Raphaël : "Le bonheur, c'est du vol, ce sont des moments dérobés au malheur"

Tous les jours, une personnalité s'invite dans le monde d'Élodie Suigo. Vendredi 8 mars 2024 : L’auteur, compositeur, interprète et écrivain, Raphaël. Il sort un nouvel album : "Une autre vie".
Article rédigé par Elodie Suigo
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5min
Raphaël au festival des Vieilles charrues, à Carhaix, en juillet 2021. (JEAN-BAPTISTE QUENTIN / MAXPPP)

Raphaël est de retour. Avec ses 2,5 millions de disques vendus, ses trois Victoires de la musique et un prix Goncourt pour son roman Retourner à la mer en 2017, il occupe une place importante dans le paysage musical français, mais aussi dans le monde du livre. La rencontre avec le public s'est faite avec sa chanson Sur la route, embarqué dans sa Caravane, l'album qui a lancé sa carrière.

Après l'album Haute fidélité en 2021, Raphaël sort vendredi 8 mars un dixième album Une autre vie avec un premier single L'espoir. Dix nouveaux titres entre la pop et la chanson avec lesquels il nous en dit plus sur lui.

franceinfo : Est-ce que c'est difficile de mettre des mots sur des sentiments et notamment des sentiments amoureux ?

Raphaël : Ça se fait naturellement. Moi, j'aime bien écrire des chansons et puis ce que je préfère écrire, ce sont des chansons d'amour. La chanson a une espèce de capacité à synthétiser l'amour que n'a aucune autre forme d'art. J'ai l'impression qu'en une petite chanson d'amour, on peut dire autant de choses qu'en un immense roman. 

"Dans les périodes de troubles amoureux, les chansons sont d'un beaucoup plus grand secours que tous les livres de philosophie et de développement personnel qu'on peut trouver dans les gares."

Raphaël

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Quel regard d'enfant aviez-vous ?

Mon regard d’enfant est très proche de celui que j'ai aujourd'hui. Je n'ai pas l'impression d'avoir beaucoup changé entre le moment où j'avais sept, huit ans et aujourd'hui. J'ai appris quelques trucs que j'ai oubliés. J'ai un regard qui est à la fois révolté et plein de tendresse.

En quoi êtes-vous révolté ?

Souvent, le monde marche sur la tête. Il y a tellement de choses qui me paraissent absurdes, qui mènent le monde aux portes de la folie. On ne comprend pas très bien pourquoi d'ailleurs. Mais je trouve qu'il y a énormément de tendresse aussi.

Comment vous protégez-vous de ce monde qui va mal ?

Avec la musique, la littérature, c'est vraiment avec l'art. L'art, c'est la chose qui protège le plus de l'actualité. Et si je devais donner un conseil, c'est : "débranchez-vous de vos écrans, vous en êtes à 7h20 par jour de temps d'écran, ce n'est pas possible". Nous sommes robotisés, on nous fait un lavage de cerveau terrible. 

"Prenez un bon livre, écoutez un bon disque et ça ira déjà beaucoup mieux."

Raphaël

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Ce qu'on découvre à travers cet album, c'est un regard sur le monde qui est un peu hors du temps. Est-ce que l'écriture de vos nouvelles a davantage affûté votre plume ?

Peut-être qu’elles m'ont servi à écrire des textes plus simples, en tout cas des choses plus simples, plus directes. Quand on écrit des bouquins, souvent, on fait des phrases et puis on se dit : "Est-ce que cette phrase est vraiment nécessaire ? " Alors après, effectivement, si on réfléchit, aucune phrase n’est nécessaire, on pourrait juste laisser la quatrième de couverture d'un livre, c'est un résumé. Donc on ne peut pas aller vraiment à l'os. En revanche, on peut toujours essayer d'être le plus fluide possible, le plus simple possible, le plus direct possible. C'est ce que j'essaie de faire.

Dans Heures Sup, vous parlez du bonheur, vous dites que "Le bonheur, c'est du vol" et que "C'est un oiseau invisible". C'est quoi le bonheur ?

Il paraît que le bonheur, c'est du vol. Ce sont des moments dérobés justement au malheur. Je pense que c'est une manière de voir le monde. Peut-être de se dire que c'est une chance incroyable d'y avoir accès à un moment. Mais dans cette chanson, L'oiseau invisible, c'est peut-être de dire qu'il ne faut pas essayer de l'attraper, de l'apprivoiser, de le comprendre. C'est quelque chose de totalement impalpable et de mystérieux. C'est pour cette raison que je la chante avec mon plus jeune fils qui a neuf ans au moment où il chante. On ne sait pas lequel des deux sait ce que c'est que le bonheur. Probablement, qu’il a beaucoup plus accès que moi au bonheur. Quand je le vois le matin ou quand il rentre, il fait des danses lunaires en racontant sa journée, moi, si je faisais ça, sans doute qu’on m'enfermerait au bout d'une semaine ou deux.

Dans Nostalgia, vous abordez la nostalgie. L'êtes-vous par moments ?

Oui, je suis assez nostalgique. Mais comment ne pas l'être ? Je pense que la nostalgie est un des principes de l'existence. Qu'est-ce que la nostalgie ? C'est le désir du retour dans un endroit où on ne peut plus aller, par exemple l'enfance.

"Tout le monde est exilé de l'enfance. C'est le fondement même de la littérature et de la musique."

Raphaël

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Bob Marley, c'est que de la nostalgie. L'Odyssée d’Homère, c'est la définition même de la nostalgie, ça vient de là d'ailleurs, la nostalgie en grec, c'est le retour, donc c'est le voyage d'Ulysse.

Que représente cet album, cette Autre vie ?

Ce sont de très belles chansons. Elles ont quelque chose de très originale. Il y a certains morceaux comme La mariée, comme Le dernier chimpanzé du futur, comme Sur les épaules que je n'ai jamais entendu ailleurs dans la chanson française. Il n'y a pas de matrice, il n'y a pas de choses comme ça. Je trouve que c'est déjà pas mal de faire quelque chose de nouveau. Ça peut déplaire, ça peut plaire, mais en tout cas, c'est inédit.

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