Brexit : Londres s'éloigne de l'Europe, Gibraltar s'en rapproche
Brexit is done ! Après plus de 47 ans de vie commune, le divorce est acté entre le Royaume-Uni et l'Union européenne. Paradoxe : alors que Londres s'éloigne, l'enclave britannique de Gibraltar, située tout au sud de l'Espagne, se rapproche au contraire de l'Europe.
Grâce au Brexit, Gibraltar va resserrer ses liens avec les Européens. Explication : jeudi 31 décembre, comme le Royaume-Uni, le territoire ne faisait pas partie de l'espace Schengen. Cela veut dire qu'il fallait obligatoirement montrer son passeport pour franchir la frontière. Aujourd'hui, alors que le Royaume-Uni se détache et s'éloigne de l'Europe, Gibraltar a au contraire rejoint l'espace Schengen : depuis 26 pays (dont la France et l'Espagne) on peut désormais s'y rendre sans entrave. Plus de passeports, plus de contrôles. La frontière s'efface.
Dans les faits, Gibraltar n'étant pas un État souverain, il ne peut pas devenir réellement membre de Schengen : c'est l'Espagne qui sera responsable de l'application des règles de Schengen sur le territoire, via les agents de Frontex, (l'Agence européenne chargée du contrôle des frontières extérieures). Cet arrangement, annoncé le 31 décembre quelques heures seulement avant l'entrée en vigueur du Brexit, reste provisoire : il s'applique pour quatre ans, en attendant un traité en bonne et due forme avec l'Union européenne.
Le sort de Gibraltar avait été expressément exclu de l'accord conclu entre Bruxelles et Londres le 24 décembre, justement pour permettre à Londres et Madrid de régler la question de manière bilatérale. Mais comme pour le Brexit, les négociations ont été longues et difficiles. Il fallait à tout prix éviter le rétablissement des droits de douane à partir du 1er janvier 2021. Cet accord de dernière minute est donc un énorme soulagement, à la fois pour les habitants de Gibraltar et les Espagnols.
Le territoire est prospère
Il y a environ 33 000 citoyens britanniques à Gibraltar : ils ont voté à 96% contre le Brexit. La frontière avec l'Espagne est l'une des plus petites du monde (1,2 km), on la traverse tous les jours dans les deux sens. C'est un écosystème à part entière. Beaucoup de familles, d'ailleurs, sont binationales et vivent avec un pied de chaque côté. 15 000 personnes, en majorité Espagnoles, vont tous les jours travailler à Gibraltar. Le Rocher est prospère, les salaires plus élevés qu'en Espagne, c'est un territoire de plein-emploi qui recrute essentiellement dans les services, les banques, les assurances, les géants mondiaux des jeux en ligne. Dans l'autre sens, les Britanniques de Gibraltar vont en Espagne pour leurs loisirs, le surf, le ski, ou pour profiter de leur résidence secondaire.
Tous ces mouvements seront désormais beaucoup plus fluides et l'on pourra traverser la frontière sans bouchons comme on traverserait la rue. Fluidité accrue aussi pour les touristes, secteur important de l'économie : 10 millions de personnes chaque année, qui en général viennent faire un tour pour la journée pour profiter des vues magnifiques sur la baie d'Algésiras ou visiter la réserve des derniers singes sauvages d'Europe. Les autorités locales avaient peur aussi qu'un Brexit dur crée des problèmes logistiques parce que Gibraltar ne produit rien, évidemment : le territoire est tout petit, à peine 7 kilomètres carrés, et tout est importé, notamment les produits alimentaires.
L'Espagne revendique sa co-souveraineté
Londres et Madrid se sont souvent querellés au sujet de Gibraltar. La presqu'île a beau avoir été cédée à la couronne anglaise en 1713, Madrid n'a jamais cessé de revendiquer sa co-souveraineté. La frontière a cristallisé les tensions. À chaque crispation d'ailleurs, pour gêner les Britanniques, Madrid n'hésitait pas à la fermer ou à intensifier les contrôles – officiellement pour réduire la contrebande de tabac, détaxé à Gibraltar. Le temps nécessaire à la traversée passait alors de quelques minutes à plusieurs heures. Aujourd'hui, Londres n'abandonne pas sa souveraineté et Madrid garde une libre circulation des biens et des personnes : le Rocher réussit la prouesse de garder son identité britannique tout en se rapprochant de l'Europe.
L’accord "nous permettra d’avancer vers une zone de prospérité partagée. Fermeté dans les principes, progrès pour les citoyens", a tweeté peu après l’annonce le Premier ministre espagnol, Pedro Sánchez.
Iniciamos una nueva etapa. Alcanzamos un principio de acuerdo con Reino Unido sobre Gibraltar que nos permitirá eliminar barreras y avanzar hacia una zona de prosperidad compartida. Firmeza en los principios, progreso para la ciudadanía.
— Pedro Sánchez (@sanchezcastejon) December 31, 2020
Gracias a los negociadores de Exteriores. pic.twitter.com/8LQFfjLz3U
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