même temps que cet élargissement des garanties, il change toutes les règles de gouvernance du système de l’assurance chômage. Il prend ainsi acte de l’incapacité des partenaires sociaux à s’entendre pour réformer le système et confierait donc à l’Etat, et à l’Etat seul, le pilotage et le réglage du système. Objectif : gagner en cohérence, en agilité et en responsabilité.
Convergence progressive des régimes spéciaux de retraite
En matière de retraites, c’est le même esprit et là aussi, le changement est systémique. Le projet Macron ne touche pas aux curseurs – c’est à dire à l’âge du départ à la retraite ou au niveau de pensions aujourd’hui touchées par les retraités – mais il bouleverse complètement la logique du système, pour remettre de l’équité et de la transparence dans une machine qui, pour la plupart d’entre nous, est totalement opaque.
L’idée, c’est qu’un euro cotisé donne les mêmes droits quel que soit le moment où il a été cotisé et quel que soit le statut de celui qui a cotisé. Du coup, notre machinerie, les 37 caisses de retraites, devront converger dans un système unique. Et tous les régimes spéciaux s’effacer peu à peu. Parce que c’est l’autre originalité du projet : la réforme et sa montée en charge seraient balisées et progressives sur les dix ans qui viennent.
Refonte de la formation professionnelle
Et puis dernière pierre de ce grand bouleversement, la formation professionnelle : on a aujourd’hui une énorme boîte noire, où se déversent près de 40 milliards d’euros, dont l’opacité, les carences les dysfonctionnements et surtout l’inefficacité sont dénoncés chaque année par la Cour des comptes.
Là aussi, changement complet de gouvernance : c’est l’Etat qui reprendrait la main, pour réformer, restructurer et adapter au monde d’aujourd’hui notre formation professionnelle. C’est un chantier majeur pour le candidat d’en Marche ! qui injecterait 15 millions d’euros ciblés sur les Français les moins qualifiés et qui sont aujourd’hui massivement au chômage.
Globalement, c’est donc un modèle social à la scandinave que propose Emmanuel Macron. Il faudrait sans doute beaucoup de doigté et de fermeté pour le mettre en œuvre, mais là, c’est un projet sacrément consistant.
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