"Tu casses l'image" a-t-on dit à Jean Reno pendant le tournage du film "La Rafle"
Jean Reno a accepté de passer toute cette semaine dans le Monde d'Élodie sur franceinfo. L'occasion de faire un point sur ce parcours aux multiples collaborations avec les plus grands acteurs et réalisateurs. Devenu un acteur incontournable, le franco-catalan né à Casablanca est l'un des rares à avoir réussi à développer une carrière qui a dépassé les frontières.
Sa rencontre avec les Français a été marquée évidemment par le rôle d'Enzo Molinari dans Le Grand Bleu (1988) de Luc Besson. Dans ce parcours qui force le respect, il a su toucher à tous les registres, les comédies, les thrillers ou encore les drames : Nikita (1990) et Léon (1994) de Luc Besson, Les Rivières Pourpres de Mathieu Kassovitz en 2000, L'opération Corned-Beef de Jean-Marie-Poiré (1991), Godzilla de Roland Emmerich (1998), La Panthère rose de Shawn Levy (2006) ou encore La Rafle de Roselyne Bosch (2010). Avec sa personnalité, il est devenu le protecteur, l'oncle de la famille, celui qui est à la fois drôle et autoritaire. Le père aussi, l'homme de confiance, celui à qui on confie des choses et celui derrière lequel on se range pour obtenir des conseils.
Depuis le mercredi 14 février, il est à l'affiche du film avec Kev Adams et Daniel Prévost : Maison de retraite 2 de Claude Zidi Jr.
franceinfo : Même si vous êtes estampillé acteur, est-ce que par moments, les rôles que vous avez joués ont finalement un peu débordé sur votre vie d'homme et à l'inverse ?
Jean Reno : C'est après, quand on revient à la maison, une fois que le travail est terminé. Moi, je ne m'en rends pas compte, mais ça horripile ma femme parce que ça va mettre entre deux et trois semaines pour vider ce placard. Avec le film La rafle, le moment où la porte du wagon s'est fermée, qu'on était tous entassés pour partir au camp, puisque je joue un médecin qui refuse de rester et qui part avec les enfants, ce moment a été une horreur. Je crois que Mélanie Laurent a eu un zona. J'ai pris trois ou quatre kilos parce que je mangeais, je buvais. C'est insupportable.
C'est une horreur d'aller gratter cette plaie que le nazisme a créée. Et ça te coûte parce que tu sais que tu touches le noyau du non-amour. Envoyer des enfants se faire gazer, mais ce n'est pas possible !"
Jean Renoà franceinfo
Actuellement, des bulles de saloperies, de haine, remontent contre des gens qui, simplement, vivent, qui n'ont rien fait d'autre que vivre dans une religion, peut-être qui n'est pas la vôtre. Mais que veux-tu y faire ? Eh bien, il y a des personnes qui disent : "Il faut exterminer, il faut couper des bras"... Ils enlevaient les dents, prenaient les cheveux pour faire des matelas ou des couvertures. Mais de quoi parle-t-on ?
Des abat-jour avec la peau.
Oui ! Des monstres. Et vous le portez en vous. Ce n'est pas facile. On est d'ailleurs allés tourner là où a été tourné le film de Spielberg parce qu'ils ont conservé le camp. Ils sont venus là, il faisait froid, il y avait de la neige et tu vois tout, toutes les images, tu comprends tout car tu es dedans. Tu ne peux pas le jouer si tu n'es pas dedans. Et Simone Veil m'a dit : "Je ne pensais pas que vous en seriez capable". Elle a vu le film et je lui ai dit : merci, merci. Oui, c'est drôle parce que tu casses l'image. Encore une fois, on déplace l'image et j'ai été très heureux de ça.
"Je ne suis pas ce que je fais, mais je suis un peu ce que je fais."
Jean Renoà franceinfo
Ce qui est étonnant avec ce film qui est un film vraiment très particulier dans votre filmographie, c'est que pour la première fois, vous parlez d'un sujet avec "une implication" en quelque sorte. C'est-à-dire que jusque-là, vous aviez incarné des rôles, c'était de la fiction. Là, on a un Jean Reno qui finalement est habité, absorbé, nourri par ça. C'est un autre visage de vous qu'on a découvert et on comprend qu’il vous a aussi changé en tant qu'homme.
Oui, on gagne en surface. Parfois, on monte, on gagne en hauteur. Ça peut être de la philosophie, ça peut être quelque chose qui hisse vers le haut, mais là c'est la surface. C'est la surface puisque tu préserves la chair, tu l'augmentes. Tu penses à des gens qui mangent pour ne pas voir leur solitude, tu gagnes de ce côté-là plutôt que la hauteur, où tu peux être très maigre et partir vers le bouddhisme ou des choses comme ça. Là, c'est la surface. Ce n'est pas un rôle bouddhiste, c'est un rôle humain, chair, viande. Accroche-toi, accroche-toi parce que tu ne peux pas penser que l'humanité fait ça. C'est impossible.
Êtes-vous fier, en tout cas heureux, du chemin que vous avez déjà parcouru ? De ce petit garçon qui rêvait justement d'être épanoui.
Oui, je suis content. Je suis content de ma famille, de mes amis de l'époque. Je n'en ai pas beaucoup, même pas une main. Mais parfois, on parle de quand on était jeune, de quand on rêvait. Du rêve. Et oui, je les laisse parler. Moi, j'ai un copain qui est professeur de guitare dans le New Jersey et on a des conversations sur Eric Clapton, ça peut durer la matinée. Je suis content de ma famille.
Si on vous demande aujourd'hui qui est Jean Reno, que répondez-vous ?
C'est curieux, tout de suite m'est venu : un Français, mais je pense que tous les êtres humains sont complexes et vous dire qui je suis en une phrase... Je ne sais pas.
Honnête, travailleur.
Oui ! Un chameau. C'est mon animal interne. Il y a des gens qui disent : "J'aime beaucoup les chiens, j'aime beaucoup les dauphins, l'ours, le tigre". Non, moi mon animal vrai, interne, c'est le chameau.
Y aura-t-il d'autres films comme La Rafle ?
Avec grand plaisir, si on me le propose même si on va souffrir, on le fera. Oui, bien sûr.
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