Lancement réussi d’Ariane 6 : "C'est un immense succès, c'est le retour de l'Europe dans l'espace", se réjouit le président du CNES

L'objectif est désormais d'augmenter la cadence, "de passer d'un vol réussi à bientôt dix vols ou douze vols par an, puisqu’il y a déjà 30 clients", confie Philippe Baptiste.
Article rédigé par franceinfo
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Le président du Centre national d'études spatiales Philippe Baptiste, le 26 mars 2024 à Kourou (Guyane). (LUDOVIC MARIN / AFP)

"C'est un immense succès. C'est le retour de l'Europe dans l'espace", se réjouit le président du Centre national d'études spatiales Philippe Baptiste mercredi 10 juillet sur franceinfo, au lendemain du lancement réussi de la fusée Ariane 6, à Kourou en Guyane. Il décrit même un moment "magique", malgré l'enjeu.

franceinfo : Racontez-nous ce que vous avez ressenti dans ce moment si particulier !

Philippe Baptiste : C'est énormément d'émotions. Les enjeux étaient énormes. L'enjeu numéro un, c'était de retrouver notre capacité d'accéder à l'espace que nous avions, nous Européens, perdus. Et donc l'enjeu était très fort, avec beaucoup de pression politique. Saine, mais pression politique. Et pression des industriels parce qu'il y avait beaucoup de satellites à lancer. C'était un premier lancement et un premier lancement, c'est toujours très risqué. Donc tout le monde avait à la fois beaucoup d'enthousiasme, beaucoup de confiance, mais aussi la boule au ventre.


Le lancement a finalement été repoussé d’une heure, c'est long. Êtes-vous resté confiant d'un bout à l'autre ?

Déjà, toute la campagne s'est très bien passée. Pendant une campagne, parfois, il y a des accrocs : il faut arrêter le décompte, il faut revenir en arrière, repartir, vider un réservoir, le re-remplir, etc. Mais là, c'était magique. Les derniers jours et les dernières heures, tout s'est très bien passé, donc la confiance s'est établie progressivement. Je voyais même les gens jubiler un peu, je trouvais presque que les gens se réjouissaient peut-être un petit peu trop tôt, mais finalement, ils avaient raison puisque tout s'est très bien passé, c'est quand même un immense succès. C'est le retour de l'Europe dans l'espace.

On n’aura donc plus besoin de recourir au SpaceX d'Elon Musk et sa fusée Falcon pour mettre en orbite la constellation du GPS européen, Galileo par exemple ?

On a été contraint parce qu'on a perdu pendant un peu plus d'un an notre capacité d'accès à l'espace. On a eu trois de nos lanceurs qui, pour des raisons diverses, n'étaient plus disponibles et pour quelques lancements, on n’a eu pas le choix parce que c'était urgent, on avait besoin de SpaceX. Ce n'est pas un objectif en soi, mais avoir un lanceur européen, c’est pour notre autonomie stratégique européenne, pour être capable de décider ce qu'on lance et ce qu'on ne lance pas. Et le corollaire, c'est que les satellites qui sont faits en Europe soient lancés sur Ariane.

Les Européens, n’ont pas fait le choix des fusées réutilisables. N’avez-vous pas de regrets de ce côté-là ?

Il y a plein de projets. La première chose, c'est de maîtriser cette technologie. Et là-dessus, je pense qu'effectivement on est en retard, il faut en être conscient. J'ai beaucoup poussé pour que, justement, on développe cette technologie et qu'on la maîtrise. On a un très beau projet qui s'appelle Callisto, qui est fait avec le Cnes, l'Agence japonaise, et puis aussi nos partenaires allemands. C'est un projet de petit lanceur réutilisable démonstrateur et qui va arriver dans un peu moins d'un an et demi. Et on a aussi d'autres projets au sein de l'Agence spatiale européenne. Le but du jeu, c'est de maîtriser cette technologie. Après c'est une question de cadence. Si vous faites relativement peu de lancements, et en Europe aujourd'hui, on peut le regretter, le besoin d'avoir un lanceur réutilisable est questionnable. Par contre, si demain en Europe on fait beaucoup de lancements, il faudra très probablement un lanceur réutilisable. Mais la question de fond, d'abord et avant tout, c'est de savoir de combien de lancements on a besoin en Europe. C'est la question de l'ambition de l'Europe pour le spatial en matière de satellites, de défense, de science, d'observation de la terre, d'exploration. Évidemment, je plaide avec enthousiasme pour une ambition très forte, mais qui aujourd'hui n'est pas du tout nulle. Il y a déjà une vraie ambition, mais les budgets de l'Europe pour le spatial aujourd'hui sont par rapport à ceux des États-Unis sont très en retrait.

Quelles sont les prochaines étapes après ce succès ?

Dès demain, il faudra récupérer les données du vol, les analyser, comprendre tout ce qui s'est passé, y compris les petits problèmes qu'on a pu avoir, les décortiquer. Et puis éventuellement faire des ajustements sur le lanceur pour tenir compte de ces nouveaux paramètres. Et surtout, passer d'un vol réussi à bientôt dix vols ou douze vols par an, puisqu’il y a déjà 30 clients. Et pour ça, il y a un énorme travail industriel à mener pour arriver justement à produire très régulièrement beaucoup de lanceurs. Après il faudra réfléchir aussi à l'augmentation des performances d'Ariane.

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