Brexit : les trois dossiers qui empêchent encore un accord entre Londres et Bruxelles
Le Brexit est entré dans sa dernière ligne droite. Tout doit être bouclé (en théorie) d'ici le 31 décembre. Mais les négociations bloquent toujours sur trois sujets.
Plus l'épilogue approche, plus la tension est à son comble. Ce week-end, tout ce que l'Union européenne compte de diplomates et de fonctionnaires a frémi de plaisir et d'ivresse : l'accord était là, à portée de main. Puis comme d'habitude, le scénario s'est grippé. Jusqu'ici, le Royaume-Uni continue à appliquer les règles européennes, à participer au budget de l'UE et à bénéficier des fonds européens, sans toutefois siéger au sein des institutions communautaires. À partir du 1er janvier, ce sera la fin de la période de transition. Le Royaume-Uni ne fera plus partie ni du marché unique, ni de l'union douanière. Il faut donc définir ce que sera la future relation commerciale entre Londres et Bruxelles.
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L'enjeu est simple : soit les deux parties se mettent d'accord juste avant la date fatidique. Mais une telle "happy end" ressemble surtout à de la science fiction, car il faudrait aller à la vitesse de la lumière. Le texte de plus de 600 pages est censé être lu et ratifié par le parlement britannique et le parlement européen d'ici trois semaines.
Soit chacun reste sur ses positions, et c'est le film catastrophe : le "no-deal". Il régulièrement brandi comme un épouvantail par le Premier ministre britannique Boris Johson. Les échanges commerciaux seraient alors soumis aux règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), avec taxes à gogo. Pas du tout l'idéal dans un contexte où les économies européennes et mondiales sont fragilisées par l'impact du coronavirus. À ce stade, les deux protagonistes ont avancé sur tout, sauf sur l'essentiel. Trois dossiers cristallisent les blocages, toujours les mêmes.
La pêche, noeud du blocage
C'est un petit sujet économique mais surtout un gros dossier politique. Personne n'a envie de se fâcher avec ses pêcheurs. En France, la présidentielle est dans deux ans, donc pas question d'alimenter un mouvement social et de nourrir les mouvements populistes. Jusqu'ici, les pêcheurs français de Boulogne-sur-Mer ou Lorient, les pêcheurs néerlandais et belges allaient autant qu'ils voulaient dans les eaux britanniques. Une zone à la fois immense et particulièrement riche en maquereau, lieu noir ou merlan bleu. Ils pouvaient y capturer jusqu’à 80% de leurs prises.
Ne plus avoir accès à cette ressource porterait un coup mortel à leur activité. Après le Brexit, ils auraient voulu que rien ne change. Mais les Britanniques, qui retrouvent leur souveraineté sur leur gigantesque zone de pêche, préfèreraient imposer à leurs voisins un système de droit de pêche et de quotas. Ils seraient négociés chaque année, comme ils le font déjà avec la Norvège ou l'Islande. C'est là que se joue le bras de fer. Londres propose d'attendre trois ans avant de mettre en place ses quotas ? Pour Bruxelles, ce n'est pas assez. Les Européens proposent de reverser au Royaume-Uni une partie du montant des prises qu'ils auront effectuées dans sa zone économique exclusive ? Pour les Britanniques, les montants ne sont pas assez élevés.
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Les Européens sont d'autant plus rigides qu'ils sont extrêmement dépendants des eaux britanniques et ne savent pas vraiment comment limiter la casse. Et si les eaux britanniques se ferment, c'est sur les eaux françaises que risquent de se rabattre les navires européens, créant la surexploitation de la ressource.
Les règles de concurrence
C'est le second point de blocage. Pour que les Européens et les Britanniques nouent un accord de libre-échange équitable, Bruxelles réclame que la concurrence britannique reste "ouverte et loyale". Autrement dit que le Royaume-Uni ne tire pas vers le bas les normes fiscales, sociales et environnementales pour vendre davantage sur le marché européen ou attirer des investisseurs, qu'il ne subventionne pas non plus à outrance ses entreprises avec de l'argent public. Sans cette assurance, le Royaume-Uni se verrait imposer des taxes supplémentaire. En gros, pas question de déréguler à tout-va aux portes de l'Europe.
L'arbitrage des différends
Enfin, qui va régler les différends commerciaux ? Quel tribunal d'arbitrage en cas de violation de l'accord ? C'est le troisième sujet sensible, car Londres ne veut pas entendre parler de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE). Bruxelles pourrait devoir lâcher du lest. La Commission étudie désormais la possibilité de ne pas mentionner la CJUE dans le futur texte et d’éviter toute référence au "droit communautaire".
La prochaine échéance a lieu ce lundi soir. Les deux négociateurs Michel Barnier et David Frost, qui ont passé sans succès toute la semaine dernière dans un rez-de-chaussée sans fenêtres du ministère de l’Industrie britannique (la "cave" comme l’ont baptisée les médias britanniques) ont en effet passé la main aux patrons. Le Premier ministre britannique Boris Johnson et la présidente de la Commission Ursula von der Leyen doivent se faire un nouveau point par téléphone ce lundi soir.
I had a phone call with @BorisJohnson on the EU-UK negotiations.
— Ursula von der Leyen (@vonderleyen) December 5, 2020
Differences remain. No agreement feasible if these are not resolved. Chief negotiators will reconvene tomorrow. We will speak again on Monday. https://t.co/fsVtfW0HHh
Une petite musique est en train de monter : pourquoi ne pas négocier jusqu’à la fin de l’année, voire début 2021 ? Prévoir une période de transition pendant laquelle s’appliqueraient les tarifs de l’OMC, le temps qu’un terrain d’entente soit trouvé ? Mais les Britanniques ont toujours refusé de négocier au-delà du 31 décembre 2020. Pour l'heure, rien n'indique qu'ils auraient changé d'avis. Vous pouvez reprendre du pop-corn, le film n'est pas terminé.
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