En Espagne, des militaires détournent la "loi trans" pour obtenir des avantages réservés aux femmes
Ils n'ont pas changé de sexe, ils ont toujours leur barbe et n'ont pas changé de prénom. Ils s'habillent et vivent comme des hommes, mais aux yeux de la loi et sur leur carte d'identité, il faut désormais les appeler "Madame" : ils sont devenus des femmes.
Ce phénomène reste marginal mais selon le site d'information El Español, ils seraient une quarantaine à avoir opéré ce changement dans les rangs de l'armée et de la police, notamment à Ceuta, enclave espagnole située au nord du Maroc.
L'autodétermination de genre
En Espagne, depuis février 2023, la "loi d’égalité réelle et effective des personnes trans" permet très facilement de changer de genre. Peu de pays l'autorisent, mais comme le Danemark, l'Espagne autorise l'autodétermination. N'importe quel citoyen d'au moins 16 ans peut changer de sexe à l'état civil, en en faisant simplement la demande. Il doit juste confirmer son choix trois mois après le dépôt de sa demande. Il n'est plus nécessaire de passer devant un tribunal, de fournir des justificatifs médicaux ou de se lancer dans un traitement hormonal.
Lors de son examen au Parlement, cette loi avait divisé la gauche et provoqué la colère des formations de droite, mais aussi d’une partie des féministes, qui craignaient "l’effacement juridique du sexe biologique".
Un intérêt pécuniaire
Roberto Perdigones, le caporal qui témoigne sur le site d'El Español, n'a pas peur de la provocation : "De l'extérieur, je me sens comme un homme hétérosexuel, mais à l'intérieur, je suis lesbienne", affirme-t-il. Pourtant, si des militaires se lancent dans cette démarche, c'est d'abord par intérêt pour leurs finances et parce qu'en tant que "femme" dans l'armée, ils en retirent un certain nombre d'avantages.
Le caporal a désormais sa propre chambre avec salle de bains. Il ne peut plus aller dans les sanitaires collectifs, ni ceux des hommes en raison de sa nouvelle identité, ni ceux des femmes en raison de son physique. Il a le droit de se laisser pousser les cheveux, un peu plus en tout cas que les trois millimètres réglementaires. Mais surtout il a obtenu ce qu'il cherchait : une augmentation de salaire de 15%, mesure de discrimination positive prise pour accélérer la féminisation de l’armée. D'autres ont comme lui témoigné dans les médias espagnols de leurs motivations purement financières.
Les transexuels vent debout contre la démarche
Ces cas ont beau être rares, ils exaspèrent les "vrais" transsexuels. La FELGTBI+, principale fédération espagnole de gays, trans, bisexuels et intersexuels, demande à la justice de poursuivre ces militaires au motif qu’ils détournent la loi et agissent de manière frauduleuse, alors que leur intention réelle n'est pas de changer de genre.
Sa présidente dénonce le défilé "honteux" de militaires qui, depuis quelque temps, apparaissent dans les médias "dans le but évident de remettre en cause la loi LGTBI+, de se moquer des personnes trans et de porter atteinte à leurs droits en se faisant passer pour des trans "de manière grotesque", un groupe vulnérable qui subit déjà au quotidien violence et discrimination.
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