En Afghanistan, plus les Américains se retirent plus les Talibans progressent
Les 2 500 soldats américains préparent leur départ d’Afghanistan, laissant l’armée régulière afghane seule face aux islamistes talibans qui en profitent pour prendre des territoires
Après deux décennies de présence occidentale, les Afghans vont être livrés à eux-mêmes. Après les troupes italiennes et allemandes, ce sont les Américains qui partent. Ils ont quitté vendredi matin la base aérienne de Bagram. Washington avait prévu de se retirer d'ici le 11 septembre, 20 ans après les attentats du World Trade Center mais le retrait de la totalité des forces étrangères est "imminent" selon un responsable américain de la Défense. Ce départ précipité profite aux Talibans. Lâchée par les Américains, l'armée régulière afghane n'a plus les moyens de se battre. Le soutien des États-Unis dans les airs et leur travail de renseignement au sol est indispensable pour les frappes aériennes. Sans le matériel moderne américain, le gouvernement afghan manque pour l'instant d'efficacité.
Washington a bien fait un geste : une quarantaine d'hélicoptères devraient être livrés mais sans homme pour les piloter. Une faille que les Talibans ont bien compris. Les islamistes multiplient depuis quelques semaines les assassinats de pilotes et de mécaniciens.
Stratégie d'encerclement des villes
Pour parvenir à contrôler le pays, les insurgés coupent les grandes routes d'accès aux villes, notamment la capitale, Kaboul. Ils le font aussi autour des villes provinciales et sur les axes qui mènent aux pays voisins. Le 22 juin, les Talibans ont pris le contrôle de la route principale qui mène au Tadjikistan, route essentielle pour les échanges commerciaux avec l'Asie centrale.
Les Talibans grignotent peu à peu le territoire. Ils affirment contrôler actuellement 90 districts sur 421. Pour les contrer, le gouvernement afghan a annoncé cette semaine le renfort de 4 000 hommes. Les pourparlers entre les Talibans et le gouvernement afghan n'ont rien donné. Le président Asraf Ghani est affaibli, en manque de légitimité.
La possibilité de revoir les Talibans au pouvoir est "réelle" selon les spécialistes. La question est de savoir si ce sera par la force. Et si les Talibans de 2021 sont ceux des années 1990, années de terreur en Afghanistan. Pour Gilles Dorronsoro, professeur de science politique à Paris I Sorbonne et auteur du livre Le gouvernement transnational de l’Afghanistan, une si prévisible défaite (éd. Karthala) interrogé par France 24, si les Talibans "arrivent au pouvoir, il y aura une régression des droits humains en général, mais il est probable qu’ils n’enfreignent pas certaines lignes rouges afin de ne pas s’attirer les foudres de la communauté internationale comme ce fut le cas dans les années 1990. Pour autant, les Occidentaux n’ont pas beaucoup de moyens de pression sur eux et pour le moment, ils bénéficient d’une reconnaissance internationale forte."
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