Après le livre, un documentaire sur France 3 : Philippe Torreton rend hommage à sa "Mémé", "cette femme qui a toujours été là"
Philippe Torreton est acteur de théâtre, de télévision, de cinéma avec quand même un amour immodéré pour les planches. Il a reçu de nombreux prix, dont un Molière pour le rôle de Cyrano dans Cyrano de Bergerac (2014) et le César du meilleur acteur pour son rôle dans le film Capitaine Conan (1996) de Bertrand Tavernier. Il est aussi écrivain avec des ouvrages qui nous proposent son regard sur la vie, la politique et le théâtre. En bref, il nous parle de ce qui compte pour lui, et plus précisément de celles et ceux qui l'équilibrent et qui lui ont permis de se construire en tant qu'homme.
C'est d'ailleurs comme cela qu'est né son livre intitulé tout simplement Mémé paru aux éditions L'Iconoclaste en 2014. Un vibrant hommage à sa grand-mère aujourd'hui disparue. Lundi 23 octobre 2023, une adaptation documentaire de son livre par Camille Juza, sera diffusée sur France 3 à 22h50.
franceinfo : Vous commencez ce film face caméra, vous vous adressez directement à elle et vous lui faites part de tous les témoignages que vous avez reçus et qui montrent à quel point les gens se reconnaissent à l'intérieur de cet ouvrage. Et vous parlez de l'international des larmes et de l'importance de pleurer quand on sait pour quoi. Elle épluchait des oignons sans pleurer, mais vous, vous ne cesserez jamais de tenter de contenir les vôtres.
Philippe Torreton : C'est absolument vrai. D'ailleurs, le commentaire du film qui n'est autre que mon récit sur Mémé dont j'ai fait la voix off, j'avais beaucoup de mal à la terminer cette voix, et ça reste toujours une émotion, pas teintée de tristesse, mais c'est un gros manque et c'est une émotion pleine de gratitude envers cette femme qui a toujours été là. Et ces gens qui sont des repères fixes comme ça manquent. Mon gros point fixe, c'est ma Mémé.
Ce film met l'accent sur l'importance de la transmission, de connaître notre histoire et donc elle passe évidemment par l'histoire de nos ancêtres. Qu'est-ce que cette grand-mère vous a le plus transmis ?
Ma grand-mère faisait toujours quelque chose. Du lever au coucher, elle travaillait. Et moi, je suis bien dans cette pluriactivité-là, par exemple en ce moment, je suis en tournée avec Nous y voilà, dans le train, je travaille le texte et à l'hôtel, je peaufine les dernières lignes de mon roman.
"Le fait de changer d'activité me repose. Je suis rarement sans rien faire."
Philippe Torretonà franceinfo
Est-ce qu'avoir eu cet exemple n'est pas ce qui fait votre force ?
Oui, c'est une force parce que ce métier de comédien est parfois assez cruel. Et je me dis que j'ai eu beaucoup de chance, j'ai été reconnu. Il y a un côté où il ne faut pas se plaindre et continuer. Je pense qu'il y a quelque chose de cet ordre-là. De toutes façons, c'est important de savoir d'où on vient et quels étaient les modes de vie des gens qui étaient nos grands-pères, nos grands-mères, nos arrière-grands-pères et arrière-grand-mères. Ce n'est pas du tout pour relativiser nos malheurs actuels qui sont prégnants, mais c'est pour relativiser certaines choses qu'on peut ressentir dans nos activités, dans nos parcours de vie.
Ma grand-mère n'a pas choisi l'homme avec qui elle a fait des enfants. Elle en aimait un autre. Bon, ça, c'était la France des années de l'entre-deux-guerres. Une jeune fille ne pouvait pas choisir. Donc interrogeons-nous sur ce qu'on est devenus et ce qui arrive encore à pas mal de femmes malheureusement, dans certains pays. Ce non-choix, cette non-possibilité de choisir sa vie, un métier. Ma grand-mère, elle aimait bien souffler dans un harmonica, mais elle n'est pas devenue musicienne.
Elle rêvait d'être musicienne.
Jusqu'à quel point, je ne sais pas, mais elle aimait ça. Et elle m'a avoué aussi qu'elle aurait bien aimé monter sur scène. Et ça, ça me fait encore chialer à l'intérieur. C'est de me dire que ce sont des destins contrariés et puis on met un mouchoir sur ses rêves et on travaille en faisant en sorte que nos enfants aient une vie meilleure que la nôtre et de vivre aussi par l'intermédiaire de ses enfants et de ses petits-enfants. Ma grand-mère a été une des premières à venir à la Comédie-Française quand j'y étais.
Elle a pris le train pour la première fois pour venir vous voir. Toute la Comédie-Française était au courant qu'elle était dans la salle. C'était très important pour vous ?
Oui. Je l'ai dit à tout le monde. Pour moi, elle validait mon choix. Jamais elle ne m'aurait dit ça. Je me le suis pris comme ça parce qu'on n'en a jamais fini avec la légitimité. Quand il n'y a pas d'acteur dans sa famille, on se dit : "Pourquoi je suis là, en fait ? Est-ce que j'ai le droit ? Est-ce qu'on m'autorise ? " Et ma grand-mère m'a dit : "Fais-le". C'était important pour moi.
"Pour moi, ma grand-mère à la Comédie-Française, c'était comme si on recevait un chef d'État ! Et le fait qu'elle soit là, c'est comme si elle me disait : ‘Tu as raison d'être là, je valide’."
Philippe Torretonà franceinfo
On comprend que le Molière, le César ne représentent pas les plus grands prix. Le plus grand étant effectivement que cette grand-mère vienne vous voir à la Comédie-Française. Elle vous a surtout transmis le courage et l'espoir. Est-ce que ce film, ce n'est pas redonner une voix à votre grand-mère et donc à toutes les grands-mères qui nous ont quittées ?
Clairement, c'est ça. On se sert d'un cas particulier pour parler à tous et rendre hommage à tout ce peuple-là de taiseux, de gens qui ont toujours été là. Comme je le dis à la fin du film : "Pour faire une grand-mère, il faut de l'ancien temps et de la constance". Je crois beaucoup à ça.
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