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"Instiller la peur", répression ou outil politique... Ce que révèlent les chiffres alarmants de la peine de mort en 2022

Dans son rapport sur la peine de mort, Amnesty International constate que le nombre d'exécutions à travers le monde a explosé l'an dernier. En tête du palmarès de la mise à mort : la Chine, l'Iran et l'Arabie saoudite.
Article rédigé par franceinfo, Isabelle Labeyrie
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Publié
Temps de lecture : 3min
Le logo d'Amnesty International, octobre 2021. (ISAAC LAWRENCE / AFP)

Retenez ce chiffre : l'an dernier, en 2022, 883 personnes ont été exécutés dans 20 pays seulement. 
883 personnes. C'est beaucoup plus que l'année précédente. Et c'est même un niveau record, selon le rapport d'Amnesty International sur la peine de mort, dévoilé le 16 mai 2023. Il faut remonter à 2017 pour retrouver des chiffres d'une telle ampleur.

Chaque année, la Chine est en tête de ce triste palmarès. Même si le secret qui entoure les données liées à la peine de mort empêche les ONG ou les institutions internationales d'évaluer précisément le nombre d'exécutions. C'est la même chose évidemment en Corée du Nord, mais aussi au Vietnam. 

La peine de mort, un outil politique

Après la Chine, viennent l'Iran et l'Arabie saoudite. Dans la République islamique, les mises à mort ont progressé de 83% entre 2021 et 2022. Il y en a ainsi eu 576 l'an dernier, selon Amnesty International. La plupart d'entre elles ont eu lieu après les premières manifestations des femmes contre le port du voile, qui ont débuté en septembre. Si le régime des mollahs applique la peine capitale à tour de bras, c'est parce que c'est sa garantie de maintien au pouvoir. Il en a fait un outil de répression politique en rétablissant les pendaisons en public pour "instiller la peur" et casser le soulèvement populaire après la mort de Mahsa Amini.

Les ONG des droits de l'homme accusent d'ailleurs Téhéran d'avoir exécuté des personnes qui n'avaient fait qu'exercer leur droit de manifester. Précisons que les minorités tels que les Arabes, Kurdes, Azéris ou Baloutches sont surreprésentées et que le fait d'avoir la double nationalité ne protège pas de la fureur des autorités. Un Irano-suédois et un Irano-britannique ont été exécutés ces derniers mois en dépit des protestations internationales.

En Arabie saoudite, c'est la même poigne de fer : le nombre d'exécution a été multiplié par trois, avec 65 cas en 2021 contre 196 l'an dernier. C'est le niveau le plus élevé depuis 30 ans. Riyad punit essentiellement les personnes condamnées pour terrorisme et trafic de drogue, au cours de décapitations collectives massives : jusqu'à 81 prisonniers en 24 heures l'an dernier, en vertu d'une législation aux contours extrêmement flous, comme une forme de provocation à l'égard de l'Occident abolitionniste.

De nouveaux pays abolitionnistes

Malgré ce panorama mortifère, il y a des raisons d'espérer malgré tout : l'an dernier, six nouveaux pays ont aboli entièrement ou partiellement la peine de mort avec le Kazakhstan, la Papouasie-Nouvelle-Guinée et quatre pays africains : Sierra Leone, République Centrafricaine, Zambie et Guinée-Équatoriale.

En Zambie, les autorités en ont profité pour supprimer la législation pénale sur la diffamation à l’encontre du président, qui était encore utilisée pour museler la liberté d’expression. En Guinée-Équatoriale, les ONG se félicitent de l'abandon de la peine capitale (la dernière exécution officielle remontait à 2014), mais rappellent que le régime est régulièrement accusé par l'ONU de disparitions forcées, de détentions arbitraires et de tortures.

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