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Peter Gabriel : "Dans l'idéal, j'aimerais être un optimiste réaliste"
Peter Gabriel est un artiste rare, atypique, habité, passionné et passionnant. Au fil du temps, il a su dynamiter les codes, les clichés du rock anglais. Depuis ses quinze ans et la naissance du groupe fondé avec Tony Banks, le Garden Wall devenu plus tard Genesis, il est devenu un médiateur, un passeur, avec comme seul but unir, réunir pour partager ce qui est beau. Au commencement, il y avait Genesis, avec ses rôles de conteur, comédien, amuseur déguisé et maquillé. Et depuis 1975 et The Lamb Lies Down on Broadway, il a poursuivi en solo en insufflant une musique futuriste et ancestrale. Ont suivi des titres forts comme Biko, Don’t give up, Sledge Hammer ou Solsbury Hill. Depuis son album Up sorti il y a 21 ans, la patience des fans était mise à rude épreuve. Elle a fini par payer avec depuis janvier dernier, la sortie d'un single à chaque pleine lune et un nouvel album I/O (abréviation de "input/output", entrée/sortie) aux douze titres proposés en trois versions : "bright-side", "dark-side" et "inside" mixés par Mark "Spike" Spent, Tchad Blake et Martin Buff.
franceinfo : Que représente cet album pour vous ?
Peter Gabriel : J'ai toujours fait de la musique pendant tout ce temps-là. Mais je ne ressentais pas la pression de sortir quelque chose tant que je n'étais pas prêt. Je voulais avoir une vie autre que de n'être qu'un musicien professionnel. J'ai fait plein de choses pendant ce temps-là, mais il y avait beaucoup de choses coincées . Au bout d’un moment je me suis dit qu’avec tout ce que j’avais, je pouvais en faire une histoire. Et c'était une bonne manière de revenir.
Vous avez sorti un titre à chaque pleine lune depuis le mois de janvier 2023, donc quasiment toutes les quatre semaines. Pourquoi ?
Tout d'abord, j'ai toujours aimé faire les choses différemment, mais j'ai aussi pensé que c'était une façon de se reconnecter au monde dont on fait partie. Le soleil se lève et se couche tous les jours et la lune apparaît une fois par mois. On peut s'en ficher totalement et s'occuper de nos vies. Mais, parfois, c'est bien de voir le grand plan d'ensemble et de se reconnecter avec le grand extérieur, c'est-à-dire l'univers.
Le titre qui ouvre chaque version est Panopticom, qui est une contre-proposition "à la Peter Gabriel", du panoptique, un bâtiment qui permettait à un gardien logé dans une tour centrale d'observer tous les prisonniers enfermés. Vous nous proposez de redistribuer le pouvoir au peuple et de redistribuer les cartes, c'est ce que vous vouliez mettre en avant ?
Exactement. C'est comme une personne, qui joue avec des pierres au début et quelqu'un arrive avec un gros flingue et il a tous les pouvoirs d'un coup. Les nouveaux outils qui sont créés, comme l'intelligence artificielle, sont extrêmement puissants. Il faut tous qu'on y ait accès. Il y a une grosse discussion philosophique sur qui devrait y avoir accès. C'est incroyable d'avoir cette idée que chaque enfant né dans le monde aura accès à n'importe quelle connaissance grâce à l'Internet et à l'intelligence artificielle.
Dans "I/O", vous abordez la vie et l'univers et notre lien au monde qui nous entoure. Vous dites : "Je suis juste une partie du tout". Ça veut dire quoi ?
Il y a beaucoup de vies humaines qui se concentrent sur ce monde créé par l'homme, mais on a tendance à oublier qu’on vient de la nature. On en est issu mais on l'a utilisée et détruite très vite. Mais quand on regarde le ciel, on se rend compte à quel point on est tout petit. On croit être sur des îles individuelles. Mais dans beaucoup de traditions dans le monde, on nous voit comme un gros réseau de vie. Et pour moi, c'est une façon bien plus utile de nous regarder nous-mêmes.
Vous dites d'ailleurs que nous sommes en sursis. Est-ce que vous êtes inquiet, en colère ou optimiste ?
Je suis certain que le pessimisme ne mène nulle part. Parce qu'on est déprimé au final et donc, à quoi bon continuer à vivre. Mais en même temps, j'ai lu que, même si les optimistes font beaucoup plus de choses, les pessimistes sont parfois plus en lien avec la réalité. Donc dans l'idéal, j'aimerais être un optimiste réaliste.
On parle de la chanson "And Still". Je crois qu'il n'y a pas plus intime dans tout ce parcours puisque vous abordez le moment où votre maman a quitté ce monde. C'est un hommage que vous lui rendez d'ailleurs. Que gardez-vous d'elle ?
La musique, l’empathie, l'amour des animaux. Elle était passionnée, enthousiaste. Mais elle voulait aussi beaucoup contrôler. Et ça m’a posé des problèmes, j'ai mis longtemps à m'en sortir mais ça m'a permis de me rendre compte de l'amour profond que j'avais pour elle. Cette chanson, je ne pouvais pas la faire tout de suite, quand elle est partie. Alors, j’ai attendu six ans.
La musique vous a t elle sauvé enfant ? Est-ce qu'elle vous a permis de dire des choses ?
Oui. C'était excitant déjà. J’ai commencé à la batterie et je me rappelle être assis à côté d'un batteur qui jouait dans un groupe et je me disais : "Waouh, c'est excitant. Ils font des gros bruits, ils frappent fort et c'est ça que j'ai envie de faire". Je n'ai pas voulu prendre de leçons de piano. Mes parents ont dit que je le regretterais plus tard. Je l'ai regretté, c'est vrai. Je suis revenu au piano à 11 ou 12 ans, en apprenant deux ou trois notes à la fois et c'est en tant qu'auteur-compositeur que je pouvais m’échapper. Grâce à ça, en écrivant, mon esprit s'échappait de la prison du monde. Et puis, quand on travaille en tant que musicien et qu'on commence vraiment à assembler les choses ensemble, on ne sait pas toujours ce qui se passe. Et quand on le sait, c'est un sentiment si puissant. C'est très addictif.
Pour terminer, Peter, quel est votre regard sur ce parcours ? Sur ce que vous avez déjà apporté avec ce nouvel album "I/O" ?
Je suis content de la manière avec laquelle il est reçu. J'espère qu'il va toucher les gens. Je crois que certaines de mes chansons et musique préférées m'ont aidé à penser et à sortir de moments très difficiles, me rendre heureux, me faire danser et j'espère que ce disque provoquera un petit peu de tout ça auprès des gens.
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