"On utilise toujours les masques des personnages pour parler de soi" : Samuel Le Bihan présente en avant-première le téléfilm "Seul"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Mercredi 26 juin 2024 : le comédien, Samuel Le Bihan. Il est au cœur du téléfilm "Seul" qui sera présenté en avant-première hors compétition au Festival de Cinéma & de Musique de Film de La Baule.
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié
Temps de lecture : 7min
Samuel Le Bihan lors de la 6e édition du Festival du film francophone d'Angoulême, le 26 août 2023. (FRANCK CASTEL / MAXPPP)

Samuel Le Bihan est un acteur né. C'est vrai qu'au début, il voulait être artiste peintre, ce qu'il est, finalement, devenu au fil du temps, puisqu'il a réussi à créer avec tous ses films et tous ses rôles, une sorte de peinture qui lui correspond, qui est très cohérente. Il y a eu Norbert dans Capitaine Conan de Bertrand Tavernier en 1996 et puis après tout s'est enchaîné avec notamment Le Pacte des loups de Christophe Gans en 2001, qui a été un élément très fort dans sa carrière. Aujourd'hui, il est au cœur du téléfilm Seul de Pierre Isoard qu’il va présenter en avant-première et hors compétition au Festival de Cinéma & de Musique de Film de La Baule qui se déroule du 26 au 30 juin. Il est également membre du jury et c’est Claude Lelouch qui sera l'invité d'honneur de cette dixième édition, afin de célébrer ses 60 ans de carrière.

franceinfo : Seul, c'est le récit d'Yves Parlier et de Rémy Fière, auteurs d'un livre racontant leur Vendée Globe, notamment celui du navigateur. Cet homme incroyable qui a démâté, qui a réparé seul son mât avant de franchir la ligne d'arrivée 33 jours après le vainqueur. Ce film nous confronte à nous-mêmes. On se demande après quoi on court finalement quand on se crée ce genre de défi.

Samuel Le Bihan : Ce qui est drôle, c'est que même quand on demande à Yves Parlier pourquoi il n'a pas abandonné, pourquoi il a tenu absolument à réparer son bateau tout seul et à poursuivre la course, il est incapable de répondre. Il a été tenu par quelque chose d'impérieux : il fallait finir. Et je crois que c'est ça en fait, la vie, il faut la nourrir de passions et c'est ce qui nous fait traverser l'existence avec du feu, de l'envie, de la curiosité, avec des rencontres.

C'est un terrain de jeu et dans le fond, peut-être que tout ça ne sert à rien, mais c'est peut-être ce qui ne sert à rien, qui sert à quelque chose. Les artistes, par exemple, on n'est pas en train de soigner des gens, on n'est pas en train de créer des outils qui vont aider la planète. Mais dans le fond, c'est notre vision du monde. C'est une vision du monde qui est ressentie avec des gens qui sont peut-être un petit peu plus sensibles.

"Le monde est sec et je trouve que les artistes sont là pour vous connecter entre le conscient et l'inconscient. Peut-être pour tout remettre en ordre, un peu comme les rêves sont au sommeil, une façon pour le cerveau de ranger les choses à leur place."

Samuel Le Bihan

à franceinfo

Vous avez vécu en Bretagne et quand on vous voit dans le film, on a l'impression que vous avez le pied marin. Est-ce que vous vous êtes retrouvé dans ce rôle ? En tout cas, dans l'attitude d'Yves Parlier, le fait de ne jamais rien lâcher.

Alors, il faut savoir que je viens d'une famille de marins. Mon grand-père était marin-pêcheur, mon arrière-grand-père aussi, mais c'étaient des marins-pêcheurs à la voile. Mon père en a fait et donc il m'a appris la voile. Quand j'étais adolescent, son grand rêve, ça a été de trouver un bateau et de nous emmener. On habitait en banlieue parisienne et pendant les vacances, on était en Bretagne et il nous emmenait faire de la voile, il nous apprenait la voile.

Et là, on a refait de la voile, mais alors, attention, ce n'est pas de la voile promenade, c'est de la voile sportive. Et c'était dur, je n'avais jamais connu ça. J'ai découvert quelque chose. Même le metteur en scène, Pierre Isoard, avait juste fait un peu de voile. Et cette histoire nous passionnait, on s'est dit : "Allez, on le fait". Lui, il a écrit le scénario, il a réalisé le film et on a réussi à convaincre la chaîne de nous donner de l'argent, mais en vérité, on ne savait pas si on y arriverait. On ne savait pas du tout. Et puis on a ramené une journée de tournage, puis après une deuxième et une troisième. Chaque film vous apporte quelque chose de particulier. Ça peut être de beaux souvenirs ou de belles rencontres. Et là, je crois qu'avec Seul, c'était une expérience, l'envie de vivre un truc lié à notre métier, mais de le vivre fort.

Dans le film, votre personnage doute. Il repense à son enfance, notamment au moment où il commençait à faire de la voile et à rêver d'aventures. À quoi rêviez-vous, enfant ?

Quand je suis rentré au collège, je ne sais pas, c'était une façon peut-être de me rendre intéressant, je disais à tout le monde : vous verrez, plus tard, je serai connu, vous me verrez à la télévision. C'est drôle que tant d'années plus tard, cette envie, ce besoin soit réalisé. C'est complètement fou. Je crois que j'avais besoin de montrer que j'existais. Je le dis souvent, j'ai l'impression d'avoir eu besoin de monter en haut de la colline pour planter l'étendard "Le Bihan", pour dire, on est quelque chose. C'est le besoin d'exister, de prendre une place dans cette société.

"J'avais envie de changer mon destin, j'avais envie qu'il ressemble à autre chose."

Samuel Le Bihan

à franceinfo

Vous êtes membre du jury du Festival de Cinéma & de Musique de Film de La Baule. Est-ce que c'est dur d'avoir à porter un jugement sur le travail des autres ?

C'est toujours injuste, en fait. Quoi qu'il arrive, ce ne sera que la sensibilité d'un jury. Tous ces prix dans le milieu artistique, ça permet quand même évidemment d'éveiller des regards sur des œuvres auxquelles on n'aurait même pas pensé. Le fait que ce soit sélectif, ça vaut le coup parce qu'artistiquement, il y a une nourriture, il y a quelque chose à en garder, mais de toute façon, le résultat, quoi qu'il arrive, sera toujours très injuste.

Appréhendez-vous finalement de présenter Seul à La Baule ? Parce qu'on sent que ce film vous tient particulièrement à cœur.

Oui, je suis vraiment ravi qu'il l'ait mis dans la sélection, alors pas officielle puisque je suis dans le jury et que je ne peux pas voter pour mon film. Mais en revanche, il va être présenté au public. Ça me fait plaisir et ça me fait peur. En fait, on utilise toujours les masques des personnages pour parler de soi, mais parfois plus que d'autres. Et là, le masque d'Yves Parlier, c’est y mettre, peut-être, pourquoi j'ai fait ce métier, tout simplement.

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