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"Pour sortir d'une addiction, il faut trouver son rêve et s'y accrocher", confie l'humoriste Doully

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Aujourd’hui, l’humoriste et actrice, Doully. À partir du 21 février 2023, elle jouera son spectacle, "Hier j'arrête", à l’Européen à Paris tout en étant en tournée dans toute la France.
Article rédigé par franceinfo - Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
L'humoriste Doully, sur la scène du James Comedy Club, en 2020. (ERIC DERVAUX / HANS LUCAS)

Doully est humoriste et actrice. Sa voix éraillée en dit long sur sa vie qui a été un vrai parcours de la combattante. Elle a essayé beaucoup de drogues, au point de sombrer dans la toxicomanie. Après trois arrêts cardiaques liés à des overdoses, elle a décidé de remonter sur le ring et d'en découdre avec ses démons. Elle a suivi un programme de sevrage et c'est servi des mots comme exutoire. Elle débute avec le monologue comique dans les soirées Première fois de Yacine Belhousse et depuis 2020, Doully remplace Jules-Edouard Moustic à la présentation de l'émission Groland sur Canal + tout en étant chroniqueuse à France Inter. À partir du 21 février 2023, elle jouera son spectacle, Hier j'arrête, à l’Européen à Paris tout en étant en tournée dans toute la France.

franceinfo : Est-ce que la scène est devenue un moteur presque vital ?

Doully : Oui, je pense que c'est un des trucs qui m'a aidée à m'en sortir parce que j'ai toujours voulu faire ce métier. Je pense que quand on n'arrive pas à se sortir d'un truc, il faut avoir un petit rêve et s'y attacher.

Ça veut dire que les mots ont rapidement rempli les pages blanches. Ce qui est une belle revanche aussi, puisque vous êtes atteinte de la maladie de Charcot-Marie-Tooth et que petite, vous n'arriviez pas à attraper votre feuille.

Oui. On n'a pas la pince quand on a cette maladie, on n'arrive pas à tenir un stylo comme les gens normaux.

N'est-ce pas une belle revanche tout ça ?

C'est chouette, ça fait plaisir. Ça fait vraiment plaisir et puis c'est chouette aussi de pouvoir faire passer ce petit message d'espoir à ceux qui galèrent et qui n'arrivent pas à s'en sortir, des drogues ou de n'importe quelle addiction d'ailleurs, il faut s'accrocher à un petit rêve. Pour sortir d'une addiction, il faut trouver son rêve et s'y accrocher.

À quoi vous rêviez enfant ?

À ça ! En fait, je voulais être ébéniste, c'est n'importe quoi ! Mais très rapidement, j'ai voulu faire ça.

Vous êtes sur scène pour Hier j'arrête. Vous vous racontez, toujours avec cet humour, souvent fracassant, parce que vous nous racontez des vraies scènes de vie, des vrais moments où vous avez souvent subi. Cet humour est une carapace, une arme aussi ?

Dans la vie en général, il faut voir le côté dérision du moment parce que sinon on se flingue.

Doully

à franceinfo

Certains pensent que c'est comme ma psychanalyse sur scène : pas du tout. C'est quelque chose d'assumer complètement depuis très longtemps. Par contre oui, pour faire passer un petit message, c'est chouette. Et puis c'est un exutoire de fou de rigoler de sa vie, de rigoler de soi surtout. Je pense que ce métier m'a beaucoup aidé parce que c'était comme un rêve de le faire vraiment et de faire passer plein de messages. Ce n'est pas évident de parler de l'héroïne à Monsieur Tout le monde. J'ai mis du temps à les faire marrer dessus. C'est vraiment un mot qui choque d'autant plus quand tu es une nana, c'est associé à la prostitution, à plein de trucs ! Tu peux très bien être un junky à l'héroïne et ne jamais avoir été dans la prostitution, ni avoir volé ni avoir menti. Le seul mensonge que je faisais, c'était de ne pas dire que j'en prenais.

Grâce à vous, beaucoup réussissent à en parler aujourd'hui parce que vous avez fait tomber cette notion de tabou. Ça vous touche quand on vient vous voir à la fin d'un spectacle ou quand on vous écrit en vous disant : "Grâce à vous, je suis en train de m'en sortir" ?

Oui, ça, ça me touche beaucoup. Ça me touche énormément, mais sincèrement, vraiment. Parce qu'en plus dans beaucoup de centres de junkies, ils te font croire que tu vas rester toute ta vie avec des substituts, ce qui est complètement faux. Tu peux très bien dire : non, c'est bon. C'est toi qui décides, ce n'est pas un médecin, ce n'est pas ton corps d'ailleurs, c'est ton cerveau qui décide que : "Non, c'est fini" et du coup, oui, ça me touche énormément.

Elle vient d'où cette force ?

Je ne sais pas du tout.

Vous avez conscience quand même que vous avez une force qui n'est pas donné à tout le monde ?

Pas vraiment. Non, je n'ai pas vraiment de conscience de moi-même.

On ne se rend pas compte à quel point il est difficile de sortir d'une addiction aussi puissante avec toutes ces drogues...

Oui, oui. Et pour autant, je pense sincèrement que quand tu en as vraiment marre d'un truc... Quand il y a des junkies qui m'écrivent, je leur dis les petites clés que j'ai eues. Après, bien évidemment, il y a tellement de facteurs qui rentrent en compte. Toi, comment tu vois ton addiction ? Toi, comment tu vois ton avenir ? Les gens qui t'entourent, c'est aussi très important.

Comment avez-vous fait pour vous en sortir ? Il y a eu un sevrage ?

Oui, j'en ai fait plusieurs. Mais celui qui a vraiment marché, c'est en Israël. Je suis parti voir un médecin en Israël. C'est ma grand-mère qui avait trouvé ce mec-là. L'histoire est très jolie. Au début, le mec ne voulait pas me prendre parce qu'en fait, j'avais déjà posé un pied en Israël et il n'avait pas eu mon dossier médical. Et quand il l'a vu, il a dit : " Oulala, mais non ! Pas du tout, cette personne est déjà morte ! Elle va mourir ce soir, demain, enfin, je ne veux pas être responsable de ça !" Il m'a reçu dans son cabinet. Je ne sais pas ce qu'on s'est dit, bien évidemment, je n'étais pas en état de m'en souvenir, mais quand il est sorti, il a dit : " Dieu m'a demandé de la sauver". Alors je ne suis pas la personne la plus croyante, mais c'est quand même quelque chose qui me fout le poil au bras parce qu'il ne me connaissait pas et je peux dire que cet homme m'a vraiment sauvé la vie. 

Est-ce que c'est effectivement une belle revanche sur la vie tout court de se dire que tout n'est pas foutu pour toutes celles et ceux qui sont au fond du trou ?

Rien n’est jamais foutu.

Doully

à franceinfo

Jamais. Ce n'est jamais foutu jusqu'à ce qu'on dise :" Amen" sur sa tombe. Il ne faut jamais dire : " C'est foutu".

Doully sera donc à l’Européen à Paris du 21 février 2023 au 20 mai, les 10 et 11 mars à Besançon, le 22 mars à Toulouse, le 31 mars à Boulogne-Billancourt, le 10 mai à Pacé etc…

Le site de Drogues Info Service c'est ici et le téléphone : 0800 23 13 13.

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