"Le témoignage de Clémentine Lecalot-Vergnaud sur son cancer est essentiel pour la médecine", estime l'oncologue Pascal Hammel
Le témoignage "de Clémentine Lecalot-Vergnaud sur sa maladie, sur l'espoir qu'il faut avoir et sur les inconvénients de tous ses traitements est essentiel à écouter pour la médecine", déclare mardi 16 janvier sur franceinfo le professeur Pascal Hammel, chef du service d'oncologie digestive et médicale de l'hôpital Paul Brousse à Villejuif (Val-de-Marne). Cet oncologue a suivi la journaliste de franceinfo, emportée à 31 ans par un cancer des voies biliaires la veille de Noël.
Dans son podcast "Ma Vie face au cancer : le journal de Clémentine", notre collègue et amie a raconté sans détour sa maladie, son combat, ses espoirs mais aussi ses doutes. Trois semaines après la mort de Clémentine Lecalot-Vergnaud, le professeur Pascal Hammel tient à rendre hommage à ce témoignage qu'il qualifie de "précieux et d'une qualité exceptionnelle". Il raconte notamment à quel point il a été surpris par la maturité et la force de Clémentine quand il a dû lui annoncer la fin des traitements contre la tumeur.
franceinfo : Beaucoup de malades qui ont entendu notre collègue Clémentine Lecalot-Vergnaud nous ont envoyés des remerciements. Est-ce que ça vous a surpris que ce témoignage ait rencontré autant d'écho ?
Pascal Hammel : Ce témoignage était précieux et d'une qualité exceptionnelle. Quand elle m'a dit qu'elle avait sorti un podcast, je me suis dit que j'allais en écouter un épisode et j'ai fini par tous les écouter [d'une seule traite]. L'expression de Clémentine Lecalot-Vergnaud sur sa maladie, sur l'espoir qu'il faut avoir et sur les inconvénients de tous ces traitements, est essentielle à écouter pour la médecine. Tout le monde peut être concerné dans l'émotion et dans les données intellectuelles.
Clémentine Lecalot-Vergnaud s'est confiée dans le podcast sur le moment où vous lui avez fait comprendre que vous arrêtiez les traitements. Elle s'est notamment dit "soulagée". Ce mot de soulagement paraît surprenant de la part de quelqu'un à qui vous confirmez que c'est la fin.
Il est surprenant d'une manière générale et encore plus quand c'est une jeune femme de 31 ans. On entre dans la chambre avec l'idée qu'elle va s'effondrer quand on va lui dire que les traitements contre la tumeur s'arrêtent. Mais elle a immédiatement manifesté un soulagement. Elle et sa mère m'ont dit qu'elle avait décidé de lâcher la rampe. Et durant la semaine qu'elle a vécue après cette annonce, elle a accompagné un certain nombre de choses invraisemblables d'énergie, de choix et d'informations à son mari sur ce qu'elle voulait après sa mort. Elle a même commandé un grand repas de sushis chez Yannick Alléno. C'était des images extraordinaires de ce qu'elle a fait des derniers moments de sa vie, en toute conscience.
Quand Jacques Chirac a lancé au début des années 2000 le plan cancer, on parlait beaucoup du lien entre les médecins et les patients, en reconnaissant qu'il y avait encore beaucoup de progrès à faire. A-t-on fait ces progrès depuis, selon vous ?
On est beaucoup plus informé sur la nature d'une relation entre le médecin et le malade. Dans la formation des étudiants, c'est quelque chose d'essentiel. On doit apprendre aux étudiants à avoir des connaissances, mais on doit aussi leur apprendre à être des bons médecins, ce qui est toute autre chose. Il y en a qui ont une empathie naturelle, d'autres la découvrent. Certains seront de bons chercheurs mais peut-être pas de bons cliniciens, d'autres seront de bons cliniciens et ne s'intéresseront pas à la recherche. Il faut trouver sa place et apprendre aux gens à écouter et à parler.
Clémentine Lecalot-Vergnaud faisait partie de ces patients qui ont expérimenté un traitement. Peut-on dire qu'à son échelle, comme d'autres malades, elle a contribué à faire avancer la médecine ?
La réponse est oui. On savait que ce traitement ciblé, qui marchait dans d'autres tumeurs, pouvait avoir un impact sur sa tumeur parce qu'elle avait la même anomalie génétique. Elle a eu une réponse à ce traitement qui, pour nous, est bien trop courte, mais qui a été pour elle très importante. Nous aussi les médecins on apprend à travers ces succès courts.
Pourquoi parlez-vous de succès ?
Parce qu'il y a 25 ou 30 ans quand j'ai commencé, peut-être que l'affaire aurait été entendue en trois ou quatre mois. Là, on a eu un an et demi de survie. C'est trop court, mais on avance par petits pas. Et ce petit pas est un grand pas pour les traitements de cette maladie qui touche 2 000 personnes par an en France. À côté des 60 000 cas de cancer de la prostate, 60 000 cas de cancer du sein, 15 000 cas de cancer du pancréas, 45 000 cas de cancer du côlon, ça fait peu. Et c'est pour ça que la recherche est difficile à faire avancer. Il faut qu'il y ait des gens qui se démènent, qui passent une grande partie de ces maladies moins fréquentes. La recherche avance moins vite dans les tumeurs rares.
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