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Clémence Rochefort à propos de son père Jean Rochefort : "Je trouve qu’on l’oublie un peu"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, l’actrice Clémence Rochefort, la benjamine des cinq enfants de l’immense acteur Jean Rochefort, pour son livre "Papa" paru aux éditions Plon.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
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Temps de lecture : 7min
Jean Rochefort et sa fille Clémence lors de la cérémonie des César, à Paris le 20 février 2015 (CHRISTOPHE PETIT TESSON / MAXPPP)

Clémence Rochefort est une jeune femme de 28 ans encore émue par la disparition de son père, il y a trois ans. Son livre Papa est un bel hommage à son père, une déclaration d’amour malgré l’absence : "On ne rend jamais assez hommage à ses parents". Un livre dans lequel elle évoque l’homme, l’acteur et le père qu’il était. Elle redoute qu'il ne s’efface de la mémoire collective : "Moi je trouve qu’on l’oublie un peu. Moi finalement, c’est ça qui m’affecte le plus".

Son caractère, son humilité, c’est surtout ça que j’ai retenu de lui. Il s’est quand même plus que débrouillé dans la vie, tout en restant humble et en ne croyant jamais en lui.

Clémence Rochefort

à franceinfo

Un acteur "toujours très angoissé" 

Cette modestie et ce manque d’assurance paraissent avoir construit et suivi l’acteur toute au long de sa brillante carrière. Un an avant son décès, il dit même à sa femme, Françoise Vidal, qu’il aurait aimé être un grand acteur : "C’est vrai que c’est étonnant, il était sincère ! " On a du mal à imaginer Jean Rochefort pris par le trac, et pourtant Clémence Rochefort se souvient d’un échange frappant entre eux alors qu’il a déjà 80 ans, avant le tournage d’un film : "Clémence je ne vais pas y arriver, je ne connais pas bien mon texte." "Il était toujours très angoissé", confirme sa fille, quii doit le rassurer : "Mais repose-toi ! C’est bon, tu as tout prouvé !" Elle le décrit comme "plein d’autodérision, beaucoup de recul, drôle. Il disait toujours : 'On se doit d’être des buvards à émotions quand on est comédien'. Un passionné avec beaucoup de doutes, c'était merveilleux tous les paradoxes qu’il avait." 

Pour se réaliser dans l’ombre de ce monstre sacré du cinéma, Clémence Rochefort est d’abord journaliste : "Je voulais un bagage". Difficile d’effacer de sa tête cette petite phrase de son père, comme une petite musique qu’elle entend depuis l’enfance : "Ce métier est terrible. Encore plus pour les femmes. La caméra n’aime pas les voir vieillir". Il lui a donc fallu du temps pour franchir ce cap : "Je m’étais un peu interdit" d'être actrice, reconnaît-elle. Finalement, c’est à l’occasion du tournage d’un court-métrage dans lequel il la fait jouer qu’à la fin d’une scène, il l’invite à réaliser son rêve : "Si tu veux faire ce métier, fais-le ". Un soulagement pour elle : "J’avais besoin de son consentement, évidemment !"

Le temps file

Jean Rochefort a déjà la soixantaine lorsque naissent ses deux dernières filles. Et cette notion du temps qui passe, ou plutôt du manque de temps, saute aux yeux de la benjamine, en particulier au moment de la disparition de l’acteur et ami de son père Bruno Cremer, lui-même père de deux jeunes filles. En guise d’épitaphe, ses amis lui écrivent : "À très bientôt". Une vraie prise de conscience pour Clémence Rochefort : "De les voir aussi tristes, je me suis dit : 'le prochain c’est lui, les prochaines c’est nous.' Déjà quand j'avais 15-16 ans, il me disait : 'Je vais bientôt mourir'. C’est difficile d’entendre ça mais ça m’a beaucoup aidé à profiter de lui".

Il n’a pas été difficile de grandir avec Jean Rochefort, au contraire dit-elle : "Comme il était plein d’humilité, on ne se rendait pas tellement compte. Moi, je m’en suis rendue compte quand on marchait dans la rue avec lui. Les gens étaient émerveillés de le voir, c’est ça qui m’a frappée. Mais lui, il nous a tellement élevées dans la simplicité que je me suis rendue compte très tard de qui il était."

Il disait que le contact des chevaux c’était très important, que ça lui évitait de tomber dans les abîmes de l’ego.

Clémence Rochefort

à franceinfo

C’est aussi un homme fidèle, autant en amitié qu’en amour. Il passe 30 ans avec sa dernière épouse : "Il a trouvé avec ma mère un équilibre. Une passion commune des chevaux (…) Puis, il était peut-être plus apaisé avec elle qui était très optimiste, toujours de bonne humeur. Mon père avait des côtés plus sombres et mélancoliques. Donc, ils se complétaient et ma mère l’admirait évidemment."  Il encourage ses enfants à ne surtout pas avoir peur d’aimer : "Il me disait de ne pas être trop prudent, que quand on aime quelqu’un il faut y aller. Qu’on ait 30 ans de plus, 30 ans de moins, la rencontre est tellement rare qu’il faut y aller". 

C’est encore avec beaucoup d’émotion que Clémence Rochefort parle de cette absence prématurée : "Même si je l’ai eu moins longtemps, c’était intense, c’était passionné. Finalement, j’ai le moins de regrets possibles, mais évidemment mon père ne sera pas là pour tel ou tel évènement donc ça c’est toujours difficile. Je vois des filles de mon âge qui peuvent passer à côté de leur père alors qu’elles peuvent l’avoir jusqu’à 40, 50 ans. Et je pense à ça, j’essaie d’être très optimiste."

Quand elle pense à lui, elle pense au film Cartouche (Philippe de Broca,1962) et sa dernière réplique dans le film : "Nous allons connaître des nuits froides". Une phrase qui résonne particulièrement fort dans le cœur de Clémence Rochefort, des sanglots dans la voix : "Oui, oui, on va connaître un peu des nuits solitaires, seule, en pensant à lui en s’endormant, ça résume beaucoup."

Ne fais pas comme moi, ose entreprendre, venge-toi de ce que je n’ai pas osé faire.

Jean Rochefort à sa fille Clémence

Jean Rochefort, en père attentif et soucieux du bien-être de ses enfants, les a poussés à aller au bout de leurs rêves coûte que coûte, leur a insufflé une grande force que sa fille confirme : "Je lui dois beaucoup. Dès que je doute de quelque chose, parce qu’on avait un peu le même caractère, je pense à lui et ça m’aide beaucoup. Ce sont ses enseignements que je retiens finalement dans sa mort, et heureusement sinon on s’écroulerait."

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