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Eddy de Pretto, porte-voix de la différence dans son nouvel album "À tous les bâtards"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd'hui, l'auteur, compositeur et chanteur Eddy de Pretto.

Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 6min
Eddy de Pretto, ci-contre en 2019. (LIONEL VADAM  / MAXPPP)

Eddy de Pretto est auteur, compositeur, interprète et acteur. Son premier album Cure (2018) avec les titres Random, Normal et Kid qui évoquent ses peines de cœur, la masculinité, son homosexualité et l'hypervirilité, le propulse sur le devant de la scène. Vendredi 26 mars, il sort son nouvel album : À tous les bâtards.

Elodie Suigo : À tous les bâtards, il faut oser quand même ! Qui sont les bâtards ? 

Eddy de Pretto: C'est parti d'une chanson que j'ai écrite et qui est pour moi très importante dans cet album. Freaks parle un peu de cette bizarrerie, cette bâtardise, cette étrangeté auxquelles j'ai été confronté quand j'étais au collège, au lycée et même jusqu'à mon premier album. Et À tous les bâtards justement, ça pointe le doigt là-dessus, c'est comment retourner le sens d'une injure ? 

Les bâtards, ce sont tous ceux qui se sentent en marge, tous ceux qui se sentent à côté, bizarres, différents

Eddy de Pretto

à franceinfo

C'est aussi un message que vous passez à ceux qui sont différents. Une façon de les encourager ? 

Le premier album et tout ce que ça m'a permis de défaire, de déconstruire et d'assumer, je suis sûr que pour certains aussi, ça a beaucoup aidé et du coup pour moi c'était le moment d'en parler, de partager ça et de prendre avec moi ceux qui, potentiellement, se sentent parias dans cette société-là et qui ont besoin que ça devienne une force plutôt qu'une faiblesse toute une vie. 

Au premier album, vous étiez très fragilisé, limite "gêné" de ce succès grandissant qui vous a explosé en pleine figure. Comment l'avez-vous vécu avec le recul ? C'était trop rapide ? 

Il a fallu un peu de temps et de recul pour avoir des nouvelles choses à dire, une nouvelle pertinence de discours, un ton et une écriture qui passent un cap aussi mais il me paraissait essentiel de digérer tout ça. 

Vous pensiez un jour à avoir ce sourire-là, franchement ? 

Le fait d'être visible et de manière positive, bienveillante, ça n'a jamais été quelque chose de très proche de moi. Le premier album m'a énormément aidé à passer des étapes, espérons que le deuxième aussi ! 

Là, on est effectivement dans une totale évolution. Il y a des claviers, des cordes, vous vous êtes vraiment fait plaisir et surtout, on entend cette voix. J'ai l'impression que c'est la première fois qu'on la découvre réellement, cette voix chantée. C'était aussi une forme d'ouverture ? 

Oui, je voulais passer un cap vocal. Le premier album était un peu plus tendu, dense, rapide, les mots se bousculaient. Sur ce deuxième album, je voulais prendre un peu plus de temps et ajouter un peu plus d'insolence, de dilettante et dire les choses de manière un peu moins "qui se bouffe". J'avais besoin de chanter, j'ai commencé par le chant en fait donc j'avais besoin de montrer aussi et de venir me chercher moi-même. 

Quelle place occupe cette voix dans votre vie ?

Je l'ai beaucoup travaillée et j'adore le fait de pouvoir faire passer des messages en chantant. 

Cet album est une réconciliation avec vous, quand même. Il y a un clin d'œil à tante Rosie, quelqu'un qui vous a toujours accompagné. On entend un message vocal qu'elle vous a laissé. On sent que vous aviez besoin de ce lien fort de la famille, de ce soutien, de son regard. 

Pour moi, c'était ma Freak de l'époque. C'était ma bizarre, le monstre de la famille un peu et toute l'exubérance, la liberté qu'elle représentait quand on allait chez elle à Paris me sortaient de tous les carcans auxquels j'ai été confronté H-24. 

Ma tante Rosie m'a inspiré, m'a fait rêver et permis de croire que je pouvais être la personne que j'aurais envie d'être 

Eddy de Pretto

à franceinfo

Enfant, à quoi rêviez-vous ?

J'étais dans ma chambre et la vue de ma fenêtre, c'était le Centre commercial Créteil Soleil avec l'enseigne des années 70 et derrière, il y avait le faisceau de la tour Eiffel qui brillait, passait mais au loin, très loin. C'était ma vue et c'étaient tous mes rêves. C'était l'espoir, la conquête de Paris, l'envie de chanter, de partager ma vie et de ne pas chanter que pour ma chambre et pour mes peluches. J'avais des rêves plein la tête. 

La chanson Kid représente quoi pour vous dans ce parcours ? 

On me parle de cette chanson tout le temps. C'est la virilité. C'est le gars qui chante la virilité abusive. Les choses évoluent notamment grâce à cette chanson bien sûr. Notre société évolue dans ce sens-là, en tout cas, je l'espère. Le chemin sera toujours aussi long tant qu'on apprendra à nos enfants que d'être un garçon, c'est comme ça et d'être une fille, c'est comme ça. Oui, ce sera long. 

La chanson qui clôture l'album est très claire Tout vivre. C'est vraiment une tribune. On a besoin de prendre son temps, de se mettre à l'écart surtout pour pouvoir remonter. C'est ce que vous avez eu besoin de faire ? Ça vous a fait du bien ? 

Je tente de vivre les choses les plus intensément possible et la Covid a été un peu étrange pour les vivre intensément. Je suis resté figé pendant deux mois sur mon canapé, assis à jouer à la console, et je l'ai vécu jusqu'au bout du truc ! J'ai joué le jeu. J'essaie intensément des choses, de voir ce que ça provoque en moi. Et pour ça, il faut du temps. 

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