Eddy Mitchell : "Je préfère ce monde-là à celui de ma jeunesse"
L'histoire d'amour entre Eddy Mitchell et le public a démarré il y a six décennies, d'abord avec Les Chaussettes noires et le titre Daniela, puis en solo. Le temps n'a pas altéré son plaisir de monter sur scène, ni celui de chanter. Qu'on se le dise, il a trois passions inaltérables, et indissociables de l'artiste qu'il est : le dessin et la bande dessinée de Jigé, le rock et le cinéma américain, et plus précisément les westerns. Aujourd'hui, Eddy Mitchell est de retour avec un 40ᵉ album Amigos. Littéralement, ça signifie 'amis', soit 12 titres habillés à sa façon et dit avec cette voix qui n'a pas pris une ride, accompagnée par des amis comme Souchon, Chamfort, Sheller, Obispo, Sanseverino. Avec plein de premières fois.
franceinfo : L'album démarre avec le titre En décapotable Pontiac, c'est une invitation à parcourir une route en décapotable avec en toile de fond les routes du Nevada. J'ai l'impression qu'il y a un côté point de départ de votre carrière dans cet album et notamment avec ce titre.
Eddy Mitchell : Chacun voit midi à sa porte, si on peut dire. Non, parce que c'est un texte que Souchon et moi-même avons concocté. C'est plutôt l'histoire d'un braquage qui tourne mal.
Il y a un côté Bonnie & Clyde inévitablement, mais la toile de fond, c'est...
Ce sont les grands espaces.
Les grands espaces, l'aventure aussi, d'ailleurs c'est le titre qui s'enchaîne juste derrière. J'ai l'impression que ça a été le moteur de votre vie.
"On rêve tous d'aventures."
Eddy Mitchellà franceinfo
On rêve tous de grands espaces, de gens inoubliables, de filles fantastiques, de décors exceptionnels. Donc on en rêve et je l'ai mis dans plusieurs chansons.
Ce disque montre à quel point vous n'avez jamais oublié d'où vous venez. Votre père se levait à 4 h du matin pour aller travailler. Quand il revenait, évidemment, les devoirs, c'était le cinéma. On se rend compte à quel point votre père a été ce pilier dans votre vie. C'est lui qui vous a montré justement le chemin, ce qu'il ne fallait pas perdre de vue ?
Mon père m'a initié, non pas à la musique, c'est plutôt ma mère, mais il m'a énormément initié à la lecture. Parce que chez nous, on lisait aussi bien Sartre que Peter Cheney donc j'étais au courant de tout. Il m'a initié au cinéma, mais aussi à plein d'autres de choses finalement.
Vous aviez un ami qui travaillait dans une grande maison d'édition.
Oui, un cousin. Mon père allait chercher les bouquins dans un sac à dos toutes les semaines et c'étaient des livres auxquels il manquait des pages ou alors qui partaient au pilon. On avait droit à tout.
Quand on regarde bien, que ce soit par la bande dessinée ou que ce soit par la littérature. Ce qu'on comprend, c'est que vous avez eu très tôt le besoin de sortir de chez vous, d'abord dans l'imaginaire.
Ah oui, parce que je n'avais vraiment pas envie de travailler et ma mère m'a un petit peu obligé. Quand j'ai commencé à travailler, j'avais à peine 14 ans parce que j'avais réussi mon certificat d’études. À mon époque, qui disait : "certificat d'études" disait "droit de travailler" et surtout le droit de ne plus aller à l'école. C'était formidable, mais on regrette un petit peu les études ensuite, même si sur l'instant, on est très heureux.
Alain Souchon a travaillé avec vous sur cet album et vous signez ensemble le titre, Boogie Bougon. Qu'évoque ce titre pour vous ?
"La chanson ‘Boogie Bougon’ signifie que l'ami Alain Souchon m'a bien vu sur scène et m'a bien observé et qu'il faut quand même avoir un certain recul pour chanter ce genre de choses."
Eddy Mitchellà franceinfo
Il faut savoir que pour l'écrire, il faut avoir aussi le recul. Et ça, bravo !
Réussir à adapter une chanson reste particulier même si c'est l'une de vos spécialités.
Une chanson, si on l'écoute vraiment, on a envie de l'entendre en français. Il y a plein de chansons comme ça qu'on a envie d'entendre, on se dit : "Tiens en français, ça sonnera peut-être aussi bien ou sinon mieux, ou peut-être plus mal" et là on abandonne. Ça, c'est un travail qui est marrant à faire, mais on s'éloigne souvent du texte original. Ce n'est pas grave, l'important c'est que le résultat compte.
Quel regard porte le petit garçon que vous étiez sur ce parcours ?
Je ne suis pas mécontent. Il n'est pas mécontent le garçon, c'est vrai !
Est-il fier ?
Fier ? Peut-être pas, mais pas mécontent. Pas mal pour un petit gars de Belleville, tu ne t'en sors pas mal.
On sent que cet album est différent, qu'il vous raconte tellement.
Il est différent parce qu'il n'y a pas une composition, bien sûr, de mon vieux compagnon, Pierre Papadiamandis. Il lui aurait plu dans le côté finition, dans le côté magique qui ressort de cette opération, entre tous ces merveilleux compositeurs qui m'ont accompagné dans cette œuvre.
J'ai une dernière question : vous plaisez-vous dans le monde dans lequel on vit aujourd'hui ?
Oh oui, je préfère ce monde-là à celui de ma jeunesse.
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