Rapport sur Stanislas : le directeur des classes préparatoires "conteste absolument la volonté de dissimulation"

"Il faut distinguer les vrais abus contre lesquels nous sommes pleinement résolus à agir définitivement et puis le caractère propre de Stanislas", explique Louis Manaranche, professeur agrégé d'histoire, directeur des classes préparatoires au collège Stanislas.
Article rédigé par franceinfo
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Le collège Stanislas est un établissement privé catholique sous contrat d'association avec l'État, fondé en 1804 par l'abbé Claude Rosalie Liautard. (ERIC CHAVEROU / RADIO FRANCE)

Louis Manaranche, professeur agrégé d'histoire, directeur des classes préparatoires au collège Stanislas "conteste absolument" jeudi 18 janvier sur franceinfo la "volonté de dissimulation" d'un rapport de l'Inspection générale de l'Éducation rendu en août dernier à Gabriel Attal, alors ministre de l'Éducation. Ce rapport qui n'a pas été rendu public pointe des dérives qualifiées pour certaines d'homophobes et de sexistes au sein de l'école privée où sont scolarisés les enfants de la ministre de l'Éducation Amélie Oudéa-Castéra. La ville de Paris a suspendu son financement à l'école Stanislas pour un million et demi d'euros en attendant des clarifications. "Nous allons continuer à travailler de concert avec le rectorat de l'académie de Paris et nous allons apporter des clarifications qui conviennent à la mairie de Paris auprès de laquelle nous sommes totalement disponibles", a-t-il affirmé.


franceinfo : Un rapport de l'Inspection générale de l'Éducation rendu en août dernier à Gabriel Attal, alors ministre de l'Éducation, pointe des dérives qualifiées d'homophobes et de sexistes. Est-ce que vous admettez ces dérives ?

Louis Manaranche : Le mot dérive est parfaitement à admettre dans la mesure où ce rapport n'a pas conclu qu'il fallait prendre des sanctions disciplinaires parce qu'il n'y avait pas d'ambiance généralement sexiste et homophobe à Stanislas, mais qu'en revanche, il y avait eu des cas particuliers de sortie de piste parfaitement bien documentés, notamment de la part d'un catéchiste dont l'intervention est longuement détaillée. C'est celui qui parle à la fois de thérapies de conversion, du viol, etc. Il a été immédiatement d'ailleurs sanctionné et renvoyé de l'établissement.

Le catéchisme dans les établissements sous contrat ne peut pas être obligatoire. Le rapport indique que les familles qui inscrivent leurs enfants à Stanislas n'ont pas le choix. Est-ce que vous le contestez ?

Il y a une petite équivoque dans la mesure où on peut distinguer entre le catéchisme et l'instruction religieuse. De fait, l'instruction religieuse de Stanislas est obligatoire. C'est une exposition de la foi chrétienne. Mais, si on prépare un sacrement, sa communion, sa confirmation, il y a des cours en plus, qui sont, bien sûr, facultatifs. Il y a un respect de la liberté de conscience totale de ce point de vue-là. Après, si on nous demande d'améliorer la proposition des cours d'instruction religieuse pour qu'il soit, aux yeux des inspecteurs ou de l'Éducation nationale, davantage conforme à la loi Debré, on pourra le faire. C'est une discussion qui est ouverte. Pour autant, nous distinguons déjà entre l'instruction religieuse et le catéchisme à proprement parler, même si, par abus de langage, on peut parler de ‘cathé’.

Est-ce que l'établissement ou des intervenants extérieurs ont fait, dans le cadre du catéchisme, la promotion des thérapies de conversion pour les homosexuels ?

Il y a eu effectivement ce cas parfaitement connu. Un intervenant qui, très récemment d'ailleurs, a fait la promotion de telles thérapies. Il a été immédiatement sanctionné. Depuis ces incidents, nous avons commencé une formation beaucoup plus précise des catéchistes Stanislas et la mise en place d'instances de contrôle.

