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Le décryptage éco. Renault embauche : quand la négociation sociale paie

Voilà une entreprise qui embauche en CDI. La direction du groupe Renault a annoncé, vendredi 4 novembre, vouloir embaucher 3 000 salariés en contrat à durée indéterminée. Seule condition, la signature d’un nouvel accord de compétitivité.

Article rédigé par franceinfo, Vincent Giret
Radio France
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Temps de lecture : 4min
Le PDG de Renault et Nissan, Carlos Ghosn, au Salon automobile de Genève en mars 2016.  (FABRICE COFFRINI / AFP)

Quand on parle des entreprises françaises, on parle souvent des blocages, des grèves, de l’impossibilité d’un dialogue social sérieux, responsable, bénéfique à la fois pour les salariés et pour l’entreprise. Le cas de Renault , qui a annoncé vendredi 4 novembre son intention d'embaucher 3000 salariés, illustre sans doute que dans certaines grandes entreprises, au moins, tout n’est pas perdu. Direction et syndicats peuvent négocier durement, pied à pied, mais finir par se faire confiance, par tomber d’accord, quand chacun fait un pas et n’a pas à le regretter.

Le cas de Renault est absolument exemplaire et mérite d’être raconté dans ses deux phases. La première phase s’ouvre quand le groupe Renault subit de plein fouet les effets de la grave crise de 2007-2008. Des effets négatifs qui se prolongent et font craindre une réduction forte de la production et la fermeture d’usines en France. Syndicats et direction se mettent autour de la table et après des mois de négociation, trois syndicats, la CGC-CFE, Force ouvrière et la CFDT, qui pèsent ensemble pour 60% des salariés, finissent par signer un accord difficile, courageux pour la période 2013-2016. Que dit cet accord? D'un côté, la direction s’engage à ne fermer aucun site de production, aucune usine, et s’interdit tout plan social. Mais de leurs côtés, les salariés doivent accepter des efforts conséquents : un gel des salaires pendant un an, une augmentation du temps de travail de 6,5% par an, un important plan de départ à la retraite pour ceux qui le souhaitent et peuvent justifier de longues périodes en horaires décalés ou d’une pénibilité réelle du travail. Les syndicats évitent donc tout licenciement, tandis que la direction obtient une diminution de sa masse salariale.

Cet accord va-t-il payer ? 

Oui. Renault tient parole, la crise s’éloigne, l’entreprise a regagné en compétitivité, elle a enfin renouvelé sa gamme et ses ventes repartent fortement à la hausse. Du coup, quand s’est ouvert cet automne une nouvelle phase de négociation portant sur les trois ans à venir, la direction de l’entreprise est arrivée avec des propositions beaucoup plus réjouissantes confirmées vendredi : l’embauche dès 2017 de 3 000 salariés en CDI, plus 6 000 contrats jeunes, le plus souvent en contrat d’alternance ou de qualification, une augmentation sensible des volumes de production pour sécuriser les sites industriels français. En 2016, Renault va produire au total 750 000 véhicules, c’est un tiers de plus qu’en 2012. C’est dire si les ventes sont reparties à la hausse et si Renault mise désormais sur ces nouveaux modèles.

Les syndicats vont-ils signer ce nouvel accord? 

C’est toujours plus facile de signer un accord qui prévoit des créations d’emplois, mais la négociation n’est pas terminée et elle sera dure, comme toujours. D’abord les syndicats en veulent davantage en terme d’emploi. La CGT, qui pèse environ pour 25% des voix, exigent non pas 3 000 mais 9 000 CDI, la CFDT en voudrait 4 500. Mais au-delà de la question des embauches, le champ des négociations s’est déplacé. Quand on regarde de près ce que demande par exemple la CFDT, on s’aperçoit de l’importance donnée à la montée en compétences et donc à la formation continue des salariés. Etre mieux formé, pouvoir s’engager dans un parcours professionnel, permet non seulement de progresser en terme de rémunération mais offre aussi plus de garanties en terme d’employabilité. De même, toutes les questions liées à la modulation du temps de travail et à la flexibilité sont des sujets de négociation extrêmement sensibles. Mais au total, il y a dans cette entreprise, comme chez Michelin par exemple, une telle culture de la négociation, qu’un nouvel accord ne fait presqu’aucun doute. Le cas de Renault illustre ce que le dialogue social peut produire de mieux, quand il y a de part et d’autres de la table des gens qui ont appris à se faire confiance et qui partagent l’idée que le social et l’économique ont parties liées. Que le premier n’est pas l’ennemi de l’autre. 

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