Nicole Calfan : "Faire ce métier d’actrice était une échappatoire"
Nicole Calfan est actrice et écrivaine. Ancienne pensionnaire de la Comédie-Française, elle a toujours fait appel à ses envies et intuitions pour construire sa carrière. Elle a joué à la fois dans Les Monologues du vagin et dans Tartuffe, de Michel Fau. Télévision, théâtre ou cinéma, aux côtés et sous la direction de Jean Yanne, Thomas Gilou, Alex Lutz, rien ne l'effraie. Aujourd'hui, elle est l'un des rôles principaux de la mini-série en six épisodes, Tout cela, je te le donnerai, qui sera diffusée sur France 2 à partir du mercredi du 7 février, à 21h10.
franceinfo : J'ai l'impression que vous aimez être là où on vous attend le moins ?
Nicole Calfan : C'est drôle, ça me fait plaisir parce que c'est une expression que j'emploie beaucoup. Oui, j'aime bien passer entre les bras de Michel Fau dans Tartuffe et puis le retrouver dans Le vison voyageur. C'est vrai que je n'ai jamais suivi une ligne vraiment classique.
Je me demandais ce qui vous avait attirée vers ce métier d’actrice. Votre père était avocat et votre mère, femme au foyer.
Ne pas faire ce que mes parents attendaient de moi, c'est-à-dire ne pas épouser un avocat ou un banquier. J'ai vu sur scène Les rustres de Goldoni, il y avait vraiment 50 cm qui me séparaient de la scène. J'avais 14 ans et j'ai dit : c'est ça que je veux faire.
"Faire ce métier d’actrice était une échappatoire."
Nicole Calfanà franceinfo
Cette série est adaptée du roman noir de Dolorès Redondo paru en 2016. Six épisodes addictifs pour raconter l'histoire de Manuel Ortigosa, un auteur de renom madrilène, confronté d'une façon brutale au décès de son mari dans un accident de voiture. Il découvre à ce moment-là la double vie de son mari avec une famille d'un autre temps, notamment autour de l'homophobie mais alors vraiment affirmée et assumée. Vous jouez le rôle de la mère de cette famille bourgeoise. Qu'est-ce qui vous a donné envie de dire oui ?
Ce qui m'a attirée, c'est ce rôle qui est aux antipodes de ce que je suis. C'est une femme qui n’a presque rien pour la racheter. Homophobe, cruelle, démodée - le temps est figé chez elle, elle n’éprouve aucune tendresse pour ses enfants. C'est le contraire de moi. Et j'ai pensé sans composer, j'ai pensé à la musique d'une Signoret pour jouer ça, de fermer toutes les fins de phrase. Et puis le sujet est magnifique.
Vous avez commencé par le Conservatoire national. Ensuite il y a eu la Comédie-Française avec Marie Bell, cette tragédienne qui a cru en vous incroyablement.
En un regard.
Que vous a apporté la Comédie-Française ?
Ca m'apporte tous les jours quelque chose parce que je suis sur le regret de l'avoir quittée. Je connais encore quelques acteurs, mais je connais tellement cette maison. J'y ai été tellement heureuse et quand j'y retourne voir des spectacles, c'est encore un peu à moi, c'est quelque chose qui ne vous quitte jamais.
"J'ai joué des pièces, seule ou à deux, mais je suis marquée par la troupe et par la Comédie-Française."
Nicole Calfanà franceinfo
Il y a des acteurs ou des actrices qui n'ont pas été heureux à la Comédie-Française. Moi, j'ai eu la chance d'être adorée, chouchoutée, protégée par Robert Hirsch, Jacques Charon, Jean Piat, Michel Duchaussoy et les autres. Et je regrette d'avoir quitté cette troupe, parce que j'aime le sens de la troupe et que je suis plus à l'aise aussi au théâtre quand ce sont des pièces chorales.
À chaque fois, vous avez eu la chance d'être soutenue. Vous parliez de Hirsch et de Charon. Il y a eu Jean-Paul Belmondo et Alain Delon aussi. Ils ont été extrêmement importants, surtout Delon. À un moment donné pour Borsalino, vous l'avez appelé en lui disant : je pense que je ne vais pas pouvoir donner suite parce qu'il faut que je sois au théâtre. Et il vous a fait une promesse, c'est que vous seriez à l'heure au théâtre tous les jours. Et il a tenu ses engagements.
C'est quelqu'un qui compte tellement pour moi. Je ne peux pas vous expliquer. Je pense que le nœud de cet amour, c'est la protection. "Vous avez ma parole d'homme que vous ne serez jamais en retard pour aller jouer à la Comédie-Française". J'ai quand même fait ça pendant trois semaines et je n'ai jamais été en retard. Et puis il m'a dit des choses très jolies, il m'a dit : "Tu es Delonienne". Ce n'est absolument pas prétentieux, c'est lui qui me l'a dit. Je me sens très "Delonienne", oui ! C'est un homme que je comprends parfaitement.
"Franchement, si Alain Delon s'en va, je me sentirai vraiment orpheline."
Nicole Calfanà franceinfo
Vous avez démarré très tôt sur les planches et vous avez toujours ce trac avant de monter sur scène.
Ça, c'est le problème récurrent. Comme je suis attachée au bonheur, je trouve ça très dur de souffrir sur scène. En fait, c'est ça le fond de ma question. Je me dis : mais pourquoi ne serais-je pas heureuse sur scène tout simplement ?
Ce qui est étonnant c'est que devant la caméra, il n'y a aucun trac.
Aucun problème ! Alors que pour mon premier film avec Pierre Etaix, Le grand amour (1969), j'ai eu très peur parce qu'il n’y avait pas d'estrade, moi je travaillais sur une estrade ! Je sortais du cours Girard, du conservatoire et quand j'étais sur un plateau, tout le monde était à la même hauteur. J'étais pétrifiée. C'est drôle. Avec le temps, j’éprouve un plaisir fou à tourner, un plaisir fou à vous parler. Je sais que je suis filmée, je m'en fiche complètement, mais le théâtre, c'est autre chose. En fait, je joue ma vie au théâtre. Et les amis, les vrais théâtreux dont je suis entourée, me disent : "C'est normal". Mais moi, je veux arriver, avant de mourir, à ce pari : d'entrer sur scène en étant heureuse.
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