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Les banques centrales sont-elles trop puissantes ?

Les banques centrales sont-elles les nouveaux maîtres du monde ? A la faveur de la crise financière, elles assument un pouvoir considérable en Europe, comme aux Etats-Unis et en Asie… Faut-il s’en réjouir ou s’en inquiéter ?
Article rédigé par Vincent Giret
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
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 Un peu les deux sans doute. J’ai assisté récemment à un dîner discret réunissant toutes les chapelles des économistes français, des plus à gauche aux plus libéraux, qui une fois n’est pas coutume, n’étaient pas là pour se chamailler, mais pour échanger, partager, débattre de la question la plus sensible, la plus politique du moment : le pouvoir des banques centrales.

Réunis par le Cercle des économistes de Jean-Hervé Lorenzi, tous partageaient le constat initial d’une montée en puissance vertigineuse de ces institutions qui tiennent à bout de bras l’économie européenne tout comme l’économie américaine, notamment en créant de la monnaie, en injectant dans le système des milliers de milliards d’euros ou de dollars. Tout cela est-il bien raisonnable ?

A court terme, bien sûr, ces banques ont permis d’éviter au monde de subir une crise aussi grave, aussi dévastatrice que celle de 1929 , elles ont porté nos économies, c’est indéniable, mais en même temps, il y a désormais comme un doute, un scepticisme sur les effets collatéraux de ces remèdes de cheval. C’est comme une drogue dure dont on ne sait plus très bien comment décrocher, et cela pourrait être bien douloureux.

Mais quand on voit en France, mais aussi en Europe, que le chômage tarde tellement à diminuer, on se demande si ces politiques monétaires sont vraiment efficaces ?

Tout à fait. C’était d’ailleurs la première des convergences dans ce dîner d’économistes : les politiques menées par les banques centrales sont moins efficaces qu’autrefois, elles mettent plus longtemps à produire leurs effets dans l’économie réelle et c’est préoccupant. Elles ne peuvent pas tout d’ailleurs. Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne, ne cesse de le répéter.

Mais si la BCE a pris autant de responsabilités sur son dos, c’est pour pallier la faiblesse des Etats européens, empêtrés, divisés, contestés, qui ont un mal fou, à la fois à conduire les réformes nécessaires, et à doter l’euro d’un gouvernement économique qui contrebalance le poids de la banque centrale. Bref, les politiques ont maintenant une responsabilité majeure dans ce déséquilibre.

Et ces banques centrales gèrent de plus en plus le poids de dettes considérables accumulées par les Etats…

C’était la troisième question de la soirée, celle qui a donné lieu aux échanges les plus passionnés. A ma grande surprise, il y a eu un consensus pour briser un sacré tabou : cessons de dramatiser cette question de la dette ! Cessons de déprimer les jeunes générations avec cette prétendue épée de Damoclès ! Ces dettes sont devenues insoutenables, tout le monde le sait. Il faudrait des décennies pour en venir à bout. Mettons-nous autour d’une table, disent les économistes, pour trouver des solutions créatives. Les pistes sont multiples, elles combinent une part de mutualisation, une part de restructuration et une part de remboursement. Seulement, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, pour réussir une telle opération, il faut un pouvoir politique puissant, légitime, démocratique. Voilà une grande affaire que les banques centrales ne pourront jamais réaliser seules.

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