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Iran : après l'exécution d'Habib Chaab, inquiétude pour les autres binationaux détenus dans ce pays

Samedi 6 mai 2023, Habib Chaab, condamné à mort, Habib Chaab a été pendu en Iran. Reconnu coupable d'avoir dirigé un groupe séparatiste classé "organisation terroriste" par les autorités. Sa double nationalité, iranienne et suédoise, ne l'a pas protégé.
Article rédigé par Isabelle Labeyrie
Radio France
Publié
Temps de lecture : 5min
Habib Chaab, lors de son procés à Teheran (Iran), le 18janvier 2022. (MAJID AZAD / JAMEJAMONLINE via AFP)

Habib Chaab, c'était son nom. Il avait une cinquantaine d'années et il a été pendu, samedi 6 mai. Cela faisait cinq mois jour pour jour qu'il avait été condamné à mort, reconnu coupable d'avoir dirigé un groupe séparatiste dans une région arabophone du sud-ouest de l'Iran, proche de l'Irak : le Khuzestan, province riche en pétrole, mais déshéritée et oubliée du gouvernement, qui cherche à créer un État distinct. Son organisation, Harakat al-Nidal ou ASMLA (Mouvement arabe de lutte pour la libération d'Ahvaz), est classée "organisation terroriste" par les autorités.

Habib Chaab était notamment accusé d'être le cerveau d'un attentat contre un défilé militaire qui avait fait 29 morts en 2018. Il résidait en Suède, mais avait disparu à Istanbul avant de réapparaître dans une prison iranienne. En novembre 2020, la télévision avait diffusé ses "aveux". Il a été pendu samedi 6 mai. Six autres membres de son organisation sont eux aussi condamnés à mort, accusés d'avoir "suivi les ordres de leurs chefs européens, comme (...) Habib Chaab".

580 exécutions en 2022

Sa mort s'inscrit dans une longue série : depuis le soulèvement national pour les droits des femmes, déclenché par la mort de Mahsa Amini en septembre, le régime des mollahs exécute à tour de bras. Il y a en Iran plus d'exécutions que dans n'importe quel pays du monde, sauf la Chine. Plus de 580 l'an dernier, selon le rapport qui vient d'être publié par Ensemble contre la peine de mort et l’Organisation iranienne des droits de l’homme (IHR), basé en Norvège. 

 

2023 est sur la même tendance avec 42 exécutions ces dix derniers jours. Les deux ONG constatent que la peine capitale est de nouveau utilisée par le régime comme la garantie de son maintien au pouvoir, l'ultime outil d'intimidation et d'oppression. Notamment vis-à-vis des minorités arabes, kurdes, azéries et baloutches. Des minorités qui se plaignent depuis longtemps d'être victimes de discriminations.

Les appels de la communauté internationale sans effet

Les appels à la clémence de la part de la communauté internationale ne changent strictement rien : c'est particulièrement frappant dans le cas d'Habib Chaab. Il avait la double nationalité, iranienne et suédoise. Stockholm a donc tenté de lui offrir une aide consulaire quand il était en prison et demandé à Téhéran de renoncer à cette condamnation à mort. Sans succès. L'Iran, qui ne reconnaît pas la double nationalité, a bloqué toutes les démarches et est resté inflexible.

Ce week-end la Suède qui s'est dite "consternée" a convoqué l'ambassadeur par intérim de l'Iran et, comme l'Union européenne, dénonce "une sanction inhumaine".

En arrière-plan, il y a des relations irano-suédoises très tendues en raison de l’affaire Hamid Nouri, un ancien fonctionnaire de prison condamné à la perpétuité en première instance en Suède pour son rôle dans les exécutions de prisonniers ordonnées par Téhéran en 1988. Son procès, actuellement en appel, suscite la colère de Téhéran qui dénonce régulièrement des poursuites "politiques" et des "accusations sans fondement".

Mais dans un autre cas, en janvier 2023, il y a eu une vague d’indignation internationale après l'exécution d'un Irano-Britannique, Alireza Akbari, reconnu coupable d’espionnage. Là encore ça n'avait pas infléchi la position de Téhéran. 

16 Iraniens avec des passeports européens

Ces exécutions ravivent les inquiétudes pour d’autres binationaux actuellement détenus dans les couloirs de la mort. Comme un autre irano-suédois, Ahmadreza Djalali, un scientifique professeur à l’université libre flamande de Bruxelles, condamné pour espionnage. Ou Jamshid Sharmahd, un dissident irano-allemand de 67 ans, accusé d’avoir participé à un attentat contre une mosquée à Chiraz en 2008.

Début mars, l’Allemagne a expulsé deux diplomates iraniens en poste à Berlin pour protester contre la confirmation de sa condamnation à mort. Il y a aussi les détenteurs de passeports occidentaux qui ne sont pas condamnés à la peine capitale, mais sont retenus depuis plusieurs mois... voire plusieurs années dans les geôles iraniennes. Ils sont au moins 16, dont six Français.

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