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Jarry : "J’ai la chance d’avoir un public qui se lâche, les gens s’abandonnent, ils oublient tout"

Aujourd’hui, l’invité du Monde d’Elodie est Jarry, acteur, metteur en scène et humoriste qui nous revient avec un nouveau spectacle intitulé "Titre" à l’Européen à Paris puis en tournée dans toute la France à partir de janvier 2020.

Article rédigé par franceinfo
Radio France
Publié
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Jarry, humoriste. (JEAN-CHRISTOPHE BOURDILLAT / RADIO FRANCE)

Dans son nouveau spectacle Titre, la suite d’Atypique, Jarry est heureux de revenir sur scène : "C’est l’endroit au monde où je suis le plus libre, ma plus belle fierté. J’ai la chance d’avoir un public qui se lâche, c’est-à-dire que les gens s’abandonnent, ils oublient tout et on est que là pour le plaisir, et ça c’est extraordinaire".

Sa maman, la femme qu'il aime le plus au monde

Jarry a une relation très forte avec sa mère : "C’est la femme que j’aime le plus au monde et surtout, c’est celle qui m’a tout le temps protégé sans jamais me le dire. C’est fou, il suffit de grandir et puis on se rend compte de ce que font les gens pour nous". Ce lien inoxydable se crée à sa naissance prématurée, à l’occasion d’un accident de voiture alors qu’elle est enceinte de 8 mois avec un chauffard peu courtois voire ordurier, Jarry en protecteur de sa protectrice rapporte ses propos : "Oh toi la grosse vache t’as qu’à apprendre à conduire".

Destiné au métier de viticulteur dans la lignée familiale, il comprend vite que ce ne sera pas pour lui. Très peu pour lui les réveils matinaux, les vendanges, le tracteur, les bêtes, ses frères à l’aise, lui préfère être dans sa chambre à chanter et danser : "C’est vraiment pas un monde qui m’attire (…) J’ai une sensibilité qui est vraiment à fleur de peau donc tout me heurte. Alors quand je vois que mon père qui revient de la chasse avec du gibier, j’essaie de réanimer les bêtes, là où mes frères pensent déjà à manger la viande."

Aussi éloigné de son père qu’il est proche de sa mère, Jarry confie que ses rapports avec son père sont quasi-inexistants : "Mon père ne me comprend pas du tout (…) je pense qu’il se dit ce n’est pas mon fils. Je pense que pendant des années on n’a pas su ce qui nous réunissait (…). On est trop les opposés, tout ce qu’il aime c’est tout ce que je déteste. Et moi en lui je me retrouve en rien". Son paternel l’oblige à faire du judo alors qu’il y a un cours de danse classique et modern jazz en face qui correspond à ses envies. Ce n’est pas une réussite au moment des compétitions car avec la complicité de sa mère, il suit secrètement les cours de danse.

L'amour du théâtre

Jarry aime la danse et est aussi très attiré par le théâtre : "Je rêve de mourir au ralenti sur les scènes, je trouvais ça génial à l’époque. Je m’entraîne pendant des heures dans ma chambre à mourir pour émouvoir les gens". Mutique à l’école, ses professeurs pensent qu’il est atteint par une forme d’autisme, et c’est avec le théâtre qu’il retrouve sa voix et trouve sa voie tout en perdant sa timidité maladive en 5e. Le tournant vers l’humour s’opère grâce à sa professeure de français, avec la complicité de sa mère, qui lui octroie un petit rôle dans une pièce de Tchekhov dans lequel il doit porter une cruche d’eau : "Je suis tellement paralysé que je fais tomber la cruche d’eau et toute la salle rigole. Et là je dis hein, ah ben les gens ont rigolé".

Jarry se rêvait plus en tragédien qu’en humoriste mais la vie a choisi pour lui : "Je crois que j’étais drôle malgré moi au départ car j’étais persuadé d’être un grand tragédien et en fait, je faisais toujours rire les gens dès que je faisais quelque chose".

Né Anthony Lambert, il décide de prendre le nom de jeune fille de sa mère, une belle reconnaissance pour lui faire traverser le temps à l’infini, Jarry devient son nom de scène.

La haine de l'injustice

Jarry aime donner, enseigner, et ce besoin de partage, de transmission, il l’assouvit en enseignant l’expression théâtrale à un public dit marginal comme dans les maisons d’arrêt. Et il va encore plus loin, jusqu'au au Maroc, en Tunisie ou encore au Mali à la rencontre de ceux qu’on ne voit pas. Peut-être une façon de réduire l’injustice, c’est état de fait l’émeut : "Je suis très ému car l’injustice ça m’énerve en 2019. Car l’injustice ça met un rapport de force, y’a forcément un faible. Et ça je ne supporte pas".

Papa à son tour 

Son rêve de monter sur scène s’est exaucé, celui d’être papa aussi : "Je pense que c’est la chose qui m’a le plus bouleversée parce que quand j’ai découvert mon homosexualité pour moi ça été insupportable juste sur le fait des enfants car moi je m’étais entraîné toute mon enfance à être papa. J’ai joué à la dînette pendant des années avec mes copines. A chaque fois que je voyais des enfants avec leurs papas je disais moi aussi je ferai ça (…) Et mes enfants c’est tout quoi, et je trouve ça génial car il y a une naïveté qui me fait du bien, c’est magique. Et puis quand ils ont peur tu les rassures et c’est bien aussi de trouver les mots (…) C’est bien de lire des histoires, elles sont bourrées de valeurs importantes qui vont les aider à se construire et à grandir et je crois aussi que les enfants ont juste besoin d’amour, au-delà de la sexualité."

Jarry et son moi

"Je pense que je suis quelqu’un de tout à fait banal mais qui fait de sa vie quelque chose de profondément juste. Le travail du comédien c’est de mettre des costumes, moi j’ai l’impression que toute ma vie, je les enlève pour être au plus proche de cette ossature, de ce squelette que je suis." Et même si Jarry est encore prisonnier de l’image dans laquelle on l’enferme ou dans laquelle il s’est enfermé, et qu'il a conscience qu’une vie sera nécessaire pour éclore et être pleinement lui-même.

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