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En Birmanie, la situation sanitaire est catastrophique, notamment à cause de la junte militaire au pouvoir

En Birmanie, où la junte militaire a pris le pouvoir en février, il est difficile d’obtenir des informations sur la situation sanitaire. Mais elle semble se dégrader et l’ONU s’inquiète car le régime n'y est pas étranger.

Article rédigé par Elise Delève
Radio France
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Des volontaires transportent une victime du Covid-19 à Yangon (Birmanie). Photo d'illustration. (YE AUNG THU / AFP)

Le Covid-19 ravage tous les pays. Même les solides démocraties frémissent. Alors imaginez un pays qui, en même temps que le virus, bascule dans un régime autoritaire. En Birmanie depuis février, la junte militaire a pris le pouvoir et depuis, tout passe par l’armée. Le problème, c’est que d’après plusieurs témoignages,  elle ne fait rien pour endiguer l’épidémie. Il n’y a pas de test, pas de programme de vaccination et pas de matériel médical.

Et le pire est peut-être à venir, selon Tom Andrews, rapporteur spécial sur les droits de l’Homme en Birmanie, qui a accordé une interview mercredi 28 juillet au quotidien britannique The Guardian. Dans cette interview, il donne plusieurs images effarantes. "En Birmanie, dit-il, vous voyez souvent se former trois files d’attente. Une pour les distributeurs d’argent" (depuis le putsch, les banques sont vides et il faut plusieurs heures, voire une journée pour retirer 100 euros), "une pour récupérer les bouteilles d’oxygène" (l’armée est accusée d’en réquisitionner), et  "une pour les crématoriums". Dix crématoriums ont été construits récemment à Rangoun. Devant les maisons, les habitants atterrés, assommés, agitent des drapeaux blancs ou jaunes pour indiquer qu’ils ont besoin de nourriture, ou de médicament.

Les médecins en danger de mort

Mais c’est peut-être la situation des docteurs qui est encore plus alarmante. En février, ils étaient en première ligne dans les manifestations contre le putsch et ensuite dans le mouvement de désobéissance civile. Depuis, ils sont la cible de la junte militaire. Elle en arrêté 67 selon l’ONU et 600 mandats d’arrêts ont été lancés contre des soignants. 600, alors que le pays souffre, que les hôpitaux sont surchargés. Conséquence : les docteurs refusent de travailler dans les hôpitaux publics, et se cachent pour soigner des patients.

Depuis février, les militaires ont attaqué au moins 260 dispensaires ou personnel médical, selon l’ONU. 18 soignants sont morts. Il n’existe pas de chiffres clairs sur le nombre de décès liés au Covid-19. Le régime dit 4 629 depuis le 1er juin mais ces chiffres sont certainement sous-estimés. Sur place, les journalistes et les médecins étant arrêtés, difficile de savoir précisément.

Le virus tue sans distinction

L’ONU demande donc d’agir et vite, car le nombre de cas augmente avec "une rapidité alarmante". En février, les Nations unies avaient adopté une résolution exigeant un cessez-le-feu dans tous les Etats en conflit pour permettre l’arrivée de vaccins. Tom Andrews réclame que cette demande soit réaffirmée dans le cas de la Birmanie. "Cela pourrait aider les agences internationales à fournir une grande assistance", dit-il.

Car le risque, c’est que la Birmanie devienne un "super-propagateur". Voisins de la Birmanie, on trouve les pays les plus peuplés au monde, la Chine et l’Inde. La Chine qui jusqu’à présent soutient l’armée birmane et refuse que le Conseil de sécurité de l’ONU fasse pression sur la junte. Il va pourtant falloir que la communauté internationale s’active. Comme le dit le rapporteur de l’ONU : "le virus n’a pas de nationalité, de frontière, d’idéologie, de parti politique. Il tue sans distinction." C’est l’égalité des chances devant la mort.

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