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Au Mali, les militaires français quittent Tombouctou, les problèmes restent

Au Mali, les militaires français se sont retirés du camp de Tombouctou, ville qu'ils avaient libérée des djihadistes en 2013 dans le cadre de l'opération Barkhane. L'avenir de la région inquiète cependant Paris.

Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 92 min
Le colonel Faivre donne la clé symbolique de l'opération Barkhane au colonel malien pendant une cérémonie de départ de l'armée française de la base militaire de Tombouctou (Mali), le 14 décembre 2021. (FLORENT VERGNES / AFP)

Sur la base militaire de Tombouctou (Mali) au sol de latérite, devant un parterre de soldats et d'officels, le drapeau tricolore a été descendu mardi 14 décembre pour laisser place au drapeau malien. Les 150 militaires français ont plié bagage dans le cadre de la réorganisation de l'opération Barkhane.

Après Kidal et Tessalit il y quelques semaines, ce retrait est un symbole fort : c'est à Tombouctou, cité sainte de l'islam inscrite au patrimoine mondial de l'Unesco, que l'ancien président français François Hollande avait lancé en grande pompe l'intervention française contre les jihadistes. C'était il y a presque neuf ans, en février 2013.

Depuis, l'opération s'est enlisée. Après plusieurs mois de traque des jihadistes dans les montagnes, l'opération Serval devient l'opération Barkahne et son mandat s'étend aux pays voisins. Mais le Sahel est immense et impossible à pacifier.

Cohabitation avec les djihadistes

L'armée française est de plus en plus perçue comme une armée d'occupation, inefficace voire injustement meurtrière, alors que les groupes jihadistes gagnent en influence et s'installent peu à peu dans le décor, dans une forme de cohabitation avec les habitants. Leurs combattants sont d'ailleurs souvent issus des mêmes communautés. Aujourd'hui, ils gèrent aussi le quotidien : autour de Tombouctou, pour une affaire de vol ou de conflit, on préfère aller voir le juge musulman de l'émirat plutôt que la justice de l'État.

D'après l'ONU, le nombre d'attaques contre les civils n'a jamais été aussi bas depuis 2015, année où Bamako et des groupes rebelles du Nord ont signé des accord de paix. Des réfugiés nomades, qui avaient fui en Mauritanie et en Algérie, sont revenus. Des écoles et des églises ont pu rouvrir sous certaines conditions. Cependant la situation reste fragile : aucun occidental ne peut se rendre dans cette zone sans escorte militaire.

L'influence russe inquiète Paris

Les soldats français quittent Tombouctou mais pas complètement le Mali : on entre plutôt dans une phase de réorganisation. En 2023, il n'y aura plus que 3 000 Français au Sahel contre 5 000 ces dernières semaines. L'armée va se redéployer vers le Sud et changer de tactique.

Plutôt que d’avoir des bases un peu partout, ce qui est très lourd sur le plan logistique et ce qui rend aussi les soldats plus vulnérables aux attaques, il y aura moins d'effectifs conventionnels mais plus d'activités de renseignement, avec des drones et des avions. Des forces spéciales vont s'intégrer à Tabuka, la force européenne censée prendre le relais. Confrontée à une hostilité grandissante, la France met désormais l'accent sur une internationalisation de l'effort militaire en impliquant davantage ses alliés européens et en misant sur la montée en puissance des armées locales.

Mais les contacts des militaires au pouvoir à Bamako avec la société paramilitaire russe Wagner inquiètent la France et ses alliés. Pas question pour Paris de conduire des opérations de terrain communes avec les supplétifs russes, souvent accusés d'exactions et soupçonnés d'être proches du président russe Vladimir Poutine. L'Union européenne vient d'ailleurs de sanctionner ce groupe - ainsi que huit personnes et trois sociétés qui lui sont liées - pour les "actions de déstabilisation" menées dans plusieurs pays d'Afrique, dont le Mali, et en Ukraine. Elle les a notamment privées de visas. 

Emmanuel Macron aura l'occasion d'en parler avec le chef de la junte, le colonel Assimi Goïta, qu'il rencontrera lundi 20 décembre à Bamako. Ce sera la première fois depuis que ce dernier est arrivé à la tête du pays par un putsch, en août 2020, avant d'être conforté par un second coup d'Etat en mai 2021. Emmanuel Macron devrait également évoquer le calendrier électoral, alors que les dirigeants ouest-africains, réunis dimanche en sommet au Nigeria, ont de nouveau exigé des élections en février 2022 et annoncé que sans engagement des autorités maliennes, ils imposeraient des sanctions supplémentaires dès le 1er janvier.

Le chef de l'Etat partagera ensuite un repas de Noël avec les troupes françaises stationnées à Gao, la principale base française du Sahel qui reste ouverte et qui accueillera le commandement de la force Takuba.

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