"Il se trouve que c'est un catéchiste qui, de surcroît, avait choisi le moment de l'inspection pour faire son coup d'éclat. Je pense qu'il y avait une démarche militante de sa part. C’était fait pour être un coup d'éclat."

Louis Manaranche, directeur des classes préparatoires au collège Stanislas

à franceinfo

La thématique de ce jour-là était censée être liée au sacrement des malades et à la lecture des Actes des Apôtres. On était très loin du sujet. Il y avait une posture militante et ce catéchiste a été renvoyé le jour même.

Mediapart évoque d’autres cas d’homophobie. Vous maintenez que c’est un cas isolé ?

Je dis que c'est un cas isolé, mais qu'il y a beaucoup de témoignages qui peuvent être anciens pour une bonne partie, liés à une ambiance qui effectivement n'était pas forcément toujours propice au plus grand respect des personnes dans leur diversité.

Comment expliquez-vous cette ambiance ?

C’est un établissement qui a tenu longtemps la non-mixité totale. Ce n'est plus du tout le cas aujourd'hui. Il y a plusieurs propositions qui sont faites. Il a pu assumer, effectivement, et il le fait toujours très clairement son catholicisme. Certaines personnes ont pu croire que leur parole était libérée sur ces sujets-là. Et il y a une grande équivoque. Un établissement catholique, évidemment, est un établissement qui respecte infiniment la dignité de toutes les personnes dans leur diversité.

Ce rapport pointe également un parti pris de certains professeurs de SVT de ne pas parler des infections sexuellement transmissibles. Vous le confirmer ?

C’est un parti pris que je ne connais pas en tout cas. Effectivement, ça fait partie des programmes, mais ça doit être enseigné comme faisant partie des programmes. S'agit-il d'un parti pris de certains professeurs ou bien s'agit-il peut-être d'un non-avancement dans les programmes ? Je n'en sais rien. Il est certain de ce point de vue-là que nous sommes perfectibles si ça n’a bel et bien pas été enseigné en cours.

La ville de Paris a suspendu son financement. Elle veut des clarifications. Est-ce que vous estimez être en mesure de les lui apporter ?

Absolument. Nous avons commencé à travailler. Nous allons continuer à travailler de concert avec le rectorat de l'académie de Paris et nous allons apporter des clarifications qui conviennent à la mairie de Paris auprès de laquelle nous sommes totalement disponibles.

Deux sénateurs communistes ont effectué un signalement auprès du procureur de Paris pour que votre agrément vous soit retiré. Comment réagissez-vous ?

Je sais que ces deux sénateurs ont fait cette démarche. Pourquoi ce rapport n'avait-il pas été rendu public ? Parce qu'il n'y a pas eu de procédure disciplinaire, parce qu'il n'y avait pas de faits caractérisés à part celui que l'on a déjà évoqué.

Les élus disent qu’il y a eu une volonté de dissimulation…

La volonté de dissimulation, je la conteste absolument. En revanche, qu'on puisse progresser avec le rectorat de Paris et qu'on puisse rassurer aussi ces deux élus communistes, nous le ferons évidemment. Mais je conteste absolument la dissimulation. J'entends bien les inquiétudes sur le respect du contrat. Il faut qu'on lui prenne très au sérieux. Mais je pense très sincèrement et très profondément que Stanislas respecte la loi Debré et le cadre républicain.

Pourquoi ne pas avoir agi plus rapidement ?

En réalité, nous avons quand même réagi. Monsieur Gautier, le directeur de Stanislas avait fait déjà un communiqué après les premières révélations de Mediapart pour dire les choses qui avaient changé. Tout cela a été fait dans un temps non médiatique. Beaucoup a déjà été fait pour normaliser les choses. Après, il faut aussi qu'on reconnaisse le caractère propre de Stanislas comme par exemple la proposition de la non-mixité, la proposition de vie chrétienne dans Stanislas, qui fait partie de notre identité. Il faut distinguer les vrais abus contre lesquels nous sommes pleinement résolus à agir définitivement et puis le caractère propre de Stanislas.

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